7 octobre 2022 — Jean-Marc Warszawski
Louis Vierne, Laurent Wagschal (piano), Suite Bourguignonne, opus 17, Deux pièces, opus 7 ; 12 préludes, opus 36 ; Le glas, opus 39. Calliope 2022 (CAL 2193).
Enregitré au Studio Libretto, à Antony, en juin 2021.
Laurent Wagschal est un chambriste tellement demandé qu’on pourrait oublier qu’il est aussi excellent soliste que chambriste. Il est donc, pour son quarante-et-unième ou quarante-deuxième enregistrement, seul avec son piano, dans des œuvres de Louis Vierne.
On retient de Louis Vierne une mort somme toute théâtrale sur les claviers du grand orgue de Notre-Dame de Paris, dont il était le titulaire, en plein concert de ses œuvres.
La vie de cet organiste de talent et compositeur inspiré fut assombrie d’une maladie oculaire qui le rendit aveugle et le soumit à des soins lourds, par l’infidélité de son épouse aboutissant au divorce en 1909, la mort d’un fils tuberculeux en 1913, le suicide de son fils aîné au front de la Première Guerre mondiale en 1917, puis la mort au combat de son frère en 1918. Sur la mort de son fils Vierne a composé un des quintettes les plus poignants du répertoire, et en souvenir de son frère un poème pour piano : solitude.
Il est aussi terriblement frustré qu’après avoir été assistant de la classe d’orgue du Conservatoire, et d’y avoir enseigné gratuitement pendant douze années, il n’en ait pas été nommé titulaire en 1911, où on lui a préféré Eugène Gigout et en 1926, son élève Marcel Dupré.
La suite bourguignonne date de 1899, l’année de son mariage. Elle décrit une journée heureuse, d’aube à clair de lune, où l’on n’entend pas ce que la Bourgogne y vient faire. Le no 4, sous-titré « Légende bourguignonne » est une habanera, et la « danse rustique », « no 6 » ne l’est pas tant. C’est du beau piano expressif, dans les couleurs de son temps, lumineux, avec une harmonie subtile et un flux chantant élégant, ondoyant, libéré de la carrure rythmique. C’est français, avec un petit quelque chose de César Franck dans le no 1 (Prologue).
Les douze préludes opus 36 ont été composés après la mort de son fils André, et semblent également être une suite autobiographique : « Prologue », « tendresse » […] « Suprême appel », « Sur une tombe » « Adieu », « Seul ». Il y a un grand contraste avec le suite de 1899 : ce sont des pièces tourmentées, sombres, angoissées, plus incisives, soulignées d’accords nerveux et de chromatismes prolifères, de passages élégiaques touchants, toujours dramatiques, d'effets théâtraux, peut-être avec de la colère, comme il l’écrira à propos de son quintette en souvenir de son autre fils. Avec une grande imagination pour exprimer les divers versants de son tourment.
Le Glas (opus 39) de 1916, qui clôt le progamme sonne à la fois l'effroi, le desespoir, la solitude... mais ausi la colère.
Un cédé au programme (et à l'interprétation) puissant à tous points de vue, voire saisisssant, y compris dans sa partie paisible ou joyeuse.
Louis Vierne, prélude no 3, « Présentiment », plage 12 (extrait).1-7. Suite Bourguignonne, opus 17, « Aubade », « Idylle », « Divertissement », « Légende Bourguignonne », « A l’Angélus du soir », « Danse rustique », « Clair de lune ».
8-9. Deux Pièces pour piano opus 7, Impression d’automne, Intermezzo.
10-21. Douze Préludes opus 36, Prologue, Tendresse, Pressentiment, Souvenir d’un jour de joie, Nostalgie, Par gros temps, Évocation d’un jour d’angoisse, Dans la nuit, Suprême appel, Sur une tombe, Adieu, Seul.
22. Le Glas, poème des cloches funèbres, opus 39.
Jean-Marc Warszawski
7 octobre 2022
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Vendredi 7 Octobre, 2022 3:22