Szpirglas Jacques, Dictionnaire des musiciens de la cour d’Henri IV et des maisons princières. « Musicologie (7), Classiques Garnier, Paris 2019 [573 p. ; ISBN 978-2-406-07331-4 ; 68,00 €]
Quand on pense musique autour de l’année 1600, Henri IV règne depuis 11 ans et régnera encore 10 ans, c’est vers Florence et Venise que se tournent les oreilles d’où se prépare la colonisation italienne des cours et des églises européennes. D’autant si on en croit le cardinal Jacques Davy du Perron, « Le roy défunt n’entendoit rien en la musique ni en la poésie et pour cela de son temps il n’y eut personne qui y excellât… », on imagine plutôt ce roi s’occupant plus de sa poule au pot et de ses parties de jambes en l’air dans le bien nommé Jardin du Vert-Galant que de fastes artistiques. Un modèle de vie bourgeoise, avec pour distraction la chanson (la chanson de cour si bien étudiée par Georgie Durosoir) et le luth. En fait Henri iv fut un roi ambitieux, fédérateur et centralisateur de son royaume, voulant faire de Paris le symbole de son pouvoir. Qu’on aime ou pas les arts, la question ne se pose pas à ce niveau, la musique est nécessaire aux fastes de la cour, même si les musicographes ont braqué, pratiquement sans partage, leurs lorgnettes sur la naissance de l’opéra et de la mélodie accompagnée en Italie, alors que la chanson accompagnée au luth se pratiquait à la cour d’Henri iv et autres cours aristocratiques ainsi que chez les bourgeois enrichis qui commencent à se manifester dans les allées du pouvoir.
Ce dictionnaire des musiciens de la cour d’Henri iv est là un excellent outil pour qui a quelque curiosité pour le sujet. Il est entendu qu’il s’agit là d’une collection de notices prosopographiques, dont il serait vain de penser faire une histoire en les mettant bout à bout ou dans tout agencement aussi judicieux qu’il en peut-être. Mais ces objets positifs et factuels qui montrent sont nécessaires pour établir la compréhension, si on veut le récit historique.
C’est d’ailleurs dans un esprit d’histoire sérielle que Jacques Szpirglas a conçu la structure de ses 328 notices (concernant 290 musiciens), qui tenant compte de la documentation disponible, a établi et a suivi un questionnaire cohérent, y intégrant d’ailleurs de manière claire les sources et la transcription des documents : actes d’état civil, notariés, extraits de livres de comptes, témoignages. Ce qui permet, comme l’auteur y invite, à former des chaînes ou regroupements (il en donne quelques exemples en fin d’ouvrage) ou des paysages statistiques.
Pour ce faire, il s’appuie sur des travaux antérieurs, tels entre beaucoup d’autres, ceux de Michel Brenet [Marie Bobillier] sur les musiciens de la Sainte-Chapelle (1904), de Yolande Brossard sur les [actes d’état civil des] musiciens parisiens (1965), continuant Jules Écorcheville (1907), Madeleine Jurgens, sur le minutier central (1968), et en première main, une somme considérable de documents d’archives.
L’intérêt est dans la spécification temporelle et socio-territoriale, mais aussi dans le fait qu’on y documente des personnages absents des ouvrages accessibles, même si évidemment on y retrouve les vedettes du temps telles Eustache du Caurroy ou Louis Guédron, déjà fort bien documentés dans les manuels courants ou autres monographies.
Le feuilletage de l'ouvrage alimentera le lecteur imaginatif et interrogateur, sur la vie d'une chapelle musicale étoffée pour l’apparat liturgique (de nombreux chantres), militaire et de cour, avec ses 22 violons, hautbois, harpistes… Jean-Marc Warszawski
12 juin 2019
ISNN 2269-9910.
Dimanche 29 Septembre, 2024