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1er mars 2022 —— Jean-Marc Warszawski.

Le moi en scène d’Olivier Mantei

Olivier Mantei, Dessous de scène : histoires d'opéra. « Tête-a-tête », L'Arche, Paris 2021 [112 p. ; ISBN 978-2-38198-023-2 ; 15 €].

Olivier Mantei est depuis 1993 administrateur dans le monde musical, à partir de 2000, il administre le Théâtre des bouffes du Nord, sauvé de la destruction en 1974 par Peter Brook et Micheline Rozan, en 2010, il en reprend la direction avec Olivier Poubelle. Agent d’artistes, entrepreneur, il est par la suite directeur adjoint de l’Opéra-Comique, puis en 2015, directeur.  Depuis novembre 2021, il est directeur de la Cité de la musique et Philharmonie de Paris.

On se demande ce qui peut pousser un auteur à écrire un tel livre, un éditeur à le publier. En effet, il s’agit de propos du genre qu’on tiendrait avec des amis, au cours ou après un bon repas ou pour finir une soirée : des anecdotes, des pensées qu’on n’approfondit pas trop ou pas du tout, couchées sur le papier dans un style un peu scolaire, parfois comme on s’exprimait à la radio ou la télévision dans les années 1950-1960.

On est entre potes, on cite des personnages sans les présenter, on devrait savoir qui ils sont… En fin de compte la lecture en est un peu fastidieuse, surtout quand on ne s’intéresse pas particulièrement à Olivier Mantei, comme cela est notre cas, étant évident que ce livre écrit à la première personne est plus concentré sur la personne que sur les dessous de scène et les histoires d’opéra annoncés par le titre.

On y apprend qu’il peut conseiller habilement des artistes de premier plan, régler des conflits insurmontables entre chef d’orchestre et diva, qu’il ne digère toujours pas l’audit de la Cour des comptes à l’Opéra-Comique, mais n’en dit pas plus, sinon moins de ce qui a fuité dans la presse en 2021, qu’il considère faire un métier artistique (p. 79).

Les quelques réflexions sur l’histoire et le langage musical à l’opéra ne sont pas fausses, mais assez superficielles, avec une vision très surévaluée de l’action des grands hommes, ce qu’on appelle l’histoire des princes et des batailles, passant ainsi à côté des mouvements de société et des évolutions idéologiques et esthétiques qui vont avec, et du fait que l’opéra, malgré une pression muséographique, ne peut fonctionner qu’en relation avec l’actualité, d’où la volonté des metteurs en scène d’actualiser le répertoire ancien, ce qui parfois provoque des distorsions compréhensibles. Quand ici ou là un concept attire l’attention, comme celui d’élitisme dans la musique contemporaine, cela reste un élément de langage n’ouvrant pas la réflexion.

Le mauvais goût à l’humour dédaigneux du cadre supérieur accroche un peu dans le billet consacré au coiffeur d’Isabelle Huppert (quand ? Quel spectacle ? ), qui aurait demandé 4 000 euros pour trois services. Certes, cela semble excessif, la fourchette se situant plutôt autour des 1000 euros pour une telle prestation (le cas échéant en ajoutant voyage, hôtel, travaux de perruquier, cotisations sociales, etc.). Cela se discute sur le pan professionnel. Olivier Mattei lui, a réglé le problème en rétorquant « Connaissez-vous le salaire mensuel d’un technicien de plateau ? ». N’y voyons aucune démagogie digne du style réseaux sociaux, mis il ne donne pas ce revenu, pas plus que la hauteur du cachet d’Isabelle Huppert, ni celle de son propre salaire... ou dividendes (Théâtre des bouffes du Nord, Théâtre de l'Athénée).

On peut avoir de l’inquiétude quant à ce qu’il imagine d’une espèce de fédération des théâtres lyriques français, mettant en commun leurs moyens. On ne voit pas trop pourquoi il évoque l’écologie, l’économie durable, ou l’esprit de troupe, sinon itinérante, quand il s’agit de « flexibiliser » les musiciens, c’est-à-dire de les précariser encore plus. Bon élève de l’économie libérale, on voit les économies que son système permettrait, les premières des créations communes se faisant à tour de rôle dans chaque théâtre, devenu dans le fond prestataire de services. On imagine la réduction du nombre des d’orchestres en résidence, les musiciens en tournées permanentes, voire la réduction du personnel administratif. Ainsi, les théâtres pourraient à tour de rôle fermer leurs portes, pour faire le ménage, organiser, réfléchir ! L’uniformisation libérale de la culture en somme.

Jean-Marc Warszawski
1er mars 2022


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Mardi 8 Mars, 2022 2:56