musicologie

Palerme, Teatro Massimo, 21 février 2023, par Frédéric Léolla —

Don Pasquale à Palerme : seuls contre tout.

Don Pasquale, Giuliana Gianfaldoni (Norina). Photographie © Rosellina Garbo / Teatro Massimo.

Un petit opéra bouffe d’un maître du belcanto dans un énorme théâtre avec un chef peu soucieux et une mise en scène tout aussi oublieuse des nécessités des chanteurs, ça donne quoi ?

Eh bien, pas grand-chose.

L’orchestre du Teatro Massimo de Palermo a les défauts et les qualités d’un orchestre d’opéra italien : un son qui n’est pas très soigné, mais aussi une vivacité et une capacité de chanter qui lui confèrent une sorte d’authenticité. Le problème est de trouver l’équilibre entre un orchestre « qui remplisse » le grand espace du Massimo (une des plus grandes maisons d’opéra en Europe) sans pourtant couvrir les chanteurs — car dans l’opéra italien — et encore plus l’opéra donizettien — ce sont les chanteurs que le public vient écouter, ce sont eux qui portent les mélodies. D’autant plus dans l’opéra bouffe, où l’humour passe par la parole.

Mais pour que la parole soit comprise, pour que les chanteurs puissent jouer avec les mots, les expressions, les nuances, il est indispensable qu’ils se sentent à l’aise. Quand l’orchestre sonne trop fort et que les chanteurs sont obligés de chanter à leur tour tout le temps fort, tout sens du comique, tout sens de la nuance et du personnage sont irrémissiblement perdus. Mais j’insiste, non à cause des chanteurs, qui ne font que ce qu’ils peuvent, mais à cause de l’orchestre — ou plutôt du chef d’orchestre.

Il s’agissait ici de Michele Spotti — dont j’apprends à regret qu’il vient d’être nommé chef titulaire à l’Opéra de Marseille, ce qui n’augure rien de bon pour les mélomanes de cette ville. Ses gestes sont nerveux et enthousiastes, donnant entrées et marquant des tempi vifs. Mais manifestement il ne s’est pas promené dans la salle pendant les répétitions pour constater que sont enthousiasme noie les chanteurs.

Ainsi, Michele Pertusi, grand rossinien, mais pas une voix colossale, se noie ; Markus Werba, joli timbre de baryton Martin, mais pas une voix colossale, se noie ; Giuliana Gianfaldoni, qui seule petit à petit trouve son chemin et ses aigus, se noie plus que tout autre, ses graves et une bonne partie de sa partition devenus parfaitement inaudibles grâce à Michele Spotti — d’autant plus que l’idiote mise en scène de Michieletto oblige la soprane à faire cent et une singeries depuis son air d’entrée, lui ôtant toute capacité de concentration…

Seul René Barbera tire son épingle du jeu. Profitant que ses airs, plus lyriques, obligent Spotti à calmer un peu le jeu, le ténor, au mieux de sa forme, se sert d’une voix plutôt puissante et avec squillo, pour se faire écouter et encore créer un vrai personnage avec des sentiments, des nuances, des mezza voce, des piani… sans compter des aigus limpides et pleins d’assurance et une voix argentée : un régal.

Certes, si la mise en scène avait laissé plus d’espace à la concentration des chanteurs, leur exigeant moins de mouvements et de positions qui nuisent au chant ; si elle avait prévu un décor fermé qui permet à la voix de bien arriver aux spectateurs au lieu de se perdre dans les coulisses ; si elle se concentrait plus sur l’action et moins sur les ajouts psychologisants du metteur en scène (le petit qui, représentant Don Pasquale jeune, déambule avec sa mère aux moments les plus poétiques de la partition), les interprètes auraient eu au moins un appui de ce côté-là.

Mais non.

Don Pasquale. Photographie © Rosellina Garbo / Teatro Massimo.

Seuls contre le grand espace, contre le chef d’orchestre insensible et contre le metteur en scène égotique, les chanteurs ne pouvaient que perdre. Et ils ont perdu devant un public entre mitigé et indifférent qui au mieux applaudissait mollement et par convention.

… Non, pas un grand soir au Massimo de Palerme.

Palerme, Teatro Massimo
21 février 2023
par Frédéric Léolla

Palerme, mardi 21 février 2023. Teatro Massimo di Palermo. Don Pasquale, drama buffo in tre atti. Libreto de Giovanni Ruffini et Gaetano Donizetti, signé sous le pseudonyme M.A. D’après le dramma giocoso Ser Marcantonio d’Angelo Anelli. Mise en scène de Damiano Michieletto, (assistante, Danila Grassi). Reprise de Daniel Dooner. Décors de Paolo Fantin (assistant, Piero de Francesco). Costumes d'Agostino Cavalca (assistant, Camilla Masellis). Création lumières d’Alessandro Carletti (assistant, Ludovico Gobbi). Vídeo de Roland Horvath/Roca Film. Avec Michel Pertusi (Don Pasquale), René Barbera (Ernesto), Giuliana Gianfaldoni (Norina), Markus Werba (Dottor Malatesta), Enrico Cossutta (Notaio) Chœurs et orchestre du Teatro Massimo de Palermo. Chef de chœur, Salvatore Punturo. Chef d’orchestre, Michele Spotti. 


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bouquetin

Samedi 25 Février, 2023 3:37