19 novembre 2022 — Jean-Marc Warszawski

Les Trois amours de Michel Petrossian

Michel Petrossian, Trois amours, Musicatreize, sous la direction de Roland Hayrabedian, Amours sidoniennes, Horae quidem cedunt, Chanter l'icône. L'Empreinte digitale 2022 (ED 13262).

Enregistré les 1-4 novembre 2021, 20-21 février 2022, studio Module GMEM, Marseille.

Michel Petrossian est passé par les conservatoires de Paris, d’Issy-les-Moulineaux le Conservatoire national supérieur de Paris, sans pour autant lâcher la guitare qu’il joue en duo avec le percussionniste Gad Hesham. Puis il s’intéresse au cinéma, à la musique de film, fonde l’ensemble Cairn pour promouvoir la musique contemporaine, puis s’éloigne de la musique au profit d’une quête mystique, vers les langues et civilisations orientales anciennes, séjourne une année à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem… Dans le verbe ancien et les anciennes pratiques religieuses orientales, il retrouve la musicalité.

En 2012 il remporte le Prix Élisabeth de composition qui confirme et ouvre la carrière… Nous espérons voir d’ici deux ans son opéra sous la direction de Leonardo García Alarcón.

L’enregistrement de ses Trois amours est une belle réussite de son artisanat talentueux, mais aussi de l’ensemble Musicatreize sous la direction de Roland Hayrabedian.

Attiré vers les mystères des textes pré bibliques et bibliques, il livre là un triptyque évoquant trois histoires d’amour. Amours sidoniennes, inspirées par l’incertitude de traduction d’une inscription sidonienne dont on ne sait si elle est funéraire ou un dialogue entre deux amoureux et l’intervention d’un gêneur, Horace quidem cedunt… évoque des amours terrestres, dans un sens mystique, où le compositeur s’inspire à la fois du film Les saisons d’Artavadz Pelechian (et ses procédés cinématographiques), de Virgile, de textes de Philippe Mahaud, du Livre de Job. Chanter l’icône est inspiré par En Toi se réjouit toute la Création, œuvre d’un artiste crétois de la première moitié du xvii^esiècle, Franghias Kavertzas, qui est selon le compositeur la transposition picturale d’une hymne byzantine, avec des textes d'hymnes slave et byzantine, de Lydie Dattas, Victor Hugo, John Donne, etc.

La musique, même si elle ne comporte rien de très original dans les jeux architecturaux vocaux, est fort belle, imposante, expressive. Sa puissance, mais c’est là une règle d’esthétique, émane de confrontations d’agents apparemment hétérogènes, comme les idiomes musicaux contemporains atonaux et le coryphée imaginé de la Grèce antique qui sonne parfois comme le plain-chant monastique, parfois comme la polyphonie corse ou balkanique, parfois choral orthodoxe. Ou la voix chantée contre la voix récitante, contre paslmodie, dans une moindre mesure, mélismes orientaux contre mélismes occidentaux (on pense aussi aux œuvres de Zad Moultaka)

Même si on a l’impression de déjà entendu, tout cela est particulièrement bien imaginé, réalisé et interprété. Notons au passage ce « retour » à la musique à programme, très théâtre musical, dont le parcours est structuré par la physiologie du texte autant que par son sens, par ce qu’il sonne et par ce qu'il raconte, ne recherchant pas d’algorithmes internes propres à développer rationnellement et mécaniquement la cohérence musicale. Le mysticime préoccupé par les âmes et l'au-delà est ici bien corporel et sensuel.

Michel Petrossian, Chanter l'icône, 1. « En toi se réjouit », plage 7 (extrait).

Jean-Marc Warszawski
19 novembre 2022

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bouquetin

Samedi 19 Novembre, 2022 12:24