bandeau_texte musicologie

9 avril 2020 —— Jean-Marc Warszawski.

J'ouïs la Multilatérale spectrale

 

J'ouïs, Ensemble Multilatérale, sous la direction de Leo Warynski, œuvres de Gérard Grisey, Fausto Romitelli, Yann Robin, Tristan Murail, Franck Bedrossian. L'empreinte Digitale 2019 (ED 13260).

Enregistré les 9-11 juin 2019, Conservatoire Edgar Varèse de Genevilliers.

L’ensemble Multilatérale a au cours de ses quinze ans d’existence acquis, sous la direction artistique de Yann Robin, une reconnaissance internationale, France comprise. Depuis sept ans, Leo Warynski en est le directeur musical, qui amène en dot l’ensemble vocal Les métaboles.

Ce cédé offre un florilège de musique de chambre de quatre compositeurs, nés entre 1946 et 1974, qu’on peut ranger parmi les adeptes de la musique dite spectrale (rien à voir avec les fantômes).

Musique spectrale, parce qu’on veut y exploiter le spectre harmonique des sons, en dehors de tout autre justification « métasonore », théorie compositionnelle, histoire, littérature. Que le son, ses réalités acoustiques et ses extensions musicales, c’est-à-dire artistiques. Une option déjà à l'œuvre chez un ompositeurs comme György Ligeti et d'autres

Ces pièces requièrent au maximum un quintette, flûte, clarinette, violon, violoncelle, piano, ce qui suffit parfois à créer un volume sonore énorme de grand orchestre.

Les cinq compositeurs au programme ont des attirances et des ancrages, des sources d’inspiration ou de technicité  divers, l’expérimentation acoustique de Gérard Grisey (1946-1998), un des fondateurs de l’exploration spectrale,  l’informatique en plus avec Tristan Murail (né en 1947), Fausto Romitelli (1963-2004) puisant dans le rock psychédélique, Yann Robin (né en 1974) et Franck Bedrossian attirés par le son saturé, tant pratiqué par les guitar-heros du rock débarrassé » du « n’roll » et de la banane à la brillantine.

Il reste que les six œuvres enregistrées ont un très fort air de famille, et qu’on peut entendre ce cédé comme une suite. D'autant qu'une œuvre en deux parties de Fausto Romitelli ouvre et clôt le programme, comme dans un cycle.

Comme la vision, remarquait Aristote, est le sens qui nous renseigne le plus et le mieux, on assimile la musique spectrale à bien des éléments terrestres, la plus proche à notre avis est celle de sculpture sonore. Dans cette optique, on pourrait penser à des mobiles. Ce sont de véritables objets sonores, des installations, qui irradient, ou livrent dans le temps, de leurs différents aspects ou mouvements. On pourrait penser à des peintures abstraites, des formes rondes, aiguisées, plus ou moins floues, plus ou moins nettes, des lignes, des droites et des courbes, des premiers plans, d’autres s’éloignant vers l’horizon, se déplaçant, des blocs se désagrégeant, se projetant en morceaux, des profondeurs de champ…

Le mieux  serait d’oublier la vision de la vision selon Aristote, d’entrer dans les sons, des formes sonores, qui ne racontent rien et n’illustrent qu’eux-mêmes, pour le plaisir, simplement.

En ces temps de confinement, où beaucoup d’entre nous ont enfin le temps de se vautrer dans un fauteuil pour écouter de la musique, une découverte ou une habitude retrouvée, ce cédé est recommandé, d'autant que ces œuvres sont servies par des interprètes, au moins ici exceptionnels : Matteo Cesari (flûte), Bogdan Sydorenko (clarinette), Lise Baudouin (piano), Pieter Jansen (violon), Pablo Tognan (violoncelle).

Fausto Romitelli, Domeniche alla periferia dell'impero, Prima domenica, plage 1 (extrait).

1. Fausto Romitelli, Le Domeniche alla periferia dell’impero, Prima domenica, pour flûte, clarinette, violon et violoncelle.

2. Gérard Grisey, Talea, pour flûte, clarinette, piano, violon et violoncelle.

3. Yann Robin, Fterà II, pour clarinette basse, piano et violoncelle.

4. Franck Bedrossian, The Spider as an artist, pour violoncelle.

5. Tristan Murail, Les 13 couleurs du soleil couchant, pour flûte, clarinette, piano, violon et violoncelle.

6. Fausto Romitelli, Le Domeniche alla periferia dell’impero, Seconda domenica : Omaggio a Gérard Grisey, pour flûte, clarinette, violon et violoncelle.

 

 Jean-Marc Warszawski
9 avril 2020

© musicologie.org


Jean-Marc Warszawski, ses précédents articles

La miroiterie de Karol Beffa —— Le son des arbres et de l'orchestre à la Camille Pépin —— L’organiste Jean-Baptiste Dupont : de l’improvisation enregistrée —— Éclats d’orgue, éclats méditerranéens —— L'art de L'art de la fugue de Vincent Grappy —— René Maillard : compositeur un jour, compositeur toujours —— Philippe Hersant en 34 duos.

Tous les articles de Jean-Marc Warszawski

rect_acturect_biorect_texterect_encyclo

À propos - contact |  S'abonner au bulletinBiographies de musiciens Encyclopédie musicaleArticles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale| Colloques & conférences |  Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41

ISNN 2269-9910

bouquetin

Jeudi 9 Avril, 2020 4:09