25-26 novembre 2024, Tours
Appel à communications
Université de Tours
Colloque international
Site internet
En juin 2022, Cécile Lacoue présente à Rochefort les résultats d’une enquête intitulée La place des femmes dans l’audiovisuel et le cinéma : vers plus d’égalité ? commandée par le CNC. Largement diffusées et commentées par les sites internet spécialisés dans l’industrie cinématographique ou parmi des collectifs et associations, les conclusions générales de ce rapport montrent que la part de femmes dans les différents secteurs des champs audiovisuels et cinématographiques demeure « plus faible dans les entreprise de production et postproduction » (entre 31,7 % et 38,8 %), même si une parité générale semble atteinte. Le volet « Éclairage sur la musique à l’image » du rapport est toutefois bien moins positif : on compte seulement 6,7 % de femmes compositrices dans l’ensemble des projets soutenus par le CNC entre 2012 et 2021– le coût moyen de fabrication des musiques composées par des femmes, précise-t-on, est inférieur de 3,3 % à celles composées par des hommes. Cette étude, menée sur le territoire français, « se vérifie à l’échelle européenne : 9 % de femmes parmi les compositeurs de musiques de films entre 2016 et 2020 », conclut Cécile Lacoue. Par ailleurs, la SACEM recense 11 % de compositrices dans le domaine des musiques à l’image en 2022, soit une progression très faible qui soulève un certain nombre d’interrogations sur la formation des musicien·nes et leur intégration dans le système de production audiovisuelle dont ce colloque international souhaiterait s’emparer.
Ce constat doit être articulé à une certaine invisibilisation des artistes femmes spécialisées dans la création audiovisuelle, dans les discours musicologiques et musicographiques dominants. Le champ théorique des études féministes, particulièrement fécond à l’international – James Buhler évoque par exemple la possibilité d’une « forte critique féministe du son cinématographique » – connaît à ce jour encore peu de retentissement en France. Le présent colloque entend ainsi encourager les analyses des productions musicales et sonores des compositrices pour l’image, mais aussi des orchestratrices, arrangeuses, monteuses et mixeuses, jetant une lumière nouvelle sur toute la chaîne de la postproduction sonore. Les enjeux sont pluriels : une approche féministe des musiques à l’image vise autant à interroger les mécanismes de mise à l’écart des créatrices sonores et musicales vis-à-vis du canon établi dans les discours musicologiques et musicographiques dominants qu’à s’intéresser aux conventions régissant les représentations audiovisuelles des personnages féminins à l’écran.
Dans le champ des études cinématographiques, les recherches féministes actuelles sont particulièrement fertiles, qu’il s’agisse de questionner les stéréotypes et les ambivalences incarnés par les femmes d’action et les superhéroïnes à l’écran, d’étudier les mises en scène du corps féminin et les tensions entre les genres qu’elles révèlent, ou encore d’aborder les constructions culturelles liées aux héroïnes violentes dans le cinéma contemporain et les discours (post)féministes qui les traversent de façon parfois contradictoire.
Du côté des musiques à l’image, dans la lignée des codes établis dans les musiques à programme, des marqueurs musicaux de genre ont été dégagés par Philip Tagg en 1989 dans une étude conduite sur plusieurs séries télévisées diffusées entre 1950 et 1970. Se focalisant pour sa part sur le cinéma classique américain Kathryn Kalinak identifie en 1982 deux principaux modes de construction musicale de la féminité à l’écran, partagés entre la « femme déchue » et la « femme vertueuse ». Circonscrits au contexte des années 1930-50, ces modèles ne recouvrent plus les transformations des pratiques musico-filmiques et les représentations audiovisuelles actuelles qui ont su – à des degrés plus ou moins poussés au sein de l’industrie – déstabiliser, voire déconstruire les normes genrées, patriarcales et conservatrices au profit de « figures d’empouvoirement féminin ».
Dans le sillon des réflexions initiées par Anahid Kassabian, Caryl Flinn ou Amy Lawrence, les précédents modèles analytiques ont été élargis, repensés et remodelés au fil de l’essor de la cinémusicologie féministe et des travaux de référence de Rebecca Fülöp, Steve Halfyard, Victoria Hancock[20], ou du récent ouvrage collectif dirigé par Felicity Wilcox[21]. Les plus récentes contributions se sont aussi bien attachées aux partitions cinématographiques des années 1950 qu’aux propositions audiovisuelles de ces trente dernières années, de Speed (Jan de Bont, 1994) à Ammonite (Francis Lee, 2020) en passant par Wonder Woman (Patty Jenkins, 2017). Dans le cadre d’une longue tradition d’un codage musical genré, qu’en est-il ainsi, comme l’écrivent Heather Laing ou James Buhler, de la « différence de traitement musical fondée sur le genre » dans les cinémas hollywoodien, européen et extra européen, ou plus généralement dans les récits audiovisuels internationaux (docu-fictions, séries télévisées, jeux vidéo, etc.) ? Par ailleurs, si les œuvres audiovisuelles de compositrices telles Bebe Barron, Rachel Portman, Hildur Guðnadóttir ou Mica Levi ont été récemment mises en lumière par des études approfondies, il nous semble fondamental de poursuivre plus avant ce travail en documentant et en analysant les pratiques des créatrices à grande échelle, et en intégrant à ces perspectives les artistes spécialisées dans le son.
En veillant à articuler ces réflexions avec les recherches sur l’histoire des idées féministes et les théories féministes récentes du cinéma sont encouragées des communications portant sur des productions audiovisuelles diversifiées (cinéma, séries télévisées, jeux vidéo…), sans restriction d’ordre géographique, culturel ou historique. Les approches pluri et interdisciplinaires, issues de la musicologie, des études cinématographiques, des études culturelles et médiatiques, de l’histoire, de la sociologie ou encore de l’esthétique, sont particulièrement bienvenues.
Organisé par Jérémy Michot et Chloé Huvet.
Voir les détails sur le site de la SIMÉA
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Samedi 17 Février, 2024