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Caen, le 17 mars 2023 —— Alain Lambert

Tigran Hamasyan et Richard Galliano, deux trios de haut vol à la Nuit du jazz

Tigran HamasyanTigran trio à la Nuit du jazz © Photographie Stéphane Barthod.

Il y a trois ans, quasiment jour pour jour le 16 mars 2020, nous quittions le monde de la musique vivante pour nous confiner pour plusieurs semaines. En ce 17 mars 2023, la nouvelle nuit du jazz affichait complet sans distanciation pour redécouvrir ou découvrir deux trios d’importance, celui de Tigran Hamasyan réinventant les vieux standards et celui de Richard Galliano réinventant le jazz musette en s’inspirant du novo tango.

Tigran donc, décevant à Coutances par sa froide vélocité virtuose, et sans décrocher un mot, s’est rattrapé ce soir en jouant toujours de sa véloce virtuosité, mais avec chaleur. Et en nous présentant les morceaux et ses complices, Rick Rosato à la contrebasse et Jonathan Pinson à la batterie, dans un français très honorable. Des standards pas si connus, qu’il déstructure et recompose pendant un bon quart d’heure à chaque fois. Pourtant le premier se termine par une avalanche de tambours qui aurait pu présager du pire. Mais non, la ballade suivante retrouve un équilibre sonore qui va durer jusqu’au bout, y compris dans les ébouriffements du power trio et les extravagances du batteur.

Softly as in a Morning Sunrise se reconnaît bien, et passe par toutes les variations possibles, y compris les différents arménismes mélodiques dont le pianiste se nourrit. Pareil pour Big Foot de Dizzy Gillespie, presque be-bop au début, puis devenant un étrange paysage aux harmonies mystérieuses que le pianiste explore longuement. Avant de laisser la place au contrebassiste mélodique, puis répétitif, puis rythmique, relançant la machine énergétique, le duo de cordes alterne après chaque phrase avec roulements de batterie, amplifiés à chaque nouveau tour vers le bouquet final. C’est d’ailleurs la fin du set, mais le trio souriant revient pour un rappel acclamé.

Difficile d’en dire trop sur le groupe régional Feq New invité pour l’intermède, et le bœuf final, car, par suite de la présentation du festival de Coutances dans les foyers en préambule, les quatre musiciens, tous bons, ont été relégués dès l’entracte sur la scène du petit café « côté cour » du théâtre, ce qui ne facilite pas l’écoute, au milieu de la foule pépiante du grand hall.

Richard GallianoGalliano New York Tango à la Nuit du jazz. Photographie © Stéphane Barthod.

Une fois retrouvée la grande salle, c’est un tout autre trio qui nous attend, par le son, le style et l’instrumentation puisque le seul point commun est la présence d’un contrebassiste, ici Diego Imbert. Le piano est devenu portatif, du pauvre ou à bretelles comme on dit. Un bel objet quand même, et un sacré maître pour le jouer. Richard Galliano lui a redonné sa place en jazz, cet accordéon chromatique ayant bercé la jeunesse musette et manouche de Django, et permis à cette musique de s’européaniser en lui ajoutant d’autres racines. À la guitare mi-jazz mi-manouche justement, Adrien Moignard qu’on est content de découvrir avec son jeu limpide en rythmique comme en impro.

Du new musette donc, où l’accordéoniste s’amuse à citer avec tendresse My favorites things dans chacun des trois premiers morceaux. Avant d’improviser autour de la première Gnossienne d’Erik Satie. Puis d’interpréter Moonriver au mellowtone, cet harmonica au clavier bouton, au son plus ample, presque saxophonique. Alors vient New York Tango qui donne son nom au trio, avant deux thèmes piazzolien dédiés à la nostalgie. Mais ce soir, l’esprit new musette prime sur le novo tango, les trois temps s’emballent et le public chante La Javanaise en rappel. Un beau trio pour Galliano et sa musique entre jazz, ivresse et mélancolie.

Une belle nuit du jazz continuée par le bœuf côté cour, et non sur le toit.

Du jazz à retrouver dans les foyers du théâtre de Caen les prochains samedis, avec le trio Homeland(s) de Matthieu Marthouret le 25 mars et le quintet The Voluntereed Slaves le 1er avril.

À noter que Stéphane Barthod, merci à lui, qui a illustré cette chronique vient de fêter les 25 ans de son site

Alain Lambert
17 mars 2023
© musicologie.org


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