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Herrmann/Horner : deux géants d’Hollywood au service de l’émotionnel ?

27-28 mars 2025, Université Rouen Normandie
CÉRÉdI / ERIAC / ELMEC
Colloqueinternational

Ce colloque international rend hommage à deux géants d’Hollywood, Bernard Herrmann (1911-1975) qui s’est éteint le 24 décembre 1975 (il y a cinquante ans) pendant la post-production de Taxi Driverde Martin Scorcese et James Horner (1953-2015) qui s’est accidentellement tué le 22 juin 2015 (il y a dix ans) alors qu’il pilotait l’un de ses avions.

Bernard Herrmann né à New York en 1911, étudiera à la Julliard School où il apprend la direction d’orchestre et la composition. Il écrit la musique de dramatiques radio, notamment Rebecca aux côtés d’Orson Welles pour lequel il composera ensuite sa première partition pour le cinéma, CitizenKane, en 1941. Herrmann a travaillé avec des cinéastes emblématiques comme Joseph L. Mankiewicz, Robert Wise, Nicholas Ray, François Truffaut, Brian De Palma ou encore Martin Scorcese. Il est connu pour avoir créé les codes du cinéma du suspense ou du thriller psychologique durant sa collaboration avec Alfred Hitchcock, parmi les plus marquantes de l’histoire du cinéma. S’il a systématisé l’accord du suspense (accord parfait mineur avec septième majeure) ou l’accord charnel (neuvième majeure d’espèce) dans plusieurs thriller psychologiques au romantisme noir d’Hitchcock (Vertigo, North by Northwest, Psycho, Marnie) pour symboliser « l’ambivalence rationnel/irrationnel » (Brown), ces deux couleurs harmoniques apparaissent dans le concerto macabre qu’il avait composé pour le héros pianiste psychopathe d’Hangover Square (John Bram) en 1944. L’accord du suspense, devenu une marque indélébile de la fêlure psychologique, se dissimule dans le thème principal de Pierre Jansen pour Noces Rouges(1973) de Claude Chabrol (Carayol/Rossi, 2021) ou encore dans la partition d’Ennio Morricone pour Les Huit salopards (2015) de Quentin Tarantino (Carayol, 2022). Cette manière particulière d’agencer des mélodies brèves en liés par deux dupliqués, ou encore l’inventivité harmonique (Lehman, 2018) et orchestrale d’Herrmann, notamment dans les films de science-fiction (Bruce, 1988 ; Wissner, 2013), participent à la reconnaissance de son style. Ses œuvres de concert entretiennent souvent une porosité avec celles qu’il écrit pour le cinéma : son opéra Wuthering Heights entre en résonance étroite avec le thème principal de The Ghost and Mrs Muir (Mankiewicz,1947) et bon nombre de passages de sa Sinfoniettapourcordes(1936) se retrouveront distillés dans Psycho(1960). Herrmann a surtout un impact matriciel (Carayol 2023) : les circonvolutions macabres du célesta, de la harpe et de la clarinette basse de Living Doll (épisode de Twilight Zone, 1963) amorcent l’effet boîte à musique (emploi de sonorités cristallines dans un contexte harmonico-sonore dissonant) amplement systématisé dans le cinéma d’horreur pour exprimer par exemple l’enfance contrariée ; les cinq notes du « Batman Theme » de Danny Elfman (Burton, 1989) prennent racines dans les sept notes de l’un des thèmes emblématiques (« Mountain Top ») de Voyages au centre de la terre(Levin, 1959) ; les propriétés du thème principal du Jour où la terre s’arrêta (Wise, 1951) – progression majeure à distance de triton (Murphy, 2006) et phénomène Zarathoustra - imprègnent les musiques du space opera jusqu’à Interstellar (Nolan, Zimmer, 2014). Herrmann s’impose ainsi comme un pilier incontournable du langage de la musique de film.

Horner né en 1953 à Los Angeles, commencera une thèse et enseignera à l’Université de Californie (UCLA), mais après avoir composé plusieurs musiques pour L’American Film Institute dans les années 1970, il fera le choix d’intégrer le milieu du cinéma, d’abord comme conseiller musical (Durougepour un truand, Lewis Teague, 1979) et il composera sa première musique originale pour Les Mercenaires de l’espace (BattleBeyond theStars) de Jimmy T. Murakami en 1980. Horner est un compositeur néo-hollywoodien (post-John Williams), qui atteint une maturité de style dans les années 1990 avec Appolo 13 (Ron Howard, 1995), de grandes fresques au lyrisme épique comme Braveheart (Mel Gibson, 1995), Légendes d’automne (Edward Swick, 1995), The Mask of Zorro (Martin Campbell, 1998), ou encore aux côtés de James Cameron avec Aliens, le retour (1986), Titanic (1997) et Avatar (2009). Il s’inscrit dans le sillon de Danny Elfman en participant à la franchise Spiderman (The Amazing Spiderman en 2012), ou encore dans celui de Jerry Goldsmith en composant la musique des deuxièmes opus de Alien et Startrek. Horner a une écriture tonalo-modale et explique qu’il a « ethnotisé » sa musique (Cinéfonia n°15, p. 50) : il hispanise son thème pour Zorro, mâtine la partition de Titanic de couleurs celtes (mélopées à la tin-whistle ou à la cornemuse) et il jongle entre plusieurs modes (eolien, thrygien, dorien, lydien) dans le péplum Troie(Wolfgang Petersen, 2004). Horner c’est aussi ce dosage alchimique entre orchestre, bruits métalliques qui heurtent les scènes d’action et hybridation singulière où la voix soliste de chanteuses (Enya dans Légendes d’automne / Sissel et Céline Dion dans Titanic) côtoient des voix synthétiques. Horner est également connu pour son art de la citation : le thème d’Achille dans Troie provient du dernier mouvement de la cinquième symphonie de Chostakovitch, tandis que la courbe mélodique du morceau « The Ride » de Maskof Zorro semble être une variante hispanisante du thème de la Force de John Williams. Horner signe également sa musique de quatre notes « ta, da, da, daaa »… S’il n’invente pas la formule (on la trouve déjà par exemple dans le thème de MarathonMande Michael Small), il la systématise. Ces quatre notes, brutes et incisives ou insidieuses et sournoises - sorte de caméo musical - symbolisent la mort dans quasiment toutes les B.O du compositeur.

Il existe déjà bon nombre d’écrits consacré à Bernard Herrmann, parmi lesquels, l’ouvrage de Steven C. Smith qui met en lumière tous les aspects de l’œuvre d’Herrmann au regard d’éléments biographiques ; certains chapitres et articles de Royal S. Brown centrés sur la période hitchcockienne ; des analyses de Claudia Gorbman ou encore de Kathryn Kalinak ; le livre de Graham Bruce qui apporte un éclairage précis sur l’ensemble du langage narratif du compositeur ; ou encore l’article de Tom Schneller orienté sur le schème eros-thanatos. Les travaux sur James Horner sont beaucoup plus rares, à l’exception de la revue française CinéfoniaMagazine(Didier Leprêtre, Jean-Christophe Arlon ou Vivien Lejeune) qui a notamment réalisé bon nombre d’entretiens avec le compositeur. Actuellement, une biographie James Horner:theemotionalistde Jean Baptiste Martin (augmentée de passages analytiques de l’orchestrateur français Jehan Stefan) est à paraître.

Cette manière singulière de susciter une émotion viscérale ou de sonder les affects offre une convergence possible entre ces deux géants d’Hollywood.

A l’instar du registre de l’émotionnel (Joubert/Merlier, 2015), il s’agira par exemple d’examiner les divers aspects de l’œuvre de Bernard Herrmann qui aurait été peu abordés (dramatiques radio, musique de concert, lien musique concert cinéma, impact sur jeune génération compositeurs) ou encore de cibler en profondeur les éléments constitutifs du style de James Horner. Ce sont là des pistes, mais comme il s’agit d’un hommage avant toute chose, les trajectoires à emprunter sont multiples, selon ce que les participants - scientifiques (musicologie, esthétique du cinéma, lettres, études anglophones), orchestrateurs ou journalistes spécialisés - souhaiteront souligner dans les œuvres respectives de ces deux compositeurs hollywoodiens.

Les propositions (250 mots espace compris), accompagnées d’une courte biographie, sont à envoyer à Cécile Carayol et Sylvaine Bataille pour le 30 octobre 2024.

Comité scientifique : Cécile Carayol, Sylvaine Bataille, Kathryn Kalinak, Pierre Berthomieu, Tom Schneller, Chloé Huvet, Jérôme Rossi, Jérémy Michot.


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Jeudi 8 Août, 2024