27 mars 2022 —— Jean-Marc Warszawski.
Franz Schubert, Les derniers quatuors, Aviv Quartet, Sergey Ostrovsky, Philippe Villafranca, Noémie Bialobroda, Daniel Mitnitsky, quatuors D. 887 en sol majeur et D.810 en ré mineur « La jeune fille et lamort » . Aparté 2021 [AP 266].
Enregistré les 13-16 et 22-24 mai 2021, au château Fallot, Lausanne.
Aviv est un quatuor « rendez-vous en suisse », constitué depuis une bonne dizaine d’années.
Sergey Ostrovsky vient de Russie, il a étudié à Gorki, Tel-Aviv, Amsterdam, il est premier violon solo de l’Orchestre de la Suisse romande et enseigne à la Haute-École de musique de Genève-Neuchâtel.
Philippe Villafranca a étudié au Conservatoire de Grenoble avant d’intégrer le Conservatoire National Supérieur Musique de Lyon. Il se perfectionne à Londres et à la Hochschule für Musik Basel. Il est violon solo de l’Orchestre de Chambre de Luxembourg, premier violon solo du Collegium Musicum Basel, professeur de violon à la Musikakademie Basel ainsi qu’au Conservatoire de Neuchâtel.
Noémie Bialobroda, parisienne, a étudié à la Haute École de musique de Genève et au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Elle est professeur et Coordinatrice musique de chambre à la Haute École de musique de Genève, professeur au Conservatoire de Lausanne. Elle est la fondatrice de l’Académie internationale des cordes de Genève.
Daniel Mitnitsky est né à Tel-Aviv, étudie à la Buchmann-Mehta School of Music de Tel-Aviv, au New England Conservatory à Boston, à l’International Menuhin Music Academy de Rolle. Il joue au sein l’Orchestre de Chambre de Lausanne en 2017.
Ils mènent tous quatre des carrières de solistes internationaux, et ont accumulé leur lot de distinctions, tout comme le quatuor au complet qui a enregistré des œuvres, d’Erwin Schulhoff (Naxos 2010), d’Ernő Dohnányi (Naxos 2012) Franz Schubert (Naxos 2020).
Pour son quatrième enregistrement, le quatuor reste sur sa lancée schubertienne avec deux des plus magnifiques chefs-d’œuvre composés pour cette formation.
Dans l’ordre, le quatuor D.887, en sol majeur, du printemps 1826, dit parfois « quatuor des trémolos » et le quatuor D.810, en ré mineur, de 1824, dit « La jeune fille et la mort » par la réutilisation thématique du Lied de 1817 (2e mouvement), sur un poème de Matthias Claudius.
Pendant les derniers mois de la maladie et à l’approche de la mort, Franz Schubert a composé chef-d’œuvre sur chef-d’œuvre incarnant et approfondissant les sentiments de mélancolie, de solitude (Schubert pensait qu’on ne pouvait pas partager la peine), tragiques, mais aussi d’immense tendresse déchirante (désespérée ?) ainsi que nous pouvons entendre aujourd’hui ce à quoi les contemporains ne semblent pas avoir été tant sensibles.
Bien entendu on retrouve dans La jeune fille et la mort la classique lutte avec la Mort, terrifiante et séductrice, comme dans le Erlkönig (Lied de Schubert - Carl Loewe), ou les Chants et danses de la Mort de Modest Moussorgski, ce qui appelle une vaste palette d’émotions entre refus et acceptation, attirance et répulsion, espoir et inquiétude. Ce quatuor est à juste titre l’un des plus joués, par sa spontanéité il touche d’emblée un très large public. Si à l’oreille du mélomane il peut manquer ici et là d’étoffe harmonique, le dernier quatuor en sol majeur est d’une extraordinaire plénitude orchestrale. Il n’y a ici aucune histoire, aucun travail thématique à proprement parler, pas de réutilisation de matériaux précédents. Seulement des motifs, dont certains purement instrumentaux (non plus mélodiques), peut-être sous l’influence du dernier Beethoven que Franz Schubert suivait avec attention, comme l’ambiguïté entre modes majeur et mineur dans les premier et dernier mouvements, ou la tension dramatique des trémolos (aussi une incertitude tonale). Il n’y a plus de personnages, mais un paysage sonore sensible d’émotions.
Deux œuvres qui avec les derniers Beethoven, tout en étant des sommets, déterminèrent l'avenir du quatuor à cordes.
L’interprétation du quatuor Aviv est à la hauteur des cimes de ces deux chefs-d’œuvre de musicalité, donnant, à notre oreille et côté cœur le dernier mot à la tendresse et un halo de candeur juvénile.
Jean-Marc Warszawski
27 mars 2022
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Dimanche 27 Mars, 2022 4:22