Caen, 16 juin 2022 —— Alain Lambert.
In your head photographie. Photographie © Maïwenn Rebours.
Pourquoi reprendre la formule du titre du beau film de Cédric Klapisch sorti récemment ? Tout simplement parce que c’est le défi du chorégraphe brésilien Pol Pi, installé en France, d’incarner la musique en partant de la gestuelle des instrumentistes, et en leur demandant de la développer sans et avec les instruments, de la gestualiser, de l’exprimer corporellement plus que de la danser, car aucune des quatre de l’ensemble Kaleidoskop de Berlin n’est danseuse.
Dans un premier moment qui interroge, alors que les instruments sont disposés au fond de la scène, l’altiste se présente devant nous dans le silence, et commence à se déplacer selon un rythme intérieur. On sent très vite qu’elle est habitée par une musique qui transparait dans ses mouvements et ses marmottements. Cela devient plus marqué quand une violoniste prend le relais, fredonne et semble emportée par son archet, elle même remplacée par l’autre violoniste plus en retenue, comptant les temps en français, ce que reprend en allemand la violoncelliste. Puis des voix off racontent chacune leur tour la découverte de leur instrument.
Ce sont sans doute elles, mais on ne le découvre qu’après, une fois sorties puis revenues étrangement accoutrées quand chacune retrouve son instrument et commence à jouer. Mia Bodet et Anna Faber au violon, Isabelle Klemt au violoncelle et Yodfat Miron à l’alto. À une, à deux, à trois, à quatre, tout en accentuant fortement les mouvements d’archet, l’une chantant parfois sa partie au lieu de la jouer. Et malgré ce réarrangement fortement expressionniste et décalé du 8e quatuor de Chostakovitch, la musique nous prend aux tripes et nous bouscule, sans doute bien différemment que si nous assistions à un concert doublement classique.
Ce n’est qu’une répétition publique de fin de résidence au Centre chorégraphique national Caen Normandie, et nous ne verrons ni n’entendrons le dernier tiers. Mais la discussion avec le chorégraphe et les musiciennes est éclairante. On y apprend qu’altiste professionnel il y a vingt ans, il a joué ce quatuor qui l’a beaucoup marqué. D’où son désir d’y revenir aujourd’hui, sans danseurs, mais en travaillant le double jeu des instrumentistes. Et elles visiblement se sont passionnées pour l’expérience, entre improvisation et contrainte musicales. À voir en entier !
Création française les 23 et 24 juin, dans le cadre de Montpellier danse. Puis en Allemagne le 12 novembre 2022 au Buda au Next festival, Courtrai, et les 24 / 25 / 26 Fevrier 2023 Radialsystem, Berlin.
Alain Lambert
6 juin 2022
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