musicologie

7 juin 2022 — Jean-Marc Warszawski.

Giulio Biddau : deux genres de Domenico Scarlatti

Giulio Biddau, Scarlatti to Scarlatti, 18 Sonates de l'édition de Hans Bülow en 1864 et d'Emilia Fadini en 1978. Aparté 2022 (AP 283).

Enregistré en juin et novembre 2020, Salle Colonne de Paris.

Né à Cagliari, Giulio Biddau commence le piano à douze ans au conservatoire de sa ville, puis à Gênes. Il passe par Paris pour suivre la classe de Jean-Marc Luisada à l’École Normale de Musique, où il obtient le diplôme de concertiste. Il poursuit ses études à l’Accademia di Santa Cecilia à Rome, bénéficie des conseils d’Aldo Ciccolini.

En 2012, il a enregistré pour Aparté les barcaroles et des variations de Gabriel Fauré et cinq ans plus tard, en compagnie de Norberto Cordisco Respighi, il a enregistré des œuvres pour piano à quatre mains d’Ottorino Respighi (Évidence, 2017).

De cinq ans en cinq ans, nous y voici, il soulève cette fois en un double album la question de l’authenticité musicale des sonates de Domenico Scarlatti, ou de l’authenticité de leur interprétation.

Il n’existe aucun autographe de ces environ 600 sonates comptabilisées à ce jour. Dès 1720, il est alors âgé de 35 ans, Scarlatti devient le professeur de clavecin de l’infante Marie-Barbara de Portugal, qui gagnera la réputation d’être une excellente musicienne. Lorsqu’elle se marie neuf ans plus tard avec Ferdinand VI d’Espagne, Domenico Scarlatti reste à son service à la cour de Madrid, où il compose à son intention l’essentiel de ses sonates, qu’elle conserve dans sa bibliothèque musicale. Scarlatti fera imprimer 30 sonates à Londres en 1738, peut-être grâce au castrat Nicola Broschi, allias Farinelli, accueilli dans des conditions princières à la cour d’Espagne deux ans auparavant. La reine meurt en 1758 (un an après Scarlatti), en ayant légué à Farinelli ses clavecins et sa musique, dont deux recueils des sonates manuscrites de Scarlatti. Le roi meurt en 1759 et Farinelli qui a participé à des intrigues politiques est prié d’aller voir ailleurs sans pour autant être dépouillé des privilèges, rémunérations et richesses accumulées. Il finira sa vie dans sa somptueuse villa de Bologne.

Deux séries pratiquement identiques de copies, sont aujourd’hui conservées en Italie (une partie particulièrement soignée pourrait être de la main de Farinelli), à la Biblioteca nazionale Marciana de Venise et à la Biblioteca Palatina de Parme.

La musique de Scarlatti n’est pas pour autant tombée dans un oubli profond, les romantiques portaient sur elle des jugements divers, mais la considérait avant tout (comme ce fut le cas pour Johann Sebastian Bach), qu’il s’agissait d’œuvres plutôt pédagogiques, en raison de ses mécanismes parfois poussés avec une certaine obstination, aussi par un contresens quant au titre des 30 sonates publiées à Londres : Essercizi per Gravicembalo.

Au début des années 1950, le claveciniste Ralph Kirkpatrick, un des pionniers de la musique dite « historiquement informée », a établi l’édition critique et numéroté les 555 sonates conservées à Venise, qu’il pensait être la source des copies de Parma.

À la fin des années 1970, aune autre grande figure de la musique ancienne, Emilia Fadini, a révisé, pour l’éditeur Ricordi, les sonates de Scarlatti, en pensant d’ailleurs que les copies de Parma étaient la source de celles de Venise.

Dans ce double cédé, Giulio Biddau soulève la question des éditions interprétatives, dans lesquels l’éditeur « corrige » les originaux selon ses connaissances et la mode de son époque.

Il confronte donc 18 sonates éditées par Hans Bülow en 1864 (CD 2) tiré par le romantisme allemand, aux mêmes 18 sonates de l’édition d’Emilia Fadini (CD 1) fondée par des considérations historiques italiennes … Au piano.

Jean-Marc Warszawski
7 juin 2022


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Mardi 7 Juin, 2022 8:26