musicologie

14 septembre 2022 — Jean-Marc Warszawski

Sandrine Tilly et Anne Le Bozec : quatre sonates russes rutilantes

Sandrine Tilly et Anne Le Bozec

Sandrine Tilly (flûte), Anne Le Bozec (piano), Sonates de Sergueï Prokofiev, Pauk Juon, Edisson Denisov, Yuri Kornakov. Magdelone 2022 (MAG 358 457).

Enregistré au « Studio », Orchestre national d'Île-de-France.

La flûtiste Sandrine Tylli et la pianiste Anne Le Bozec duettent ensemble depuis leurs études au Conservatoire national supérieur de Paris. Leur duo a donc un mûrissement de 25 années, mais à l’oreille, il est évident qu’il y a une fusion qui relève d’une résonnance sympathique hors temps entre les deux musiciennes.

Ce cédé présente des sonates de trois compositeurs russes et un demi. Sergueï Prokofiev (1891-1953), Edisson Denisov (1929-1996), dont on peut connaître le nom, un peu la musique, par quelques concerts et enregistrements depuis les années 1990, un livre du pianiste Jean-Pierre Armengaud qui a également enregistré ses œuvres pour piano, ou les efforts actuels de son petit-fil, le violoniste Fedor Rudin. Plus deux illustres inconnus en l’hexagone, Paul Juon (1872-1940) le demi-russe d’origine suisse, qui a mené une carrière brillante à Berlin, avant de rejoindre la Suisse, case départ, fuyant le nazisme qui a effacé de la mémoire nationale ses activités de professeur et de compositeur. Yuri Kornakov (1938-2006), dont la renommée comme compositeur et professeur à Leningrad n’est pas arrivée jusqu’à nous.

Le cédé s’ouvre sans surprise sur l’incontournable sonate de Prokofiev créée en décembre 1943 à Moscou par Sviatoslav Richter et le flûtiste Nikolaj Charkowski. Son entrain et sa joie pourraient évoquer le coup mortel porté à l’envahisseur nazi à Stalingrad, mais pas le prix qui en a été payé ni les terribles souffrances que les barbares ont infligées à la population. Nous aimons entendre les thèmes cantabile, têtus, ressurgissant, les accents de danses rustiques, comme symbole de pugnacité indestructible. Il y a un sentiment symbolique de solidité, mais aussi une réelle solidité musicale, une vitalité qui fait une excellente union avec la virtuosité, parfois de grande rapidité pour la flûte, dans un entrelacement mettant en valeur les deux instruments et leur relation.

Autant de qualités présentent dans les trois œuvres suivantes, trois chefs-d’œuvre bienvenus, car les sonates pour flûte et piano ne courent pas les partitions. Le piano bénéficie dans toutes ces pièces d’une écriture remarquable, il y a une énergie dynamique, de la bravoure virtuose, particulièrement dans la sonate de Yuri Kornakov, le plus contemporain des trois. Quatre œuvres au caractère tranché, contrastées, lesquelles du romantisme teinté de germanisme de Paul Juon à la modernité d’Edisson Denisov ou de Kornakov quelque peu imprégné par Chostakovitch, forment un beau programme cohérent.

 

Jean-Marc Warszawski
14 septembre 2022


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Mercredi 14 Septembre, 2022 16:25