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16 juillet 2021 —— Alain Lambert.

Annette, Leo Carax et les Sparks : le retour de l'opéra rock incandescent

En 1961, Jacques Demy, avec Les parapluies de Cherbourg, avait introduit deux choses dans la comédie musicale filmée : les dialogues entièrement chantés et la tragédie de la vie dans un univers de films le plus souvent dansés et divertissants. Puis en 1982, il réitère avec Une chambre en ville sans Michel Legrand et avec Michel Colombier, plus rock et plus sombre (qu'il aurait fallu garder pour Parking, malheureusement ratée, cette reprise rock d'Orphée).

Entre temps, le film musical est devenu rock et sombre lui aussi, d'abord avec Phantom of the Paradise de Brian de Palma en 1974, Rocky Horror Picture Show de Jim Sharman en 1975, et la même année Tommy de Ken Russel sur une musique des Who, Hair de Milos Forman en 1979 et The Wall d'Alan Parker, en 1982, sur une musique des Pink Floyd pour ne citer que les plus reconnus des opéras rock filmés.1982, la même année qu'Une chambre en ville et la fin d'une époque aussi.

Et voilà que trente ans plus tard, Léos Carax, qui se sent autant musicien que cinéaste, retrouve cette veine cinématographique avec des compositeurs dont il a repris une chanson sur son film précédent, et venus eux aussi de la grande époque de la culture rock, les Sparks, Ron et Russel Mael, ils lui avaient proposé un premier projet, puis un second qui a mis plusieurs années à se construire et se concrétiser.

Le résultat est musicalement et cinématographiquement réjouissant, reprenant les grands principes de ses prédécesseurs, les dialogues chantés le plus souvent, l'humour cynique en abîme, la critique  de la société du spectacle (presse people et exhibitionnisme des enfants stars), du machisme pervers (référence à la fois à la mort d'une actrice tuée par sa rock star d'amant et au mouvement Me Too) avec des chansons parfois ritournelles pop, parfois amples comme les grands airs d'opéra, entre autres ce duo final entre le père et la fille d'une émotion absolue.

Annette : Les musiciens et les acteurs. Photographie © UGC.

Les acteurs sont bien choisis, les quatre principaux, chanteurs amateurs, comme ceux des choeurs. Les orchestrations sont parfaites, adaptées à chaque situation, du départ en déambulation du studio qu'on retrouve au milieu de générique de fin et qui remet tout en perspective. Et plein de trouvailles du maître de l'image qui dédie son film en premier à Edgar Allan Poe, avec son double fantôme entre regrets et remords. Ou la confession du chef d'orchestre dans un mouvement lent de manège.

Mais il ne faut pas raconter le film, juste aller le voir et l'entendre sur grand écran. Vous êtes sûrs d'en oublier votre masque.

 

 

Alain Lambert
16 juillet 2021
© musicologie.org


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Vendredi 16 Juillet, 2021 13:16