L’orchestre National de la Sarre, dirigée par Sébastien Rouland, attaque le prélude du premier acte avec force. Les cordes vibrent, tout aussi impeccables que brutales. Et nous voilà pris par le drame. On y restera pendant les quatre heures que dure l’œuvre. Sébastien Rouland réussit à éviter les chutes de tension, accompagne les chanteurs sans jamais les couvrir (favorisé par la formidable acoustique de l’Opéra Royal), il sait que l’orchestre doit dire ce que les personnages taisent (ah ! ce solo de violoncelle du premier acte !), quelle est la pensée en mouvement de Wagner qui décrit les décors (comme dans la fameuse chevauchée, ici rendue admirablement, réussissant à tirer parti des répétitions du même motif), commente le drame (avec ses fameux « Leitmotiv »), lance les chanteurs dans leurs effusions lyriques ou terribles… Théâtralité, voilà peut-être le maître-mot du travail.
Nous nous en régalons.
Les musiciens de l’orchestre connaissent leur Wagner par cœur. Les notes sortent de leurs instruments presque naturellement.
Le même naturel avec lequel la plupart des chanteurs abordent la partition.
Peter Sonn en Siegmund s’impliquera de plus en plus dans le drame jusqu’au duo du deuxième acte avec Brunilde particulièrement émouvant. Certes, il peut encore gagner en ce qui concerne ses piani, ou parvenir à mieux arrondir ses aigus, mais somme toute, sa prestation sera remarquable par son beau phrasé et sa musicalité.
Encore plus remarquable, Ingegjerd Bagøein Moe qui lui donne la réplique en Sieglinde. Puissance, liant, fiato, facilité dans les graves et dans les aigus, maîtrise de l’émotion théâtrale… Ingegjerd Bagøein Moe nous épate. Le nom n’est peut-être pas facile à retenir pour ceux qui pratiquent les langues latines, mais ça vaut le coup d’essayer.
La voix de Hiroshi Matsui convient parfaitement au rôle de Hunding : sombre à faire peur. Matsui ne fait qu’une bouchée de son rôle. Ce qui n’exclut pas les nuances que le chanteur sait donner à son personnage.
Voix aussi énorme que celle d’Aile Asszonyi qui incarne Brunilde. Grâce à elle, le spectateur assiste à l’évolution qui mène la fille à papa insouciante et bagarreuse à la jeune femme consciente du malheur des autres et des enjeux qui font tourner le monde. Un rôle bien compris et bien assumé, nuancé et servi avec grande musicalité.
Quant à Thomas Johannes Mayer, sa voix est bien moins impressionnante. Il s’applique à jouer chacune des intentions et des phrases de Wotan en en faisant un personnage plus proche, moins imposant. Sa voix passe bien dans le cadre de l’Opéra royal de Versailles.
Judit Braun lui donne la réplique en Fricka, en en soulignant la souffrance de laquelle naît la rage.
Nous la reverrons en Waltraute au troisième acte aux côtés d’Elizabeth Wiles (Gerhilde), Liudmila Lokaichuk (Ortlinde), Maria Polanska (Schwertleite), Valda Wilson (Helmwige), Joanna Jaworowska (Siegrun), Clara-Sophie Bertram (Grimgerde), Carmen Seibel (Rossweiße), toutes très efficaces.
Le succès est au rendez-vous pour tout un chacun des interprètes. Un public ravi qui attend déjà la suite du prochain épisode à la saison 24-25, Sigfried, au même endroit et avec les mêmes (peu ou prou) interprètes.
Ça vaut le coup.
Frédéric Léolla
Versailles, 17 mars 2024
Versailles, dimanche 17 mars 2024. Opéra Royal de Versailles. Die Walküre, première journée en trois actes de la tétralogie L’anneau du Nibelung. Livret et musique, Richard Wagner. Version de concert. Avec Peter Sonn (Siegmund), Hiroshi Matsui (Hunding), Thomas Johannes Mayer (Wotan), Ingegjerd Bagøein Moe (Sieglinde), Aile Asszonyi (Brünnhilde), Judit Braun (Fricka, Waltraute), Elizabeth Wiles (Gerhilde), Liudmila Lokaichuk (Ortlinde), Maria Polanska (Schwertleite), Valda Wilson (Helmwige), Joanna Jaworowska (Siegrun), Clara-Sophie Bertram (Grimgerde), Carmen Seibel (Rossweiße). Orchestre du Théâtre National de la Sarre. Direction musicale, Sébastien Rouland.
Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil. ☎ 06 06 61 73 41
ISNN 2269-9910.
Jeudi 28 Mars, 2024 23:20