26 septembre 2022 — Jean-Marc Warszawski
Mel Bonis, Myriam Barbaux-Cohen (piano), œuvres de Mel Bonis. Ars Produktion 2022 (ARS 38 349).
Enregistré les 18-20 janvier 2022, Kultuzentrum Immanuel, Wuppertal.
Myriam Barbaux-Cohen est passée par les conservatoires de La Rochelle, de Gennevilliers, le Conservatoire (russe) Serge Rachmaninoff à Paris, où elle devient l’assistante de Mūza Rubackytė et pour son International Certificate Piano Artist, passe entre les doigts et les conseils de Jean-Philippe Collard, Robert Roux, Michel Béroff, Nelson Delle-Vigne et Philippe Entremont. Elle a joué le Tango Nuevo d’Astor Piazzolla en quintette et en en duo accompagné des mélodies françaises. Elle est fixée à Frankfurt où elle enseigne le piano. Elle est parrainée par les pianos Bechstein.
Après un premier cédé consacré aux œuvres d’Enrique Granados (ARS Production 2020), ce sont celles de Mel Bonis qui fournissent le programme du second.
Mélanie Bonis n’est pas la plus méconnue des compositrices écartées de l’édition, des programmes, des chroniques musicales, voire même de la musique, après le mariage, comme ce fut le plus souvent le cas, parce que l’on considérait que les femmes étaient dénuées de la logique nécessaire à cet art.
Introduite au Conservatoire national par César Franck, ses parents interrompirent ses études pour l’éloigner d’un étudiant en chant dont elle était amoureuse. Elle fut mariée à un homme bien plus âgé qu’elle, deux fois veuf, mais très riche. Mener une maisonnée de huit enfants prend le pas sur ses activités artistiques. Toutefois, elle reprend contact avec le monde musical, retrouve son premier amour, devenu une personne influente, qui relance sa carrière… et leurs émois amoureux qui se concrétiseront par la naissance d’une fille.
Mel Bonis laisse un catalogue d’environ 300 numéros, une quarantaine a peut-être été éditée de son vivant, surtout du piano. Elle a bénéficié d’une certaine reconnaissance du milieu musical, quelques œuvres ont été créées, elle fut même membre de la Société des compositeurs, dont elle assura un temps le secrétariat.
Il suffit d’écouter les quelques enregistrements récents accessibles, dont ce cédé, pour comprendre pourquoi Mel (Mélanie) Bonis a réussi à fissurer très partiellement la muraille de préjugés et de bienséances sociales qui vont avec.
Il est bien difficile de résister aux charmes de cette musique influencée par le romantisme allemand, particulièrement Robert Schumann, donc pas vraiment dans la modernité des années 1900, mais avec des tournures mélodiques qui font penser à la romance ou bonne chanson parisienne, aussi, assez discrètement des effluves « impressionnistes », plus dans l’air de ce temps.
De la pièce dansante de salon bourgeois pas trop difficile (Étiolles, 1884), à la fresque dramatique (La cathédrale blessée, 1915), certainement écho au bombardement de la cathédrale de Reims du 19 septembre 1914, qui avait soulevé une grande vague internationale d’émotion, en passant par des pièces de bravoure (Barcarolle opus 41), d’introspection (Méditation opus 33) à emphase (Églogue opus 12), on retrouve le même métier assuré, les beautés mélodiques émouvantes à l’invention inépuisable, parfois dans la fluidité continue du développement de l’écriture, parfois dans la succession d’épisodes descriptifs un peu théâtraux.
Peut-être est-ce parce qu’elle fut à l’abri du besoin et tenue à l’écart des agitations et des concurrences du monde musical, que Mel Bonis a, en fin de compte, constitué une œuvre originale et sans esbroufe, un peu décalée du mouvement du temps, concentrée sur l’efficacité expressive, à laquelle chaque note participe. C’est au moins un aspect que Myriam Barbaux-Cohen investit avec le plus grand bonheur.
1. Étiolles, valse opus 2 ; 2. Prélude opus 10 ; 3. Gai printemps, Impromptu opus 11 ; 4. Près du ruisseau, opus 9 ; 5. Pensées d’automne opus 19 ; 6. Berceuse, opus 23, no 1 ; 7. Églogue, opus 12 ; 8. Romance sans paroles, opus 29 ; 9. Méditation, opus 33, no 1 ; 10. Carillon mystique, opus 31 ; 11. Ballade opus 27. 12. Romance sans paroles, opus 56; 13. Barcarolle, opu 71 ; 14. La Cathédrale blessée, opus 107 ; 5. Au crépuscule, opus 111 ; 16. Une flûte soupire, opus 117 ; 17. Berceuse triste, opus 118 ; 18. Cloches lointaines, opus 121.
Jean-Marc Warszawski
26 septembre 2022
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Lundi 26 Septembre, 2022 11:53