musicologie

14 octobre 2022 — Jean-Marc Warszawski

Le trio Zerline à la recherche du son perdu

Zerline

Trio Zerline, Alice Szymanski (flûte), Estelle Gourinchas (alto), Joanna Ohlmann (harpe), œuvres de Claude Debussy, Théodore Dubois, Arnolf Bax, Leo Smit, Tōru Takemitsu. Paraty 2022 (PARATY 8221121).

Enregistré les 24-27 juillet 2020, Espace culturel Claude-Joseph Bonnet, Jujurieux.

Le trio Zerline a été formé en 2017 par Alice Szymanski (flûte), Estelle Gourinchas (alto), Joanna Ohlmann (harpe). Une configuration musicale qui ne croule pas sous un répertoire pléthorique. Justement, le terrain n’est pas de toute facilité.

Bien que Théodore Dubois, qui garde la renommée d’avoir été un directeur assez rétrograde du Conservatoire national supérieur de musique, qui s’est vengé de ses étudiants en publiant un manuel d’harmonie qui en fit suer plusieurs générations, ait composé pour ce trio, en 1905, une très belle romance en duo accompagné de harpe, on attribue à Claude Debussy, en 1915, d’en avoir le premier exploré le cadre, avec une des deux sonates achevées d’un projet qui en promettait six dans des instrumentations différentes.

On y retrouve bien sûr son esthétique d’arabesques chatoyantes ne se posant jamais, laissant une impression d’inconnu, parfois oppressante, le plus souvent d’une fraîcheur et de lumière tamisée jouant avec les ombres. En y prêtant plus attentivement l’oreille, on y découvre quantité de détails sonores étonnants, notamment pas le jeu colorant de l’alto. On les retrouve dans la magnifique pièce de Tōru Takemitsu, And Then I Knew 'Twas Wind de 1992, qui en tire référence, mais développe bien plus avant les possibilités sonores et expressives et laisse une plus grande place à l’alto.

Le programme compte encore une œuvre d’Arnold Bax, une déploration, qui n’est pas sans tourment, au lendemain de l’insurrection de Pâques de 1916 des républicains irlandais, sauvagement réprimés par les Britanniques. Et un trio composé en 1926, de Leo Smit, moderniste, assez orchestral, avec des accords incisifs et rythmés comme on aime depuis 1913 et le Sacre du Printemps.

Ce sont là de très belles œuvres, y compris le terzetto de Théodore Dubois, qui semblent, malgré leurs différents styles, avoir retenu quelque chose de Debussy, même Leo Smit, et évidemment pour Toru Takemitsu. Les Zerline font une belle démonstration d’interprétation dans ces pièces à virtuosité qui semblent les stimuler et qu’elles dominent de haut.

Elles expliquent que partant de l’idée d’instruments d’époque Debussy, elles en ont expérimenté plusieurs recherchant plus la musicalité souhaitée que la reconstitution historique, d’ailleurs cela aurait été assez curieux pour des pièces allant de 1905 à 1992. Mais la recherche du « son » (et de la technique instrumentale) par rapport au répertoire nous semble essentielle… Peut-être que cela peut inciter à prêter une oreille supplémentaire, pour un intérêt augmenté, à cet enregistrement et surtout d’y aller entendre en vrai si possible.

6. Leo Smit, Trio, premières mesures (plage 6).

1-3. Claude Debussy, Sonate ; 4. Arnold Bax, Elegiac Trio ; 5. Théodore Dubois, Terzetto ; 6. Leo Smit, Trio ; 7. Tōru Takemitsu, And Then I Knew 'Twas Wind.

Jean-Marc Warszawski
14 octobre 2022


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Vendredi 14 Octobre, 2022 3:08