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jeudi 3 mars 2022

Racine en musique

29 septembre-1er octobre 2022, Vézelay
Appel à communications pour le colloque
La Cité de la Voix – Centre National d’Art Vocal, Vézelay
Contact

Qu’a en commun la tragédie classique avec un oratorio biblique de Haendel, une tragédie en musique de Rameau ou de Gluck, un opera seria de Mozart, un opéra tragique de Rossini, une cantate de Britten ou encore un opéra contemporain de Michael Jarrell ? Une œuvre dramatique : celle de Jean Racine (1639-1699), emblématique de la première, hypotexte fécond des seconds. Neuf des douze pièces écrites par Racine entre 1664 et 1691 ont été reprises dans au moins un livret d’opéra depuis le début du XVIIIe siècle. Trois siècles d’histoire de l’opéra et plus largement de la scène musicale peuvent ainsi être parcourus en suivant le fil du théâtre racinien, qui nous invite à traverser de grandes capitales européennes de la musique, de Naples à Londres, Paris, Turin, Milan, Venise, Rome ou Dresde, et à aller à la rencontre de compositeurs aussi connus que Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) ou Gioachino Rossini (1792-1868), mais aussi de musiciens moins célèbres, comme l’Italien Gaetano Latilla (1711-1788) ou le Français Albéric Magnard (1865- 1914).

Pourtant, si la place de la musique dans le théâtre de Racine est un champ de recherche déjà connu, avec en premier lieu Esther (1689) et Athalie (1691)1, les adaptations de son œuvre sur la scène musicale n’ont pas encore fait l’objet d’une étude globale. L’intérêt qu’elles suscitent a été jusqu’ici ponctuel ou associé aux œuvres et aux compositeurs les plus reconnus. Dans cette perspective, Phèdre (1677) est la pièce la plus souvent considérée2, ce qui peut s’expliquer par le succès d’Hippolyte et Aricie de Rameau (1683-1764), dont le titre indique la dette envers Racine3. Mithridate (1673) doit au prestige de Mozart et de son Mitridate, re di Ponto (1770) plusieurs études4. L’inspiration racinienne des oratorios Esther (1718 / 1720 / 1732) et Athalia (1733 / 1735) de Haendel (1685-1759) est elle aussi bien identifiée, même si elle demeure assez peu prise en compte dans l’analyse de ces œuvres5. Quant aux opéras les moins connus ou les plus récents, ils sont rarement étudiés d’un point de vue racinien. Il manque encore une étude approfondie de la place et de l’influence de Racine sur la scène musicale, qui englobe l’ensemble des adaptations proposées au fil des siècles, de façon à ouvrir des perspectives plus vastes tout en proposant une analyse de détail exigeante et précise.
Partant de ce constat, le colloque « Racine en musique » propose de réunir des chercheurs de différentes disciplines (musicologie, arts du spectacle, littérature, histoire, histoire de l’art) et des praticiens pour étudier ensemble la place et l’influence de l’œuvre de Racine sur la scène musicale en Europe de la fin du XVIIe siècle à nos jours, en suivant trois axes de réflexion.

1. Racine et la musique

Quels rapports Racine entretenait-il à la musique et en particulier à la scène lyrique ?

On s’intéressera notamment aux relations de Racine avec les musiciens de son temps, à son rapport conflictuel à l’opéra, en particulier dans le contexte de la querelle d’Alceste, ainsi qu’à ses textes écrits pour être mis en musique, au premier rang desquels les tragédies avec musique (Esther et Athalie).

2. Circulations, adaptations et mutations du théâtre de Racine sur la scène lyrique

Comment l’œuvre de Racine a-t-elle circulé sur la scène lyrique européenne, que ce soit par le biais de traductions, d’adaptations ou de citations ?

On considèrera l’adaptation des pièces de Racine sur la scène lyrique, qu’elles fassent ou non l’objet d’une traduction préalable. Que reste-t-il de la tragédie racinienne dans les opéras qui en sont adaptés ? Dans quelle mesure nourrit-elle ou au contraire disparaît-elle dans les adaptations qui en sont faites ?

On pourra se demander si l’héritage racinien est revendiqué ou si l’adaptation est plutôt fortuite, occasionnelle, liée à des raisons pragmatiques. Dans cette perspective, il pourra aussi être intéressant de mettre en rapport Racine avec Lully et plus largement la tragédie en musique française, qui peuvent également inspirer les compositeurs européens. Gluck, par exemple, met en musique un livret adapté de Racine avec Iphigénie en Aulide en 1774, mais reprend aussi en 1777 un livret de Quinault, Armide, écrit pour Lully en 1686. Racine n’est pas non plus la seule source française de Mozart, dont l’Idomeneo, re di Creta est composé sur un livret adapté de l’Idoménée écrit en 1712 par Antoine Danchet pour Campra. On pourra ainsi se demander dans quelle mesure Racine contribue à la diffusion d’un modèle français en Europe, peut-être en parallèle d’autres auteurs.

Enfin, on s’intéressera à la traduction, l’adaptation et la mise en musique de l’alexandrin racinien, ainsi qu’aux questions de prosodie qui leur sont associées.

Racine à l’opéra

Quelle fortune pour le théâtre racinien sur la scène d’opéra ?

Au-delà de la seule interprétation des œuvres adaptées de Racine, on pourra prendre en compte les œuvres qui citent Racine, que la citation soit inscrite dans l’œuvre elle-même (comme l’extrait de Phèdre à l’acte 3 d’Adriana Lecouvreur de Francesco Cilea, par exemple) ou insérée par un interprète (tel l’ajout de la fin de Bérénice en prologue à La clemenza di Tito de Mozart dans la mise en scène de Denis Podalydès). Il s’agira aussi de se demander dans quelle mesure la référence à Racine est identifiée, voire revendiquée par les équipes artistiques6 et si cette référence nourrit le travail artistique des interprètes ou, éventuellement, l’obstrue. On pourra en complément se poser la question de la pertinence de la référence racinienne pour étudier, interpréter et mettre en scène des opéras, qu’ils soient ou non inspirés de Racine.

Les propositions (800 mots), accompagnées d’une courte bio-bibliographie, peuvent être envoyées avant le 30 avril 2022 à l’adresse : carolinemounier-vehier@hotmail.fr

Les réponses seront données au plus tard le 31 mai 2022.

Organisation : Caroline Mounier-Vehier, post-doctorante EUR Translitterae / PSL, rattachée aux laboratoires ITEM – UMR 8132 CNRS / ENS et THALIM – UMR 7172

Contact

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1. Voir : PIEJUS, Anne, Le Théâtre des demoiselles. Tragédie et musique à Saint-Cyr à la fin du Grand Siècle, Paris, Société française de musicologie, 2000. Voir aussi : Littératures classiques, n°21, « Théâtre et musique au XVIIe siècle », Toulouse, Presses universitaires du Midi, printemps 1994 ; LOUVAT, Bénédicte, « Esther et Athalie, tragédies avec musique. Racine et la dramaturgie de l’introduction musicale », in Gilles Declercq et Michèle Rosellini (dir.), Jean Racine 1699-1999, Actes du colloque Île-de-France, La Ferté-Milon, 25-30 mai 1999, Paris, PUF, 2004, p. 113-126 ; MCGOWAN, Margaret, « Racine, Menestrier, and Sublime Effects », in Theater International Research, vol. 1, Cambridge, Cambridge University Press, janvier 2009, p. 1-13.

2. Voir notamment : BUFORD, Norman, « Remaking a Cultural Icon: Phèdre and the Operatic Stage », in Cambridge Opera Journal, vol. 10, no 3, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 225-245 ; 2. BUFORD, Norman, « Taking Things into your Own Hands: Phedre on the Eighteenth-Century Operatic Stage », in Francis Assaf et Andrew H. Wallis (dir.), Car demeure l’amitié. Mélanges offerts à Claude Abraham, Paris/Seattler/Tubingen, Papers on Seventeenth-Century Litterature, Biblio 17, 1997, p. 125-137 ; DOWNING Thomas, « Racine Redux ?: The Operatic Afterlife of Phèdre », in L’Esprit créateur, vol. 38, n°2, « Racine: A Tricentennial Issue », Baltimore, The John Hopkins University Press, été 1998, p. 82-94 ; KERN, Edith, « Tragedy into Opera: Phedre and Hippolyte et Aricie », in François Jost et Melvin J. Freedman (dir.), Aesthetics and the Literature of Ideas. Essays in Honor of A. Owen Alridge, Newark, 1990, p. 122-133 ; KINTZLER, Catherine, « La préface d’Hippolyte et Aricie ou la critique de Phèdre », in Jean-Philippe Rameau, Phèdre, programme de l’Opéra national de Paris, septembre 1996, p. 67-73 ; PARISH, Richard, « Métamorphoses de Racine. La Phaedra de Benjamin Britten », in Gilles Declercq et Michèle Rosellini (dir.), Jean Racine 1699-1999, op. cit., p. 685-695 ; SADLER, Graham, « Rameau, Pellegrin and the Opera: the revisions of Hippolyte et Aricie », in The Musical Times, n°74, Londres, 1983, p. 533-537.

3. Si Racine réfute avoir inventé le personnage d’Aricie, c’est toutefois lui qui place le personnage au cœur de l’intrigue. Voir à ce sujet la préface de Phèdre.

4. Voir : CLAUSIUS, Katharina, « Mit(h)ridate’s Poisoned Roots: Racine, Prose Tragedy, and Opera », in The Opera Quarterly, vol. 32, n°2-3, Oxford, Oxford University Press, printemps-été 2016, p. 103-133 ; KEYS, A.C., « Two Eighteenth-Century Racinian Operas », in Music & Letters, vol. 59/1, Oxford, Faculty of Music, janvier 1978, p. 1-9 ; MCCANN, Melissa, A Performer’s Guide to the Role of Aspasia, Thèse de doctorat [Ph.D. dissertation] en musicologie soutenue à la James Madison University en août 2008.

5. Voir notamment : DEGOTT, Pierre, « De Racine à Haendel : les tribulations d’Esther », in Bulletin de la société d’études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles, n°52, 2001, p. 35-50 ; GROSPERRIN, Jean-Philippe, « La mise en musique de la prophétie et ses enjeux dans l’Athalia de Haendel », in Anglophonia / Caliban, no 11, « Musique et littératures : intertextualités », 2002, p. 127-138.

6 La production du Mithridate de Mozart mise en scène par Clément Hervieu-Léger en 2016 au Théâtre des Champs-Élysées est un exemple de spectacle qui affirme se nourrir de tragédie classique et plus particulièrement de l’hypotexte racinien. Voir : HERVIEU-LEGER, Clément, « Le répertoire est un corpus vivant », entretien mené par Caroline Mounier-Vehier, Nonfiction, [En ligne], « Grands entretiens », mis à jour le : 2 février 2018, URL

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