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—— Jean-Luc Vannier.

Le CALMS : l’art lyrique et musical solidaire

Mikhael Piccone (Baryton). Photographie © Julie Maillot.

Né de l’urgence après le drame de la rue d'Aubagne à Marseille, le Collectif des Artistes Lyriques et Musiciens pour la Solidarité -CALMS- a pour objet la création d'événements lyriques caritatifs et fédérateurs afin de récolter des fonds pour des associations et de sensibiliser la population à de grandes causes sociales ou humanitaires. Initié par le baryton Mikhael Piccone, un concert caritatif a été organisé au théâtre Toursky, le 22 janvier 2019.

La saison solidaire du CALMS 2019/2020 comprend dix concerts, sur Marseille et dans le département des Bouches-du-Rhône. De La Croix-Rouge française aux Restaurants du cœur, de SOS Homophobie aux Petits Frères des Pauvres et à Parole d’enfant, chaque concert met en avant une association au profit d’une grande cause humanitaire ou sociale.

Musicologie a posé une série de questions à son créateur Mikhael Piccone. Mais comme il s’agit d’un Collectif, nous avons aussi recueilli des éléments de réponse des autres artistes engagés dans cette action.

Musicologie : Pour quelles raisons avez-vous conçu ce  « Collectif des artistes lyriques et musiciens pour la solidarité » ?

Mikhael Piccone : Le CALMS est né de l'urgence du drame de la rue d'Aubagne à Marseille et du désir de ne pas rester impuissant face à la détresse de milliers de gens. Trouver grâce à notre art comment remplir notre devoir de citoyen, notre devoir de solidarité, de fraternité. Résultat, un grand concert avec plus d'une centaine d'artistes, un public mobilisé, sensibilisé et 12 000 € reversés à la Croix-Rouge. Puis, devant ce résultat extraordinaire, le désir de poursuivre notre démarche artistique solidaire. Grâce à la culture nous pouvons sensibiliser et fédérer un rassemblement citoyen afin de mettre en lumière des luttes sociales ou humanitaires et des associations.

Angelo Citriniti (ténor) : J'ai intégré ce Collectif parce que je trouve qu’il n'y a pas assez de cohésion parmi les chanteurs lyriques habitués à penser « égoïstement ». Je trouve que le CALMS peut être un bon « collant » entre les artistes pour apprendre à faire un travail d'équipe et pour de nobles raisons.

Lucile Pessey (soprano): Je me suis retrouvée comme beaucoup de gens atterrée par ce qui s’était passé rue d’Aubagne. Lorsque Mikhael m’a parlé d’un concert caritatif, j’y ai répondu immédiatement avec chaleur et soulagement. L’idée qu’il m’a ensuite soumise de continuer l’aventure et donc de créer le CALMS m’a paru comme une évidence.

Orianne Moretti (soprano et metteuse en scène): l’Art est un moyen formidable de communion : dans le sens mettre en « commun ». Dans des situations difficiles comme le drame de la rue d’Aubagne, c’était important pour moi de « mettre en commun » les énergies, pour surmonter la détresse, le désespoir des personnes touchées et avoir la possibilité tous ensemble de se rassembler et d’agir concrètement comme redonner de l’espoir et lever des fonds.

Musicologie : Comment cette équipe « à la ville comme à la scène » s'est-elle constituée?

Mikhael Piccone : Elle est le fruit de rencontres artistiques et humaines entre des personnes portant des valeurs humanistes communes et partageant un engagement citoyen fort. Pour exemple, Luca Lombardo avant de créer le CALMS avec moi venait de fonder une association dont le but était de faire chanter des sans-abris pour leur apporter une heure ou deux d'évasion loin de la difficulté de leur situation.

Lucile Pessey : Le monde de l’art lyrique est un petit monde et nous nous connaissons à peu près tous. Des amitiés nées à la fois de la reconnaissance de nos talents, du partage de la scène, de nos valeurs communes y ont vu le jour. Travailler tous dans un but commun solidaire, citoyen et humaniste (loin des rivalités qu’entraine malheureusement parfois notre métier) est en fait la manière avec laquelle nous aimerions tout le temps travailler.

Orianne Moretti : En tant que metteur en scène, j’ai rencontré Mikhael Piccone en 2016 lors d’une production de L’Elixir d’amour durant le Festival à l’époque itinérant sous chapiteau : Figaro Si Figaro Là en Poitou-Charentes. La distribution présentait de jeunes chanteurs français en début de carrière. Mickael chantait le rôle de Belcore. J’ai eu un plaisir fou à diriger cette distribution et en particulier Mickael, artiste multi-facettes avec un panache rare! Outre nos liens professionnels, j’ai noué une forte amitié avec Mikhael. Étant tous les deux originaires de Marseille, cette ville cosmopolite et surprenante nous a réunis à nouveau lorsque j’ai décidé de revenir y vivre. 

Les représentants des associations, entreprises et théâtres, soutiens du CALMS. Photographie © Franck Girard.

Musicologie : Qu’apportera, selon vous, le CALMS à l'art lyrique et musical au travers des dix projets de la prochaine saison 2019/2020 ?

Mikhael Piccone : Une grande visibilité auprès d'un nouveau public et briser l'idée que l'opéra s'adresse à une « élite ». De plus nos tarifs sont abordables afin de toucher un plus grand nombre. Au travers des associations soutenues, nous sensibilisons à notre art un public ayant généralement un accès difficile à la culture ou le connaissant peu.  Nous créons aussi un nouveau réseau artistique d'échanges et de rencontres qui donne la chance à de jeunes artistes de côtoyer et de se produire auprès d'artistes renommés. Je pense notamment au jeune Rémy Bres et l'orchestre de 3e Cham qui se produiront au côté de Sandrine Piau ). Quelle chance pour eux !

Angelo Citriniti : Je pense que les projets du CALMS ont pour but principal de sensibiliser les gens aux problèmes de la société. Chanter pour une cause donne du sens concret à l'art que l'on exerce: en donnant du plaisir au public on soutient en même temps des associations actives sur le territoire. L'art devient concrètement utile.

Marion Liotard (Pianiste et chef de chant): Le CALMS peut aussi apporter à de jeunes artistes locaux la possibilité de se produire dans des conditions professionnelles (organisations, rémunérations…) en faisant une bonne action : un véritable cercle vertueux !

Lucile Pessey : le CALMS instaure une relation pérenne et confiante entre les associations, les personnes qu’elles aident, le public et les artistes. Nous ne fonctionnons pas par à coup suite à un drame mais avec une volonté tenace et fraternelle. Notre modèle économique permet à la fois de rémunérer les artistes et de donner tout l’argent récolté lors du concert à l’association dont il promeut l’action.

Orianne Moretti : J’apporte modestement ce dont je me sens capable : ma voix, mon jeu d’actrice. La voix lyrique est un outil formidable pour faire s’évader les gens dans des univers dont ils n’ont pas l’habitude. En concert je les vois souvent fermer les yeux. Ils ne sont pas devant un objet comme la TV, ils sont en face d’humains qu’ils sentent respirer, ça change tout : on est ensemble et on vit les choses ensemble lors des concerts. Et je pense que le CALMS va permettre à beaucoup de personnes de découvrir cet art et de s’évader. J’y crois profondément.

Musicologie : Comment les artistes lyriques que vous sollicitez concilient-ils leurs engagements sur des scènes traditionnelles et leur participation à vos concerts caritatifs ?

Mikhael Piccone : C'est un Collectif qui repose sur un choix libre et une implication faite en fonction de ce que l'on peut donner. Les concerts de la saison sont programmés une fois que les artistes ont bouclé leur saison professionnelle et pour le concert des voix solidaires, nous avons choisi ensemble la date afin de pouvoir être le plus nombreux disponible possible.

Davina Kint (Soprano) : Le choix total nous est donné. Nous nous engageons à participer aux concerts et événements proposés par le CALMS en fonction de nos disponibilités. Ainsi, nous pouvons nous consacrer pleinement à la cause défendue en partageant un moment musical et humain particulier. Il faut aussi souligner que l'implication et l'organisation dont font preuve Mikhael Piccone et le Bureau nous aident beaucoup. En tant que membres actifs du CALMS, nous sommes aussi force de proposition.

Programme de la saison 2019 2020 du CALMS. Photographie © DR.

Musicologie : Comment les directeurs d'opéras ont-ils réagi à la création du CALMS?

Mikhael Piccone : Je dois rencontrer Maurice Xiberras prochainement. Il n'y a aucune concurrence entre ce que nous faisons et ce qu'ils font. Nous sommes plutôt complémentaires même. Nous souhaitons que les opéras, maisons mères de notre art, soutiennent et s'associent eux aussi à des projets du CALMS. De beaux projets sont sur la table et nous espérons que les directeurs seront nombreux à nous faire une place. Par l'associatif, nous apportons en outre une dimension caritative.

Musicologie : Avec la Maîtrise des Bouches-du-Rhône et Les Petits Chanteurs de la Major, une place importante est donnée aux voix d'enfants: pour quelles raisons ?

Mikhael Piccone : Les enfants sont l'avenir. Il y a également la classe d'orchestre de la 3e Cham Longchamps qui compte les jeunes instrumentistes du Conservatoire. Notre collectif leur donne une place très importante car nous pensons que pour eux, le fait d’être acteur d'un projet culturel et social les sensibilise à être aussi des citoyens engagés pour le mieux vivre ensemble. Ils sont l'avenir de l'engagement fraternel du CALMS.

Orianne Moretti : « Le monde se meurt par manque d’enfance » disait Georges Bernanos : vive les Enfants!!!

Musicologie : Au-delà de la Cité phocéenne, quelles sont les perspectives, nationales ou internationales, de votre association ?

Mikhael Piccone : Nous nourrissons de beaux espoirs d'un développement national grâce aux artistes qui embrasseront l'étendard solidaire que nous créons. A l'étranger aussi des discussions ont été amorcées. J'ai été reçu au palais Royal de Rabat au Maroc par Monsieur Azoulay et nous avons échangé sur la faisabilité de la création d'un concert des Voix Solidaires au Maroc. C'est un dossier qui me tient à cœur et nous aimerions le rendre possible pour 2021. Je sais que mes amis italiens sont aussi très enthousiastes et souhaiteraient créer un projet CALMS. Des échanges ont également été lancés avec la Bolivie et la Chine. Mais je ne peux rien dire de plus pour le moment. Ce sont des projets que nous développerons sur le long terme.

Musicologie : Pourquoi cet engagement vous tient-il à cœur ?

Mikhael Piccone : Très tôt j'ai eu la notion du devoir de l'engagement citoyen, de l'importance de la transmission et du désir de projet collectif. En 2012, j'avais créé la Troupe lyrique méditerranéenne qui avait pour but d'aider les jeunes artistes à s'intégrer professionnellement puis j'ai été une petite main aux Restos du cœur quelques mois car il est difficile d'être régulier avec la carrière. Le CALMS est pour moi un projet qui permet de tout réunir : la culture, le projet collectif et l'engagement social.

Lucile Pessey : Le CALMS me permet d’avoir l’engagement citoyen que j’ai toujours eu envie d’avoir sans en avoir le temps. Mikhael Piccone m’a permis de concrétiser cela. Grand merci à lui !

Jean-Luc Vannier
13 septembre 2019

 

 

 

 

 

 

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Dimanche 15 Septembre, 2019 8:28