15 mars 2022 —— Jean-Marc Warszawski.
Mieczysław Weinberg, Pieter Wispelwey, Jean-Michel Charlier, Les Métamorphoses, sous la direction de Raphaël Feye, concertino pour violoncelle opus 43 bis, fantaisie pour violoncelle et orchestre opus 52, quatrième symphonie de chambre, opus 153. Evil Pinguin Classic 2022 (EPRC 0045).
Enregistré du 28 juin au 1er juillet 2021, Muziekcentrum De Bijloke, Gent.
Depuis une quinzaine d’années, on peut remarquer, dans les programmations de concerts et les éditions discographiques, un intérêt croissant pour les œuvres de Mieczysław Weinberg, qui est un des plus importants compositeurs du xxe siècle. Ce qui frappe d’emblée, dans son œuvre, est le cousinage esthétique avec Dimitri Chostakovitch : « Je suis un élève de Chostakovitch. Bien que je n’aie jamais pris de leçons de lui, je me considère comme son élève, sa chair et son sang. ».
Weinberg est né à Varsovie en 1919, dans une famille d’artistes (père musicien, mère actrice), son destin était de devenir pianiste. Il joue du piano dès l’âge de 10 ans dans le théâtre où son père travaille et intègre le Conservatoire de Varsovie deux ans plus tard. Le célèbre virtuose Joseph Hoffman le remarque, il organise son séjour aux États-Unis afin qu’il y poursuive ses études. L’invasion de la Pologne par les troupes hitlériennes met un terme à ce projet. Il arrive à fuir en URSS, mais sa famille sera exterminée.
De 1939 à 1941, il étudie au Conservatoire de Minsk. En raison de l’avancée des troupes allemandes, il est déplacé à Tachkent où il se marie et fait la connaissance de Dimitri Chostakovitch, grâce auquel il s’installe à Moscou. Le 16 octobre 1943, Emil Gilel crée sa seconde sonate pour piano au Conservatoire de Moscou.
Compositeur et pianiste indépendant, il sera moins tracassé que d’autres par la critique dogmatique institutionnelle, mais sera emprisonné en 1953, un de ses parents étant inculpé dans le « Complot des blouses blanches » : des médecins juifs auraient comploté contre Staline. La mort de ce dernier mit fin à l’affaire.
À partir du milieu des années 1950, ses œuvres sont régulièrement créées par des orchestres, des chefs et des solistes de premier plan. Jusqu’à sa mort en 1996, sa notoriété ira grandissante. On estime qu’il a composé environ six cents œuvres, dont cent-cinquante-quatre ont des numéros d’opus. On décompte également, plus de soixante musiques de film dont celle de Quand passent les cigognes de Mikhaïl Kalatozov, Palme d’or au Festival de Cannes en 1958.
Toute sa musique est imprégnée de la tragédie de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi de la chance d’y avoir personnellement survécu, d’en avoir été sauvé. Sombre, élégiaque, tragique, grinçante, poignante de solitude par les épisodes solistes peu ou pas accompagnés, puisant dans les traditions populaires, sonnant parfois comme des instruments de villages, avec une somptueuse harmonie et une écriture virtuose des cordes, supportant les écarts dissonants. Mais aussi des plages plus sereines, plus lumineuses où le gris clair gagne sur le noir.
L'orchestre Les Métamorphoses a enregistré pour ce cédé le concertino pour violoncelle opus 43 de 1948, dans une version bis trouvée en 2016, donc opus 43bis, moins développé avec une cadence plus courte. C’est un troisième (à notre connaissance) enregistrement après celui de Marina Tarasova (violoncelle) avec le Musica Viva Chamber Orchestra, sous la direction d’Alexander Rudel (Northern Flowers 2018) et de Raphaël Wallfisch (violoncelle), avec le Kristiansand Symphony Orchestra, sous la direction de Lukasz Borowicz (CPO, 2020).
La fantaisie pour violoncelle et orchestre opus 52, créée en version piano et violoncelle en 1953, à Moscou, par Daniil Chafran et Nina Mousinian.
La quatrième symphonie de chambre, opus 153, dédicacée à dédicacée à Boris Tchaïkovski, la dernière œuvre achevée de Mieczysław Weinberg.
Les métamorphoses, Pieter Wispelwey (violoncelle), Jean-Michel Charlier (clarinette), sous la direction de Raphaël Feye, ont réussi un magnifique enregistrement habité, sont allés fouiller les entrailles du son tout en magnifiant le silence. Difficile de saisir d’où viennent les profonds sentiments, l’émotion qui tient tout du long : du génie de Mieczysław Weinberg ou de la qualité de ses interprètes ?
Avec cela un beau livret-livre d'art.
Jean-Marc Warszawski
15 mars 2022
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Samedi 19 Mars, 2022 5:05