musicologie

9 septembre 2023, Juigné-sur-Loire, Frédéric Léolla.

Musique et vin aux Musicales de Loire et Sens

Pétillant, capiteux, délicat, velouté, corsé, gouleyant.

Le deuxième concert du tout jeune festival Les Musicales de Loire et Sens se tenait dans un des grands salons de l’hôtel que régit Dominique Denis, à l’origine de ce festival. Un bel espace qui tient autant de la grande salle rustique du xviie siècle que de la moderne véranda avec une belle vue sur un jardin foisonnant.

Un public moins nombreux que pour le concert inaugural, mais select, composé principalement de mélomanes capables de parcourir le monde pour assister à un beau spectacle.

Au programme, un très joli parallèle entre les possibles qualités du vin et la musique. Michel Lethiec, alma mater du festival, présentait les différents fragments avec sa verve et sa sympathie habituelles.

Et ça commençait par le « Pétillant ». Certes, l’air que l’on connaît en France comme l’air du champagne, du Don Giovanni de Mozart, chanté par un baryton peut de prime abord ne pas sembler particulièrement pétillant. Par contre, dans sa transcription pour flûte et cordes, il aurait été difficile en effet de trouver une musique plus pétillante. L’interprétation de Castellon, très en forme, a rendu toutes et chacune des bulles, dans un élan joyeux et finement clair qui semblait très libre alors qu’il était très bien maîtrisé.

Pour décrire le « Capiteux » le programme faisait appel au seul mouvement qui nous est resté du quatuor avec piano de Gustav Mahler, œuvre de jeunesse où il est possible de déceler des résonances brahmsiennes tout autant que des bribes de ce qui sera le style du grand Mahler. Et en effet, des mélodies entêtantes traversent l’œuvre, superbement servie par le violon empreint d’émotion contenue de Roman Patočka, le piano d’Itamar Golan, l’alto de Radin Sedmidulsky et le violoncelle de Petr Prause.

Puis c’était le tour du « Délicat ». Et José Daniel Castellon, se promenant dans le public, non vu, mystérieux, dans la toujours délicate Syrinx de Debussy, qui sonnait comme un portrait d’Al-Fayoum…

Jean-Louis Capezzali, reprenait l’émotion, mi-enfantine mi-sentimentale dans les sereines et romantiques romances pour hautbois de Robert Schumann, émotion secondée par les doigts délicats d’Itamar Golan au piano. « Velouté », en effet.

Au tour du trio composé de Jan Tallich, Radin Sedmidulsky et Petr Prause, se joignant au piano de Golan pour le vibrant finale du quatuor avec piano, opus 25, de Brahms qui venait illustrer le terme « corsé ». Et c’est de l’énergie que les quatre interprètes ont déployé, embrassant les allées et venues du discours brahmsien avec autant de clarté que de fougue.

Pour finir, le terme « gouleyant » était illustré par l’hommage que Béla Kovács écrivit pour le légendaire Rov Feidman (ou que Kovács « transcrivit » à partir des improvisations de Feidman…). Et là, Lethiec, changeant complètement de style, se métamorphosa et devint joueur des rues, paria juif qui rend hommage à tous les parias de la terre, dans une partition klezmer que Lethiec incarna avec une vraie passion (parmi les spectateurs d’aucuns pensaient qu’il allait faire un malaise, tant son implication était forte…).

Le public, aussi impressionné qu’ému, après être passé par tous ces états musicaux, ne demandait qu’à vérifier ces mêmes qualités dans le vin. Il est pourtant resté quelques minutes pour applaudir copieusement puis pour congratuler les musiciens — c’est un des grands atouts de ce festival, la proximité entre le public et les interprètes, son caractère très amical, presque familial.

Espérons que l’année prochaine aura lieu, dans Les Musicales de Loire et Sens, à nouveau un concert vin-musique aussi savoureux que celui du dernier samedi 9 septembre, mais cette fois-ci suivi peut-être d’une dégustation de vins du cru ?

Enfin, « je dis ça, je dis rien »…

Frédéric Léolla
2023
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Juigné-sur-Loire, samedi 9 septembre 2023. Théâtre de Loire et Sens. 1er festival Les Musicales de Loire et Sens. Mozart : Fin ch’an dal vino (extrait du Don Giovanni. Arr. pour flûte et trio à cordes) ; Mahler : Quatuor avec piano en la mineur ; Debussy : Syrinx  ; Schumann : Romances pour hautbois et piano ; Brahms : Quatuor avec piano op 25 (finale) ; Kovacs : Sholem-Alekhem, Rov Feidman ! (clarinette et quatuor à cordes). Avec le Quatuor Talich (Jan Talich et Roman Patočka, violons ; Radin Sedmidulsky, alto ; Petr Prause, violoncelle) ; José Daniel Castellon, flûte ; Jean-Louis Capezzali, hautbois ; Itamar Golan, piano ; Michel Lethiec, clarinette et direction artistique.


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Samedi 28 Octobre, 2023 20:05