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29 février 2023 —— Alain Lambert

Huit cédés jazzy pour dévorer février

Message from Water du batteur Ichiro Onoe. Le 5e volume des Essais du pianiste Pierre de Bethmann. Tangorom du trio Loco Celle. You Matter de la Harpiste Julie Campiche. Symphony du pianiste en solo Jean Michel Pilc. Mundo du bassiste Laurent Salzard ? Isla du vibraphoniste Simon Moullier, et à paraître le 24 février Whats Beyond du batteur Quentin Brain.

Messages from Water (Promise Land 2023) du batteur et compositeur Ichiro Onoe, né à Tokyo, formé à Boston et vivant à Paris depuis 20 ans. Voici son 3e album sur le thème des éléments, après le vent et le feu, pour mettre « en musique la force de la nature et la capacité de l’homme à s’y adapter ». Il est fort bien accompagné dans ce beau projet par Geoffrey Secco au sax ténor, Ludovic Allainmat au piano et Fender Rhodes, Damien Varaillon à la contrebasse et sur l’une des deux versions du morceau titre, par Thierry Peala, vocaliste et parolier. Une musique à la fois fluide et rocailleuse où la batterie est bien présente entre les notes du sax, du piano et de la contrebasse, comme un torrent roulant ses pierres ou les vagues sur le rivage les galets.

 

Essais/Volume 5 (Aléa 2023). Ce nouvel album du pianiste et compositeur Pierre de Bethmann, après une série de rééditions, fait suite aux précédents Essais mais dans une formule en trio assez inhabituelle, avec le guitariste Nelson Veras et le contrebassiste Sylvain Romano. Sur des standards plus ou moins anciens ou plus ou moins américains, puisque Love for Sale de Cole Porter ouvre l’album, suivi de thèmes de Lee Konitz, René Urtreger (Thème pour un ami), Michel Magne (Un singe en hiver), Dave Holland, John Taylor, Jerôme Kern et même Ludvig van Beethoven avec le début du second mouvement de la 7e symphonie, aux improvisations emmêlées entre guitare et piano. Une relecture intrigante et captivante sur 98 cordes.

 

Tangorom (Well Done Simone ! Records 2023) du trio Loco Cello, composé de François Salque au violoncelle fou, Samuel Strouck à la guitare fantasque et Jérémie Arranger à la contrebasse sage où Adrien Moignard vient quelquefois jouer la seconde guitare, et Birelli Lagrène joue sur deux morceaux et se permet un solo sur Armaguedon d’Astor Piazzola. Ce dernier est présent deux autres fois avec Oblivion et Vuelvo al Sur. Django est lui aussi invité avec Clair de lune  et Tears. Ce qui explique le titre de l’album. Où l’on rencontre en plus du jazz, du tsigane, et même du classique sous la plume de Ernest Bloch (Prière) ou de Robert Schumann (Auf Einer Burg). Un trio coloré aux climats doux, tempérés et aux multiples facettes.

You Matter (Enja 2023) est le second album du quartet insolite de la harpiste et compositrice suisse Julie Campiche, qui joue aussi des effets sonores comme chacun de ses complices, Leo Fumagalli au sax, Manu Hangmann à la basse et Clemens Kuratle à la batterie. Un album engagé qui évoque par ses titres et sa musique le bateau Aquarius de SOS Méditerranée, la part des femmes, The Underestimated Power, le rapport à l’autre, , The Other Share, ou incluant dans Friday of Hope un morceau de discours samplé de Greta Thunberg appelant les lycéens à la grève du vendredi pour le climat. Le tout se concluant par Utopia. De bons sentiments liés à l’urgence, et une superbe musique électro jazz tout à la fois passionnante et stimulante.

Symphony (Justin Time records 2023) est le cinquième album en solo de Jean Michel Pilc. Le disque a été enregistré dans un studio portugais dont il avait apprécié l’acoustique lors d’une séance avec un saxophoniste espagnol. D’où l’idée d’y improviser en direct à la suite d’icelle. Il faut sans doute prendre le titre à contre-courant, ou alors au sens vieilli d’union de sons, d’ensemble consonant, ou tout simplement en hommage à l’instrument polyphonique qu’est le piano, avec sa large tessiture, ses possibilités harmoniques et mélodiques simultanées. Les cinq premières des dix pièces sont des variations autour d’une ritournelle, avant de basculer dans un bras le corps avec le clavier et ses accords entrechoqués et résonnants. Impressionnant.

Mundo (Jazz Family 2023) second album du bassiste fretless et compositeur Laurent Salzard, est comme son titre l’invite, une rencontre entre jazz et musiques du monde. Avec Yann Clery et sa flûte aux sonorités multiples soufflées des quatre coins de la planète musicienne, Minimo Garay aux percussions diverses, et au piano Cédric Hanriot. Derviche tourneur, Lagune, Serpent du désert, Ojos del salado, Valencia, Mali MilaTousces thèmes nous emmènent en balade dans des compositions télescopant l’Afrique, l’Amérique du Sud ou l’Inde par le chant de la flûte allié aux percussions colorées et au balancement de la basse. Et quand le piano passe de l’accompagnement au solo, on se retrouve en terres de jazz qui ne sont jamais très loin.

 

Isla (Simon Moullier Music 2023) du vibraphoniste et compositeur nantais et new-yorkais Simon Moullier. Après un trio dédié au standard, le revoilà compositeur, autour des paysages marins et finistériens de son enfance, pour un quartet composé de Lex Korten au piano, Alexander Claffy à la contrebasse, et Jongkuk Kim à la batterie, et enregistré à New York. Les titres Empress of the Sea ou Isla, tout en énergie marémotrice,  ouvrent l’album, et malgré deux standards, You go to my head de Fred Coots, dansant,  et Moon Mist de Mercer Ellington, plus brumeux, avec son vibraphone vaporeux et son piano rêveur, porté par la basse ample. Enchantment comme This Dream laissent, eux, la batterie les entrainer. Un bel album ondoyant.

 

What’s Beyond (Jazz Family 2023) du batteur et compositeur Quentin Brain, avec Charles Eric Moreau aux saxs, Killian Rebreyend au piano, Romain Delorme à la basse et Marc Negre à la batterie. Un musicien formé à Montpellier où il a accompagné de nombreux artistes de tous horizons. Mais la pandémie et deux voyages à vélo en Europe l’ont amené à murir son propre projet en quintet. Qu’y a-t-il au-delà ?  Ici, un jazz intemporel et plutôt contemplatif où la guitare et le piano se partagent joliment l’espace, où le sax souvent alto peut s’élever en soprano, ou bien s’aggraver en ténor comme dans le morceau titre, où la basse ondoie rondement tandis que la batterie roule et tambourine en soutien permanent dans cette belle introspection musicale.

 

Alain Lambert
19 février 2023
© musicologie.org


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