19 septembre 2023 — Jean-Marc Warszawski

Les Variations Goldberg par Jean-Luc Ho

Bach, Les Variations Goldberg, Hean-Luc Ho (clavecin). Encelade 2023 (2 CD, ECL 2201).

Enregistré les 14-17 janvier 2022, à l’abbaye de Royaumont.

Organiste et claveciniste, Jean-Luc Ho à fait le voyage du Conservatoire supérieur de Paris sous la conduite de Blandine Verlet, Olivier Baumont et Blandine Rannou. Il est titulaire adjoint de l’orgue de la collégiale de Dole et retour au National supérieur de Paris, il y enseigne l’accord et les tempéraments. Il a été en résidence au Festival Bach en Combrailles et à la Fondation Royaumont. Son carnet de concerts est honnêtement rempli, soit en soliste, soit en ensemble, notamment avec La Guilde des mercenaires. Sa discographie, en une bonne dizaine d’albums plutôt clavecin, régulièrement saluée par la critique, est consacrée à Johann Sebastian Bach, François Couperin, Jan Pieterszoon Sweelinck, Tomaso Albinoni, William Byrd, un florilège autour du sentiment de mélancolie. Deux cédés d’orgue de mélanges. Le premier pour mettre en valeur l’orgue moderne Blumenroeder de Charolles, inspiré par celui de Johan Titelouze, dans les années 1630 à Rouen. Le second d’œuvres espagnoles pour faire sonner l’orgue construit en 1768 pour le couvent de Buenafuente del Sistal, en Castille, aujourd’hui installé à l’église Saint-Éloi de Fresne, grâce entre autres à l’engagement de Jean-Luc Ho.

Pour la seconde fois, après l’intégrale des Partitas, Jean-Luc Ho met un monument de Johann Sebastian Bach sous ses doigts avec les Variations Goldberg.

Le claveciniste rappelle à juste raison qu’il faut se défaire de ce titre, car cette œuvre n’a évidemment rien à voir avec Johann Gottlieb Goldberg ou avec son maître insomniaque le comte Herman von Keyserlingk, dont il aurait fallu égayer la veille nocturne. Tout cela est une invention de l’organiste et biographe Johann Nikolaus Forkel en 1802. En Fait, Johann Sebastian Bach a publié ces variations, en 1841, comme quatrième Clavierübung : Pratique du clavier consistant en une aria avec différentes variations pour un clavecin à deux manuels (Clavier Übung bestehend in einer ARIA mit verschiedenen Veraenderungen vors Clavicimbal mit 2 Manualen).

On comprend que ces variaitions font partie des œuvres irrésistibles pour les clavecinistes épris de musique ancienne. Mais pourquoi un énième enregistrement ? Il est vrai que ce sont plutôt les pianistes qui alimentent le marché. D’un autre côté, si Ancelade le produit, ce marché ne doit pas être saturé (on est quand même loin des valses de Chopin !).

Les dix canons, en progression de complexité, semblent particulièrement attirer le claveciniste. Selon lui, le canon exprime l’obéissance à la loi divine, la recherche d’unité et de la perfection, il est le symbole de la science musicale. Jean-Luc Ho donne même à chacun des canons un éthos ou une poétique : premier à l’unisson incarne gémellité, symbiose et perfection ; le second (à la seconde) évoque la fébrilité, l’anticipation, suivent la puissance, l’esprit conquérant, la résistance, la souffrance, à un chat funambule s’amusant de l’apesanteur, les pleurs, la mise au tombeau, jusqu’au « bouquet final » du quodlibet.

C’est aussi une histoire d’amour avec un clavecin pouvant tenir tête aux œuvres de Bach, lui venant de sa professeure Blandine Verlet (un petit hommage lui est rendu au début de la vidéo de présentation), réalisé par Émile Jobin en 1984, sur le modèle d’un clavecin Jean-Claude Goujon de 1749.

C’est un excellent enregistrement, du bon son, le contrepoint y est délié, avec une volonté expressive et de légèreté heureuse, qui modère les démonstrations virtuoses, dans une œuvre, où Johann Sebastian Bach, comme c’est souvent les cas, va au bout de ses explorations, les épuise même.

Jean-Marc Warszawski
21 septembre 2023
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