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lundi 31 janvier 2022

Musiques sauvages : colloque

9-10 juin 2022, Neuchâtel.
15 février date limite pour recevoir les propositions.

Ce colloque vise à explorer les liens, les associations possibles ou, à l’inverse, les tensions du rapport entre musiques et sauvage. Cette réflexion s’inscrit dans le cadre du cycle d’exposition proposé par le Musée d'ethnologie et le Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel.

Étymologiquement, sauvage veut dire celui ou celle qui vient de la forêt. Ce terme divise le monde en deux : d’une part, la civilisation moderne et la culture, de l’autre, le sauvage et la nature. À travers ce colloque et en nous appliquant à faire foisonner ses différentes acceptations, nous souhaitons proposer une réflexion autour du terme de « sauvage » pour interroger non seulement la manière dont les différentes disciplines qui se sont intéressées à la musique en héritent, mais également ses usages musicaux contemporains.

Les propositions de communication pourront notamment s’inscrire autour des trois axes thématiques suivant :

Axe 1 : « Musiques de sauvages » : retour sur l’usage de la catégorie par les études sur la musique

Ce premier axe vise à interroger le rapport historique des études sur la musique à la catégorie de « sauvage ». Dès leurs fondations, plusieurs disciplines des sciences sociales (anthropologie, musicologie, sociologie) se sont intéressées aux « musiques de sauvages ». Suivant (de près) les pas de la colonisation, les premier-ères ethnologues ont parcouru le monde dans le but de collecter des patrimoines musicaux de peuples « sauvages », « exotiques » et « indigènes » et de fournir une compréhension des peuples « anthropologiques » par leurs musiques[1]. Leur souci était de les préserver de l’uniformisation culturelle occidentale dont ils et elles ont été, plus ou moins, indirectement les relais. En Europe, de pareils collectages ont eu lieu pour documenter, transcrire et enregistrer des répertoires « folklorique » mis en péril par la modernisation. De leur côté, les sociologues se sont, dès l’entre-deux-guerres, intéressé-es aux musiques populaires avec pour but d’analyser la culture de masse et les conséquences de l’industrialisation des arts. Le jazz, la pop, le rock, puis le rap et la techno ont ainsi tour à tour été analysés comme l’émanation de la jeunesse, des classes populaires ainsi que d’une spontanéité, d’une effervescence ou d’une ritualité qui fait plus ou moins explicitement référence aux « sauvages » étudiés par les premier-ères ethnologues[2].

Si depuis plusieurs décennies, ces disciplines ont cherché à prendre leur distance avec cet héritage colonial[3], ce premier axe vise à interroger le rapport que les études de la musique entretiennent toujours avec la catégorie de sauvage[4]. Comment ce rapport à l’autre oriente-t-il les manières d’étudier la musique, par exemple, à travers l’opposition entre musique savante et musique populaire[5] ? Comment les musiques et leurs descriptions participent-elles à construire des imaginaires exotisants et plus largement des rapports à l’altérité[6] ? De quelle façon, ces rapports peuvent-ils prendre des formes différentes, par exemple, des deux côtés de l’Atlantique ? Comment ceux qui sont décrits comme les « autres » se saisissent-ils.elles en retour de ce stigmate ? Qu’est-ce que les études sur la musique peuvent apprendre des enseignements sur le lointain et l’altérité de l’anthropologie[7], de la critique féministe des sciences ou des études postcoloniales ? Quels échos contemporains peuvent trouver les paradoxes entre patrimonialisation, transcription, préservation et collectage auxquels étaient confrontés les premier-es ethnomusicologues ? Ces questions touchent aussi bien aux concepts qu’aux méthodes et peut-être plus encore à l’engagement avec le terrain durant l’enquête.

Axe 2 : « Musiques pour des sauvages » : actualités et usages contemporains

Le deuxième axe vise à interroger l’utilisation des catégories de sauvage, mais aussi de wild, de barbare, ou d’animal dans les mondes musicaux contemporains. Comment sont-elles mobilisées ? Par quels collectifs ? Dans quelles situations et à travers quelles pratiques ? Comment peut-on analyser ces résurgences du sauvage ? Comment le recours au sauvage est-il utilisé pour choquer, décaler ou revivifier ? Quel rapport à l’ailleurs ou au passé construit-il ? Quelles utopies ou dystopies en termes par exemple de rapport avec la nature, de progrès ou d’égalité porte-t-il ? Du chamanisme au nouveau folklorisme, en passant par les diggers, le new age ou les free parties, cet axe vise à interroger la place actuelle du « sauvage », par exemple dans son rapport avec l’exotisme ou l’extravagance. La musique parle-t-elle à nos parts les plus « animales » ? Comment sert-elle l’expression de nos pulsions ? Ou au contraire est-elle utile à canaliser cette part de nos existences en délimitant des exutoires ? Les nombreux travaux qui ont exploré l’écoute comme une activité collective et située se sont majoritairement intéressés au goût ou à la manière dont la musique habite le quotidien[8]. En revanche, peu de recherches se sont interrogées sur ces moments où la musique conduit à dépasser les limites, suscite la transgression, voire la violence[9].

Ce deuxième axe propose de s’intéresser aux usages sauvages de la musique. On peut penser à certains genres musicaux construits autour de cette idée[10], mais également à des situations où la musique vise une forme de dépassement de l’ordre du civilisé : match de football, conflits armés, torture. S’il a été par exemple mis en avant que les plateformes de streaming contribuent à cultiver la bonne humeur ou l’entrain, qu’en est-il du rapport de la musique à la colère, à la haine ou au défoulement ? Ces réflexions viseront notamment à interroger le postulat optimiste dont sont parfois empreintes les études sur la musique.

Axe 3 : « Musiques sauvages » : lorsque la musique échappe à l’analyse

Le troisième axe vise à interroger la possibilité de la musique comme un objet de recherche en soi sauvage, difficile à domestiquer pour le chercheur ou la chercheuse, voire farouche. Dans quelles mesures, n’échappe-t-elle pas toujours un peu à l’analyste ? Ce troisième axe vise à examiner ce caractère fuyant et irréductible de la musique[11]. Quels défis ou, au contraire, avantages cela confère-t-il à l’analyse ? Comment cette caractéristique peut-elle servir de modèle pour l’enquête en sciences sociales[12] ? Cet axe posera également la question des usages sauvages de la musique. A côté de quoi l’analyse de la musique risque-t-elle de passer? Comment la manière dont nous définissons, par exemple, l’écoute, exclut-elle certains pratiques et usages de la musique ? Ou en quoi la musique contribue-t-elle à notre conception du sauvage, mais également de catégories qui lui sont associées comme celle de nature, d’animal ou de barbare ? Dans quelle mesure, l’étude de la musique peut-elle permettre de réévaluer nos modes de production de la connaissance et certaines catégories comme l’objectivité ou la dichotomie nature/culture ?

Modalité de soumission

La sélection des communications se fera sur la base d’un résumé d’environ 500 mots décrivant l’objet de la communication, la méthodologie, les matériaux empiriques mobilisés et les résultats principaux. Les résumés sont à soumettre pour le 15 février 2022 à l’adresse suivante : loic.riom@unil.ch

Les résultats de la sélection seront diffusés au plus tard début mars.
Dates importantes

15 février date limite pour recevoir les propositions
début mars annonce du programme
colloque : 9-10 juin 2022

Comité d’organisation : Yann Laville (UNINE), Alain Müller (UNIBA), Loïc Riom (UNIL)

Comité scientifique : Alice Aterianus-Owanga (Université de Cap Town), Cécile Navarro (UNINE-HESSO), Miriam Odoni (UNINE-HESSO), Robin Casse (UNIL), Emmanuel Parent (Rennes 2/IASPM-bfe), Marc Perrenoud (UNIL), Marion Schulze (UNIBAS).

En partenariat avec : le Musée d’ethnographie de Neuchâtel, IASPM bfe, le Master romand en ethnomusicologie, le Foko Kukuso – réseau thématique arts et culture de la Société suisse de sociologie.

Lieux
Musée d'Ethnographie Neuchâtel - Rue de Saint-Nicolas 4, Neuchâtel, Confédération Suisse (2000)

Loïc Riom, loic.riom@unil.ch

Notes

[1] Voir par exemple Estoile Benoît (2010), Le goût des Autres. De l’Exposition coloniale aux Arts premiers, Paris: Flammarion ; Roueff Olivier (2006), « Politiques d’une « culture nègre » : la Revue Nègre (1925) comme événement public », Anthropologie et Sociétés 30 (2), pp. 65-85.

[2] Voir par exemple Rouget Gilbert (1980), Musique et la transe, Paris: Gallimard ou Lucas, Jean-Michel. « Du rock à l’œuvre ». Vibrations. Musiques, médias, société Hors-Série (1991): 77‑100. https://doi.org/10.3406/vibra.1991.1096.

[3] En anthropologie, on peut citer le tournant marqué par « la pensée sauvage » de Claude Lévi-Strauss. Voir Lévi-Strauss Claude (1962), La pensée sauvage, Plon : Paris.

[4] Par exemple, pour un examen critique du concept de tribu voir Hesmondhalgh David (2007), 3 recent concepts in youth cultural studies, in Youth cultures: scenes, subcultures and tribes, édité par Paul Hodkinson et Wolfgang Deicke, London & New York: Routledge, pp. 37-51.

[5] Hennion Antoine (1998), D’une distribution fâcheuse : analyse sociale pour les musiques populaires, analyse musicale pour les musiques savantes, Musurgia, pp. 9-19.

[6] Radano Ronald M, Bohlman Philip V et Baker Houston A (2000), Music and the Racial Imagination, Chicago: University of Chicago Press.

[7] Müller Alain (2015), Altérités et affinités ethnographiques: réflexions autour du proche, du lointain, du dedans et du dehors, SociologieS, [en ligne].

[8] Voir par exemple Hennion Antoine, Maisonneuve Sophie et Gomart Emilie (2000), Figures de l’amateur: formes, objets, pratiques de l’amour de la musique aujourd’hui, Paris: La Documentation française; DeNora Tia (2000), Music in everyday life, Cambridge: Cambridge University Press.

[9] Goodman Steve (2012), Sonic warfare: Sound, affect, and the ecology of fear, Cambridge & Londres: MIT Press. Guesde Catherine et Nadrigny Pauline (2018), The most beautiful ugly sound in the world ; à l’écoute de la noise, Paris: Editions Mf; Stoichita, Victor (2017). « L’emprise des sons »,Terrain,

[10] Par exemple, sur le rock voir : Gilles, Guillaume (2012), Les représentations de la sauvagerie dans le rock’n’roll américain des années 1950, entre mythes et réalités. Thèse de doctorat, Paris Est.

[11] Small Christopher (2019), Musiquer: Le sens de l’expérience musicale, Paris: Éditions de la Philharmonie.

[12] Voir Hennion Antoine (1993), La passion musicale. Une sociologie de la médiation, Paris: Éditions Métailié ou Hennion Antoine (2018), L’objet, la croyance et le sociologue: La sociologie de l’art comme œuvre à faire, Transposition, Hors-série 1.


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Lundi 31 Janvier, 2022