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12 octobre 2020 —— Jean-Marc Warszawski.

Don César de Bazan : pendu ou fusillé ?

Don César de Bazan

Massenet, Don César de Bazan, Ensemble Aedes, Les frivolités parisiennes, Naouri, Dreisig, Bettinger, Helmer, Moungoungou, sous la direction de Mathieu Romano. Naxos 2020 (8.660464-65).

Enregistré au Théâtre impérial de Compiègne , 13-17 février 2019.

Jules Massenet a profondément marqué le monde musical de son temps jusqu’à après son temps, par son art de la mélodie « avouée » (voulant plaire à tout prix, dit-on), son sens de l’harmonie et de l’orchestration et par son enseignement, plusieurs de ses vingt-trois opéras ont été des succès planétaires et dans la durée, mais ce n’est pas encore ça quand, en 1872, il est âgé de trente ans, il crée son second opéra-comique, cinq ans avant que la machine à gloire s’enclenche avec Le roi de de Lahore.

Don césar de Bazan a tenu treize représentions à l’Opéra-Comique de Paris avec un accueil réservé du public et quelques représentations en province.

La 25 mai 1887, lors d’une représentation du Chalet d’Adolphe Adam et de Mignon d'Ambroise Thomas, la salle Favard (Opéra-Comique) prend feu. On déplore cent-dix morts. Le matériel d’orchestre de Don César est détruit. Massenet tenait assez à cette œuvre pour la reconstituer, notamment à partir de la réduction piano-chant  qui avait été éditée. Elle fera une petite carrière internationale.

L’argument est inspiré par Ruy Blas de Victor Hugo, mis en cinq actes de théâtre cinq ans plus tard, en 1842, par Dumanoir et Adolphe d'Ennery. Don César de Bazan, Grand d’Espagne sans le sou est un personnage haut en couleurs et au grand cœur. Voulant venir en aide à Lazarille, un jeune garçon en butte à des maltraitances, il se bat en duel contre un officier. La loi punit les duellistes du peloton d’exécution, pire encore, de la pendaison si le délit est commis au cours de la Semaine sainte, ce qui est le cas. En prison César de Bazan attend donc qu’on lui passe la corde au cou.

Le roi d’Espagne, Charles II, doit être quelque part dans son château. Il est amoureux de Maritana, une chanteuse de rue, mais un roi ne peut mélanger ses jambes à celle d’une roturière de si basse extraction (Henri IV ne faisait pas tant de chichis). Son nouveau premier ministre, Don José de Santarém, est quant à lui épris de la reine, au moins il aimerait s’aventurer sous ses jupons. Mais la reine ne veut pas cocufier son mari le roi avant qu’elle ne le soit elle-même par lui. Symétrie intéressante quand on sait que les plaisirs extra conjugaux de l’homme ont nécessairement maintes bonnes justifications, alors que ceux de la femme sont par nature infâmes.

Don José de Santarém, les premiers ministres sont à l’opéra comme à la ville des gens retors, à une idée : si Maritana épouse Don césar, la chanteuse de rue deviendra noble – à quoi tient la noblesse ! –, le roi pourra alors sans déroger à son rang la culbuter dans la luzerne, et la reine sera libérée de ses scrupules et prête à l’emploi (ce que pensent les femmes et leurs sentiments dans cette affaire compte pour du beurre).

Don José de Santarém va rendre visite à son ancien compagnon Don césar de Bazan, lequel ignore sa charge de premier ministre, et lui propose un marché : s’il épouse Maritana, il évitera la pendaison et sera fusillé. Qui pourrait refuser ? Don césar de Bazan épouse Maritana, puis est fusillé. On s’occupe alors à apprendre les bonnes manières à la chanteuse de rue.

Enfin le roi va rendre visite à Maritana qui attend le retour de son mari. Comme on aime encore les vieux trucs de l’opéra baroque, il y va déguisé en César de Bazan (pour réclamer son droit d’époux). Maritana n’est pas dupe et ne veut pas de cet homme qu’elle n’aime pas.

César de Brabant réapparaît. Le jeune Lazarille a trafiqué les munitions du peloton d’exécution qui a fusillé à blanc (on connaît un autre opéra où on avait promis de fusiller à blanc et que ce n’était même pas vrai). Il trouve le premier ministre aux pieds de la reine et le tue, parce qu’à l’opéra le meurtre peut être vertueux.

Le roi est dépité, mais en remerciement pour sa loyauté, il rend à César de Bazan son épouse  et en prime la gouvernance de Grenade.

Même si cette œuvre n’a pas la facture des opéras qui firent la gloire du compositeur, elle a les qualités de son talent, une orchestration rutilante, des mélodies de toute beauté, qui empruntent à la tradition populaire et ne manquent pas d’espagnolades, trois ans avant Carmen, de Bizet et treize avant España de Chabrier. Au moins cette œuvre existe en concert cédé, fort bien défendue par une distribution haut du panier, qui a été remaniée, chœur compris, depuis la résurrection scénique de 2016, par le même ensemble sous la direction du même chef.

Laurent Naouri (Don Cesar), Elsa Dreisig (Maritana), Marion Lebègue (Lazarille), Thomas Bettinger (Le roi), Christian Helmer (Don José), Christian Moungounbou (Capitaine de la garde), Ensemble Aedes, Orchestre des Frivolités parisiennes, sous la direction de Mathieu Romano.

 

plume 7 Jean-Marc Warszawski
12 octobre 2020
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