28 novembre 2022 — Jean-Marc Warszawski
Ludwig van Beethoven, Complete piano sonatas, Muriel Chemin (piano). Odradek 2022 (10 v., ODTVD 361)
Enregistré entre juillet 2017 et mars 2021, Studio Odradek, The Spheres, Pescara-Montesilvano.
Muriel Chemin, mise au piano à l’âge de cinq ans, est passée par l’École Normale de Musique de Paris, puis par le Conservatoire de musique de Genève. Elle s’est perfectionnée auprès de Maria Tipo, dont elle fut l’assistante trois années durant. Elle a enseigné au Conservatoire d’Innsbruck en Autriche et depuis une dizaine d’années enseigne au Conservatoire Benedetto Marcello de Venise.
Elle a fait un début de carrière prometteur, a été lauréate de concours, a effectué des tournées internationales en récital, soliste ou chambriste (notamment avec le violoncelliste Alain Meunier), elle a reçu le soutien élogieux de Paul Badura-Skoda et de Carlo Maria Giulini. En 2000, elle entreprit l’enregistrement des trente-deux sonates de Beethoven pour la maison de disques Solstice, mais l’aventure s’arrêta au troisième volume. Alors jeune maman et future maman une seconde fois, elle avait besoin d’une rallonge quant aux délais. Il semble que Solstice ait bêtement interprété cela comme un abandon de poste.
Si le monde musical est élogieux à son égard, la planète médiatique, et des tourneurs, ignore son existence. En 2017, elle a enregistré les Variations Diabelli pour Odradek, un album remarqué.
Cette fois, ce sont enfin les 32 sonates de Beethoven en dix volumes. Il y a quelque chose d’obsessionnel entre Muriel Chemin et les œuvres de Beethoven, qui sont des œuvres formidablement abouties, et tout autant inabouties par leur extraordinaire ambition de devenir, par le fait que Beethoven n’était pas, à sa mort, au bout de sa quête, et que pour l’interprète curieux, il est difficile de s’en tenir à des choix uniques. C’est un terrain d’aventure.
Cette intégrale est celle d’une certaine sobriété, qu’on aime bien aujourd’hui, après les excès de brillance et de clinquant de l’héritage Karajan. Le Steinway de 2022 réverbère moins que le Fazzioli de 2001. Peut-être la fougue d’il y a vingt ans est quelque peu modérée. Mais ce n’est pas certain, les sentiments musicaux passant de l’interprète au public par suggestion. Suggérer n’est pas faire soi-même. Mais c’est tout de même loin de l’ascèse, et du « simplement jouer les notes » comme c’est un peu de mode (au moins de le dire). Muriel Chemin a un bon chantant, aime la continuité et le coulé plus que les ruptures, aidée en cela par des tempos judicieux.
Que dire de plus ? C’est une excellente réalisation qui devrait prendre place parmi les plus prisées. Mais ce type d’intégrale est tout de même problématique, car il s’agit là de trente œuvres uniques, entières, qui ont jalonné la vie d’un compositeur hors normes, sans cesse en renouvellement, elles ne sont pas conçues comme les épisodes d’une fresque, et ne se renvoient pas nécessairement les unes aux autres et dans leur chronologie. Le faire, il faut en avoir les moyens et la vision, est toutefois une proposition enthousiasmante, apparemment un appel irrésistible pour Muriel Chemin.
Ludwig van Beethoven, Sonate no 24 en fa dièse majeur, opus 78 (1809), premier mouvement, allegro assai, vol. 7, plage 6 (extrait).
Jean-Marc Warszawski
28 novembre 2022
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Lundi 28 Novembre, 2022 2:39