Ignaz Pleyel, portrait attribué à Antoine Vestier (1740–1824).
Le nom de ce Français d’origine autrichienne évoque surtout aujourd’hui la prestigieuse maison de pianos qu’il créa en 1807, et on a peine à imaginer qu’il fut l’un des compositeurs le plus joués et édités (jusqu’en Amérique…) à la fin du XVIIIe siècle.
En fait, ce fils d’instituteur (dont il était le vingt-quatrième enfant) avait autant de dispositions pour la musique que pour les affaires. Il avait fait ses débuts sous la protection du comte Erdödy. Grâce à celui-ci, il fait un long apprentissage (1772-1777) chez Haydn à Esterhaza, puis voyage en Italie.
À partir de 1783, il est en poste à la cathédrale de Strasbourg dont il devient maître de chapelle en titre en 1789. En 1791-1792, il séjourne à Londres où on l’a appelé dans l’espoir de l’opposer à Haydn.
À son retour à Strasbourg, au temps de la Terreur, il va échapper de peu à la guillotine, puis, en 1795, ce sera l’installation à Paris où, avant de se lancer dans la facture de piano, il va ouvrir un magasin de musique et fonder une maison d’édition très active qui, au tournant du siècle, publiera à Paris la première édition complète des quatuors de Haydn. C’est dire qu’il était resté fidèle à son vieux maître.
Hélas, c’est cette même fidélité indéfectible aux schémas hérités de Haydn dont on lui fait grief dans ses propres compositions. « A l’inverse de l’infatigable curiosité du maître, l’élève resta attaché à une seule et unique manière sa vie durant. Ainsi a-t-on pu légitimement lui reprocher ce manque d’audaces, cette vraie faiblesse d’avoir usé toujours des mêmes recettes sans souci d’évoluer. »1
Dès 1787, Burney ne voyait pas les choses autrement, lui qui écrivait : « Si les trésors et les ressources de Pleyel … sont considérables, sa veine reste toujours la même, alors que les veines de Haydn vont dans toutes les directions, baignant tous les styles et toutes les composantes du système musical… »2
On ne saurait mieux marquer les limites d’un compositeur qui, pourtant, possédait un métier admirable et était singulièrement doué, capable notamment de trouver en permanence des motifs pleins d’agrément et de bonne humeur.
Dans l’énorme production qu’il accumula sur une trentaine d’années (entre 1775 et 1805, avec un pic dans ses années strasbourgeoises), et qui comprend quarante et une symphonies, quatorze concertos ou symphonies concertantes et une quantité impressionnante d’œuvres de chambre allant du duo au septuor, on trouve beaucoup plus de musique « propice à la décongestion des neurones » (Jean Hamon) que d’œuvres réellement mémorables. Mozart qui, en 1784, avait apprécié son premier cahier de quatuors au point de les recommander à son père, avait pour une fois fait preuve d’indulgence, car, malgré leur charme et leurs qualités de forme, les œuvres de chambre de Pleyel ne marquent guère les esprits, à l’exception peut-être de quelques trios avec clavier (dont certains furent d’ailleurs attribués à Haydn). Sans doute le trouvera-t-on plus à son avantage dans certaines de ses œuvres concertantes (ses cinq concertos pour violoncelle, notamment, sont parfois comparés à ceux de Haydn et de Boccherini) ou dans diverses symphonies de ses années strasbourgeoises, même s’il y donne souvent l’impression de fabriquer du faux Haydn et, parfois même, de flirter avec le simple plagiat.
« Ce qui est sûr, c’est que Pleyel fit tout pour conquérir le marché en faisant siens les côtés les plus plaisants du style de son maître, et que, grâce à son habileté et à son indéniable talent, il y réussit parfaitement, du moins pendant un certain temps. »3
Ignaz Pleyel, Symphonie concertante pour 2 clarinettes en si♭majeur, I. Allegro, par Sandra Arnold et le Südwestdeutsches Kammerorchester Pforzheim, sous la direction de Sebastian Tewinkel.1. Simon Philippe, dans « Répertoire » 145), avril 2001.
2. Vignal Marc, dans Tranchefort François-René (dir.), « Guide de la musique symphonique », Fayard, Paris 2002, p. 582.
3. Ibid., p. 582.
Michel Rusquet
4 juin 2019
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