Valencia, Centre de Cultura Contemporanea del Carmen, 10 mars 2024 — Frédéric Léolla.
Llorenç Barber. Photographie © D.R (FL).
À l’occasion des expositions que le Centre de culture contemporaine du Carmen (CCCC) et l’Institut Valencien d’art moderne (IVAM) consacrent à Llorenç Barber, une série de conférences et de concerts a été organisée.
Pour le concert qui nous occupe, celui du 10 mars 2024 au CCCC, le public a assisté plus nombreux que prévu (environ 300 personnes dans une salle qui a été conçue pour les expositions d’Art plastique, mais qui n’a ni les sièges ni l’acoustique d’une salle de spectacle).
Le concert a commencé avec l’intervention de Miquel Angel Marín, créateur clarinettiste basé à Lleida, une intervention dont le maître-mot était le naturel. Le naturel avec lequel les mélopées jouées à la clarinette correspondaient aux mélopées chantées, alternant les unes et les autres. Des sons qui ne cherchaient pas la mélodie sans pour autant la fuir, et qui somme toute semblaient sortir de tout un corpus de musique traditionnelle — ou plutôt primitive, peut-être même instinctive, qui font tout le charme de ce créateur.
Puis c’était le tour à Paolo Angeli, qui a réinventé la guitare à partir de la guitare sarde. Avec des cordes en long et en large, avec la possibilité d’utiliser les pieds pour certains effets, se servant à l’occasion de l’archet du violoncelle, électrifiant le son, Angeli réussit à transformer son instrument en un petit orchestre qu’il alterne, lui aussi, avec des chants directement inspirés de la tradition sarde.
Bref, intermède non musical, Catalina et Francisco Leonarte présentaient une intervention à la frontière imprécise (et à quoi bon la préciser !) entre théâtre, performance et two-persons-show. Sous le prétexte de « devenir Llorenç Barber », le frère et la sœur Leonarte posent pas mal de questions sur la popularité, les réseaux sociaux et l’art contemporain, baignant dans une ambiance de sympathie et de participation du public en tant que « perfomeur ».
Concert de Llorenç Barber. Photographie © D.R (FL).
Puis, le temps fort, l’intervention de Llorenç Barber, le créateur auquel il était rendu hommage. Il a joué d’une de ses propres installations, des cloches suspendues au long de la grande salle Ferreres-Goerlich du CCCC. Sans se donner des airs d’artiste, Llorenç a joué des cloches et les a laissé jouer lorsqu’elles battaient les unes contre les autres par l’effet du mouvement : l’œuvre d’art qui se crée d’elle-même. Le son prenait toute son ampleur dans la grande salle, créant un moment d’une grande beauté, magique et naturel.
Malheureusement la chanteuse et performeuse Montserrat Palacios, souffrante, n’a pas pu intervenir — peut-être sa non-intervention a été le seul point négatif de ce concert.
Et c’est le Gran Coro Delantal — un chœur majoritairement composé de femmes qui tiennent à revendiquer la tradition féminine de « femme au foyer » en portant chacune un tablier (« delantal » en espagnol) — qui a fini le concert. Sous la direction de Sonia Megías, ce chœur explore les différentes possibilités de la voix et du son — autant chez le chœur que chez les auditeurs.trices qui sont priés.ées par moments de mettre les mains sur leurs oreilles, de déambuler ou de manger les partitions dans un élan quelque peu christique.
De sorte que, en une petite heure, au CCCC de Valencia, le public a pu avoir un aperçu de cinq approches de la modernité, cinq propositions assez différentes les unes des autres et toutes intéressantes en ce qu’elles interrogent et surprennent.
Quand ces approches accéderont-elles aux salles de concert ?
Je me le demande.
Frédéric Léolla
2024
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Valencia, dimanche 10 mars 2024. CCCC (Centre de Cultura Contemporanea del Carmen). Concert avec des œuvres de Miquel Angel Marín (clarinette et voix), Paolo Angeli (guitare et voix), Catalina et Francisco Leonarte (théâtre-performance), Llorenç Barber (installation de cloches) et Sonia Megías (Gran Coro Delantal).
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Mercredi 20 Mars, 2024 2:11