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Caen, 10 novembre 2022, —— Alain Lambert

Sébastien Daucé — Silvia Costa : Combattimento, la théorie du cygne noir

Combattimento © Monika Rittershaus.

Le cygne noir serait l’allégorie d’un événement imprévu, mais pourquoi pas le noir, signe de la nuit, de la mort, à une époque de l’histoire humaine où la vie est brève, la nuit obscure et la mort omniprésente entre les maladies et les guerres. Il suffit d’un madrigal un peu différent de Monteverdi, publié en 1638 dans le livre viii des madrigaux, pour donner naissance à ce superbe spectacle où la musique et le théâtre se rejoignent à la limite de l’opéra, comme une longue leçon de ténèbres. Combattimento ou comment Tancrède en croisade tua Clorinde qu’il aimait et n’avait pas reconnue sous son armure de guerrière ennemie. S’ensuivent les lamentations de la mère, de la morte, des proches, d’une jeune mère le temps d’une triste berceuse… ou des ombres qui errent.

Sébastien Daucé, directeur musical de l’ensemble baroque Correspondances en résidence au théâtre de Caen, et la metteuse en scène Silvia Costa, ont tissé une suite musicale avec différents airs écrits dans la décennie suivante par Massaino, Cavalli, Carissimi, Merula ou Rossi, et une pièce instrumentale de Buonamente. Le chœur, plutôt que de rester statique, se prend au jeu de la mise en scène, d’abord dans la nuit austère éclairée de néons métaphoriques, puis dans un étrange ballet de constructeurs d’un monde voué à la destruction, tels des dieux grecs tuant le temps. Et brisant d’un coup de canne la vie des humains. Car si les voies de Dieu sont impénétrables, les Olympiens sont souvent invités dans l’opéra baroque pour donner un sens à nos pauvres existences.

Avant de conclure avec Cavalli et Monteverdi, peut-être le rêve, quand il n’est pas cauchemar, nous permet-il de passer la nuit avant le retour du jour, et le retour à la vie, pour quelques heures encore.

L’ensemble des douze musiciens est excellent, mêlant violons, théorbes, violes de gambe, cornet, saqueboute, harpe, orgue positif, clavecin… Tout comme celui des huit chanteurs et chanteuses, dont les timbres s’accordent et se diversifient au fil des émotions profondes et douloureuses que la musique tente d’apprivoiser en nous les faisant partager. Une belle création pour le festival d’Aix-en-Provence 2021, reprise à Caen, résidence oblige, seulement pour deux soirs.

Au théâtre de Caen, l’ensemble Correspondances donnera un programme baroque anglais, Au service de Sa Majesté, le 7 janvier et un programme baroque allemand autour des cantates de Buxtehude le 12 mars 2023.

Alain Lambert
10 novembre 2022
© musicologie.org


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