29 janvier 2021 —— Alain Lambert.
Calamel Charles, Et alors ... Considérations sur le jazz (So what ?). « Écritures », L’Harmattan, Paris 2020 [204 p. ; ISBN 978-2-343-21215-9 ; 15,00 €]
Et alors…, traduction de So What, titre célèbre de Miles Davis dans son album culte Kind of Blues. Le sous-titre en précise le sens, Considérations sur le jazz, une sorte de pêle-mêle en trois sets, normal pour un contrebassiste habitué des trois sessions nocturnes entrecoupées de pauses pour reprendre souffle et boire un verre avec les potes. Un ensemble de chapitres courts qui relèvent du souvenir, de la biographie ou de la considération plus technique mais toujours abordable pour définir le jazz de l’intérieur, tout en tenant compte aussi de l’auditeur, sans qui cette musique serait fort différente. Car si l’auteur propose trois critères, il n’oublie pas l’interaction avec le public, chaleur, complicité, rythme (taper du pied, applaudir les solos…) ce qu’il avait développé dans son précédent livre Le jazz : un modèle pour apprendre (L’Harmattan 2012).
Pour le swing, premier critère, il développe la formule Une certaine façon de faire vivre le rythme d’André Hodeir dans Hommes et problèmes du jazz (Parenthèses 1981) : Le Swing est l’invisible du rythme. Il a quelque chose à voir avec la manière dont le jazzman exprime le rythme de la musique qu’il joue. Mais c’est aussi une question d’intensité et de spontanéité […] C’est une manière personnelle de marquer les accents rythmiques de la musique. On copie l’autre, on note ses notes, on cherche ses phrases, on copie ses traits mélodiques, on incline les cymbales comme il le fait… mais reproduire sa personnalité est impossible. Il y a des limites à l’imitation: le Swing en est une.
Il y ajoute Le Son qui crée l’intensité et la spontanéité dans la mesure où chaque jazzman apporte sa propre sonorité à la musique. Le jazz attend du jazzman un contrat implicite: qu’il flirte avec ses propres limites techniques, spirituelles, corporelles, psychiques. Le jazz attend que le phrasé traduise l’intime, c’est-à-dire l’émotion partagée par la musique. (p. 105)
Et enfin, l’improvisation, bien sûr, qui fait du jazzman un créateur ici et maintenant, et non un simple interprète, même quand il reprend le thème d’un autre compositeur. Mais un improvisateur ne jouera pas du jazz s’il lui manque le Swing et le Son au sens indiqué plus haut, selon lui. On peut ajouter comme exemples les improvisateurs de la tradition classique comme Jean François Ziegel ou Thierry Escaich, sans parler des interprètes baroques qui redécouvrent cette technique. Ou même certains jazzmen qui relèvent plus de la musique contemporaine ou expérimentale. Peut-être faudrait-il développer aussi le rapport à l’oralité et à l’écriture qui n’est que sous-entendu ici.
Au lecteur de découvrir l’ensemble de ces considérations sur la notion de territoire du jazz comme paradis ou hétérotopie, sur le sacrifice de Charlie Parker, sur le rôle essentiel des contrebassistes, sur la place des individus, la voix de Billie Holiday, l’universalité du jazz, les rencontres cruciales, les complicités musicales, la transgression créative des règles musicales, le paradigme du jazz, le tout entrecoupé de références aux grands standards… Et alors ? Un livre riche de considérations, qu’on soit d’accord, ou non quelquefois.
À noter chez L’Harmattan, paru aussi l’an dernier, les Cahiers du CIRCAV no 29 consacrés à Jazz et cinéma, un recueil d’articles sur le sujet, accordant une large place aux domaines français et américain, en faisant l’hypothèse que la question jazz participe à reconfigurer les liens entre œuvres pionnières du cinéma, période classique hollywoodienne et modernité de la Nouvelle Vague, de John Cassavetes ou de l’art vidéo.
Alain Lambert
29 janvier 2021
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Vendredi 29 Janvier, 2021 19:13