bandeau texte musicologie

Saint-Vaast-la-Hougue, 12-16 août 2022 —— Alain Lambert

« Trans-trad » mondial à Tatihou !

L’île de Tatihou près de Saint-Vaast au nord-est du Cotentin, un bout du monde où le monde musical se rencontre sur une petite semaine autour des grandes marées d’août depuis 28 ans. L’île est ouverte au public depuis tout juste trente ans, réaménagée en musée maritime entouré de jardins exotiques.

La jolie formule «trans-trad » du pianiste de « Vent du nord » pour présenter son groupe résume bien l’esprit de ce festival des musiques du large et du monde, les traditions revues et réinventées de multiples façons.

Voici donc quelques images, de Patricia Segretinat, et impressions de ce voyage en quatre jours et quatre-vingts musiques venues d’Irlande, de Grande-Bretagne, de Corse, d’Occitanie, de Bretagne, du Québec, de Pologne, de Gambie, de Grèce, de Galice, du Brésil, de Belgique, de Suède, d’Écosse, d’Anatolie, d’Afrique, de Normandie aussi… Avec toujours une recherche d’équilibre entre musiciens et musiciennes depuis quelques années  avec la nouvelle directrice musicale.

Le premier double concert sur l’île nous fait découvrir les Irlandais de Ye Vagabonds, un trio intimiste très axé sur les deux voix à la Simon et Garfunkel, mais où le troisième homme à l’harmonium restait un peu en retrait.

Très dynamique avec des arrangements originaux à deux flûtes, le quartet instrumental anglo-irlandais Flook renouvelle lui le répertoire des sempiternelles suites de jigs et de reels. Avec en plus l’humour, en français, du guitariste, et le superbe solo de bodhran façon Iron Butterfly.

 

Le soir venu, de retour à Saint-Vaast les pieds mouillés, on apprécie vivement Qui Vive de la compagnie Rassegna de Marseille mêlant le chant baroque des deux chanteuses au scratch percussif de la DJ, à la guitare, électrique ou acoustique, à la viole de gambe ou à la basse électrique. Une vraie réussite.

Le second double concert le lendemain nous conduit d’abord en Bretagne avec le quartet jazzy du flutiste Erwan Menguy, aux beaux arrangements et belles improvisations. Puis souffle le Vent du nord venu du Québec avec ses cinq joyeux lurons venus fêter leurs 20 ans de carrière. Un chouette concert festif (encore un peu fort. Toujours cette confusion entre volume sonore et énergie festive. Mais c’est le seul. Les autres étant parfaitement sonorisés) et trans-trad en grande forme.

Le troisième jour sur l’île, après les chansons poétiques du duo Yann Tambour – Anissa Nehari, tous deux guitaristes, l’un jouant aussi de la Kora et l’autre des percussions, c’est une autre koriste et grande chanteuse qui occupe la scène avec son quintet. Sona Jobarteh venue de Gambie, une exception dans un monde instrumental fortement masculin. Et une musique puissante et féministe pour renouveler la tradition.

Autre belle découverte le soir, sous le petit chapiteau de Saint-Vaast, les Dames de la Joliette, venues de Marseilles, cinq chanteuses percussionnistes représentant différentes voix de la Méditerranée jusqu’au Brésil et l’Arménie, un beau travail poétique composé et arrangé par Gil Aniorte Paz.

Guitariste qu’on retrouve le lendemain dans les jardins de l’île avec une des Dames, Annie Maltini, avec un répertoire croisant un troubadour occitan et quelques poètes brésiliens. Le concert promenade nous a d’abord fait entendre un premier duo, Uxia et Pascal Chardonne, une voix galicienne et une guitare qui se retrouveront dans le groupe belge Yule le lendemain en concert, dont le dernier duo, Didier Laloy à l’accordéon et à l’humour belge et Damien Cherici au violon aérien, fera aussi parti. Le plaisir de la musique simplement acoustique, dans le bruit du vent, des arbres et des oiseaux.

Sous le grand chapiteau, Nothern Resonance, un trio suédois aux différents violons scandinaves, hardanger et nyckelharpa, offre des arrangements de polskas les mettant bien en valeur. Mais pas le jeu de scène trop statique, sinon figé. Ce qui n’est pas le cas des huit musiciens de Capercallie, emmenés par la chanteuse Karen Matherson, de vieux briscards de la scène, tous excellents, et parfaitement sonorisés, même la batterie et les percussions, qui souvent faussent l’équilibre musical.

La soirée se termine à quai, entre Normandie, Québec et Irlande, d’abord avec Joli Gris Jaune, quartet normano-québécois qui croise joliment les chansons parties de Normandie en Amérique avec les cousins [voir notre chronique sur la création à Caen de ce spectacle] et le trio irlando-québécois Grosse Ile plein de verve et de vitalité, dont on attendrait presque plutôt un concert conté et chanté avec moins de suite de reels, mêmes virtuoses, et malgré le son rare du banjo irlandais.

Un festival trans-trad cosmopolite pour voyager sans quitter notre bout du monde cotentinais. Il y avait aussi d’autres concerts dans les communes alentour et un bal gratuit tous les jours au village du festival, sans oublier le bal de l’île, la nuit, entre deux marées basses, avec plus de trois cents danseurs insomniaques. L’année prochaine, il sera fin août à cause du décalage des marées.

Alain Lambert
Saint-Vaast-la-Hougue, 12-16 août 2022
© musicologie.org

Crédits photographiques Patricia Segretinat


Les précédents articles d'Alain Lambert

Carte postale : Atlantis en renaissance à CaenCarte postale Roda Minima au grand galop à CaenCarte postale : au banquet médiéval Caen le 26 juillet 2022Huit cédés jazzy pour savourer l’été.

alain@musicologie.org ; Alain Lambert, tous ses articles.

rect_acturect_biorect_texte

À propos - contact |  S'abonner au bulletinBiographies de musiciens Encyclopédie musicaleArticles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale | Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41

ISNN 2269-9910

bouquetin

Jeudi 18 Août, 2022 11:40