Claire Clouet, La diaspora de la chambre 107 : Ethnographies musicales dans la diaspora soninké. « Répercussions », Éditions MF, Paris 2021 [218 p. ; ISBN 2-37804-023-7 ; 22 €].
Un livre à la fois chronique de rencontres, chronique de voyage, et chronique ethnomusicologique autour d'une chambre d'un foyer de travailleurs migrants dans le 19e arrondissement de Paris, le foyer Argonne où Claire Clouet a donné des cours de français, y découvrant sa vie quotidienne foisonnante. Avant de nouer des relations avec les amateurs de musique puis les musiciens soninkés itinérants, habitant ici ou ailleurs, toujours en recherche d'une fête ou d'une animation en plus de leur travail quotidien.
C'est d'abord une réflexion sur l'accueil à partir de l'histoire de ces foyers depuis la seconde moitié du siècle dernier. Ensuite la rencontre avec la population soninké qui vit entre le Sénégal, le Mali et la Mauritanie, avec la ville de Bakel à l'épicentre des trois. Et dont de nombreux natifs ou descendants gravitent autour de ces foyers, formant une diaspora musicale où celui qui écoute « fait » aussi de la musique, « car il décide de son espace sonore ».
C'est l'envie de se confronter à cette vie musicale qui amène l'auteure à intégrer une troupe de danse soninké et à se produire en région parisienne, avant d'aller au Sénégal dans les familles de ses amis, d'abord dans la périphérie de Dakar, puis à Bakel même.
Une réflexion sur ces musiciens voyageurs et urbains qui vivent souvent en parallèle aux circuits classiques des salles spécialisées en musique actuelle ou en musique du monde auxquelles très peu peuvent accéder, alors qu'ils jouent un rôle important dans le paysage musical des quartiers et des banlieues.
La diaspora de la chambre 107 est la réécriture d’une thèse d’anthropologie réalisée à l'EHESS sous la direction de Denis Laborde. Elle est accompagnée d'une pièce – Le Réveil – écrite en 1982 à Bakel, Sénégal, par Abdoulaye Konaté, Taïrou Diakité et Mamadou Niamé, afin de dissuader les prétendants au départ vers l’Europe. Elle a été jouée en France dans plusieurs foyers de travailleurs migrants.
Paru cette année dans la même collection, Chaos, cosmos, musique Particularités des aventuriers de l’AACM et du champ jazzistique dans leurs courses, d’Alexandre Pierrepont. Extrait du texte de présentation :
Livre d’anthropologie et d’histoire de la musique, chaos, cosmos, musique l’est en un sens original, celui d’une culture non identitaire, structurellement ouverte à l’altérité et l’altération, par principe métissée et fondée sur l’emprunt et la créolisation de ses idiomes et de ses pratiques. Alexandre Pierrepont déploie pour la penser les ressources de la pensée afro-américaine et afro-caribéenne dont il met en avant, grâce à un précieux chapelet de citations qui jalonne l’ouvrage, la complexité et la richesse.
La forme du livre est donc hybride comme l’est son objet. Aux citations qui rythment la lecture s’ajoutent des chroniques de disques de musiciens de l’AACM [association au sein de laquelle est notamment né l’Art Ensemble of Chicago] qui, entre les chapitres, permettent de s’approcher au plus près d’expériences musicales singulières.
Alain Lambert
8 octobre 2021
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