musicologie

29 octobre 2022 — Jean-Marc Warszawski

Fiat Cantus visite la première moitié du xxe siècle

Printemps, Caroline Jestaedt (soprano), Lisa Chaïb-Auriol (soprano), Brenda Poupard (mezzo-soprano), Kaëlig Boché (ténor), Hyowon Pedro Chi (flûte), Domitille Bès (piano), ensemble Fiat Cantus, sous la direction de Thomas Tacquet (piano), œuvres de Camille Saint-Saëns, Jacques de la Presle, Robert Caby, Cécile Chaminade, Hortus 2022 (HORTUS 199).

Enregistré les 26-29 juin 2021, studio Riffs, Seine Musicale, Boulogne-Billancourt.

Les enregistrements d’œuvres chorales ne sont pas si courants. Peut-être parce que cet art musical, le plus pratiqué au monde, ressort plus de la convivialité que de l’écoute solitaire, le nez au plafond et les oreilles entre les baffles.

L’engouement pour le chant choral s’est développé tout au long du xxe siècle, avec le mouvement orphéonique et les orphéons (chorales d’hommes), participant aux rassemblements festifs, qui sans s’amoindrir, s’est ramifié avec le temps, parfois utilitairement encouragé comme loisir sain pour le peuple (plutôt que le troquet du coin… mais ce n’est pas incompatible), parfois se politisant, les chorales laïques rivalisant avec les chorales d’obédience religieuses, l’apparition de chorales « rouges », ouvrières, syndicales.

Mais en réalité le chant rassemble dans le plaisir, ce qui fait le succès populaire du genre, lui attachant dans la foulée, en dehors des ensembles vocaux et maîtrises historiques ou institutionnels, une réputation péjorative d’amateurisme. Pourtant, il existe de nombreux ensembles, y compris d’amateurs, à hautes exigences artistiques, dont Fiat Cantus, créé en 1992, soutenu par la ville de Montrouge, dirigé depuis quelques années par Thomas Tacquet, il a fait ses preuves dans nombre de productions.

Fiat Cantus nous offre avec ce cédé un programme rare, dont bien des pièces n’avaient encore jamais été enregistrées, composés entre 1895 et 1954, laissant un parfum de première moitié de sage xixe siècle, par des compositeurs prolifiques peu honorés de nos jours, sinon Camille Saint-Saëns, représenté ici avec sa cantate « La nuit » (opus 114, publié en 1900) sur un poème de Georges Audigier, à l’origine avec orchestre devenu ici pour piano et flûte.

Quatre œuvres de Jacque de la Presle, qu’on redécouvre dans les marges, qui n’a pas fait grand-chose pour promouvoir ses nombreuses œuvres malgré d’importantes fonctions institutionnelles à la radio nationale.

Robert Caby était un personnage extraordinaire. Proche d’Erik Satie, il employa sa vie durant à publier et à faire connaître son œuvre, il fut aussi dans les années 1930, militant communiste, dirigea la critique musicale de l’Humanité, puis se rangea aux côtés de Trotsky avec lequel il correspondit, participa à la rédaction, de plusieurs journaux d’extrême gauche, fut conseiller municipal à Champigny-sur-Marne. Dessinateur et peintre surréaliste, poète, il composa de nombreuses mélodies et œuvres chorales et pour le piano.

Cécile Chaminade est née dans un milieu aisé où la musique fait partie de l’éducation. Sa mère est pianiste. Mais il n’est pas question d’en faire un métier, ni de se produire en public. Encouragée par Georges Bizet, ami de sa mère, elle peut suivre de bonnes études musicales, même si cela est en bonne partie en cours privés. Elle finira par réussir une belle carrière, notamment aux États-Unis et au Canada, comme concertiste et compositrice.

Cet enregistrement déverse dans les écouteurs un charme assez lumineux et paisible. On aurait dit presque bourgeois au risque de blesser la mémoire de Robert Caby, disons une musique plutôt rassembleuse et populaire que clivante, dans laquelle celles et ceux qui écoutent parfois de vieux 78 tours, apprécieront quelques effluves de ce temps là.

Cécile Chaminade, Les filles d'Arles, opus 49, plage 14 (extrait).

1. Camille Saint-Saëns, La Nuit, opus 114.

2-6. Jacques de La Presle, Soir sur la plaine, Tombée du jour, Deux chœurs de printemps : « Avril », « Juin », Été.

7-12. Robert Caby, Voici la douce nuit de mai, opus 559 C ; Les heures sont des fleurs, opus 563 ; Affinités secrètes ; extraits du Cycle choral Gérard de Nerval, opus 558 C ; « Avril » ; « Hiver » ; extrait des Chants de l'innocence, opus 562 : «  A Cradle Song ».

13-16. Cécile Chaminade, Sous l’aile blanche des voiles, opus 45 ; Les filles d’Arles, opus 49 ; Le Noël des marins, opus 48 ; Les elfes des bois, opus 159.

Jean-Marc Warszawski
29 octobre 2022


Jean-Marc Warszawski, ses précédents articles

Musique classique à Maastricht : un jeune grand petit festival Le trio Zerline à la recherche du son perdu Une journée de passions baroques à MontaubanLaurent Wagschal joue Louis Vierne.

Tous les articles de Jean-Marc Warszawski

rect_acturect_biorect_texte

À propos - contact |  S'abonner au bulletinBiographies de musiciens Encyclopédie musicaleArticles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale| Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil. ☎ 06 06 61 73 41

ISNN 2269-9910

bouquetin

Lundi 31 Octobre, 2022 21:11