Ce musicien eut le privilège d’être l’élève de Wilhelm Friedemann Bach, puis de son frère Carl Philipp Emanuel, et s’étant trouvé un protecteur en la personne du prince Leopold iii d’Annhalt-Dessau, passa l’essentiel de son existence en Allemagne au service de celui-ci. La postérité lui a réservé un autre privilège, celui de voir son œuvre (essentiellement des sonates pour clavier) défendue et publiée par un éminent musicien qui, pendant la seconde moitié du xixe siècle, s’illustra surtout en dirigeant la publication des œuvres complètes de Bach, et qui n’était autre que son petit-fils Wilhelm.
Dès lors, « on acclama en Rust, au tournant du xxe siècle, un pionnier extraordinaire, anticipant sur Beethoven et Schumann, et on le joua beaucoup… », jusqu’au jour où, ayant mis la main sur les originaux de ces œuvres, on s’aperçut de la supercherie : «… le petit-fils, tout en conservant mélodies et souvent harmonies, avait romantisé la texture, ajouté des mouvements en style romantique, des titres à programmes (Sonata italiana, Sonata erotica), et interpolé des thèmes pour créer des relations motiviques entre les mouvements. Il avait même concocté des commentaires biographiques de son cru, pour accompagner certaines de ses propres inventions. »1
Il fallut donc en rabattre sur le génie prophétique du compositeur. Pour autant, les douze sonates qu’on connaît de lui, qui s’échelonnent sur une trentaine d’années, traduisent un cheminement artistique assez passionnant. « Les premières évoquent parfois Domenico Scarlatti, plus souvent Carl Philipp Emanuel Bach. Les dernières évoluent — comme les ultimes de Haydn et certaines de Clementi, d’ailleurs — dans un univers carrément beethovénien. Il y a en elles une puissance et une vitalité fougueuse, une sensibilité orageuse et passionnée. »2
Preuve que ce Rust avait quelque chose d’un pionnier, il y a dans le lot une certaine sonate en sol majeur « à l’imitation des timbales, du psaltérion et du luth », une vraie curiosité instrumentale qui « nous montre en Rust un bricoleur de timbres et de sonorités, friand d’effets insolites. Un long mode d’emploi explique au lecteur le moyen de tirer de son clavicorde des sons de timbales, de psaltérion, de luth, par exemple en pinçant directement des doigts les cordes, en y faisant des trémolos, en promenant les doigts de la main droite sur les cordes correspondant à un accord tenu par la gauche, en appuyant un doigt à mi-longueur des cordes pour obtenir des harmoniques, etc. On voit que Cowell ou bien Cage ne sont que les rejetons tardifs et trop glorieux de cet ancêtre injustement obscur… »3
Sonate no 11, en fa♯mineur, I. Allegro non troppo, par Seth Carlin (pianoforte).1. Sacre Guy, La musique de piano. Robert Laffont, Paris 1998, p. 2348-2349.
2. Dupart Jean, dans « Diapason » (436), avril 1997.
3. Sacre Guy, op. cit., p. 2353.
Michel Rusquet
12 juin 2019
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