Kanako Abe. Photographie © D. R.
La soirée de ce 37e festival consacré aux musiques savantes d'aujourd'hui (on en compte moins d'une dizaine en France selon le directeur du conservatoire) commence pour l'Orchestre de Caen avec l'ouverture de L'Enlèvement au Sérail de Mozart, mené à la baguette par Kanako Abe dont la grande habitude de la musique contemporaine l'amène à travailler l'orchestre autant comme un lieu de mélodie qu'une matière sonore spatialisée entre les contrebasses, les cuivres, les bois, les cordes et les percussions. Une actualisation qui peut déconcerter.
Michael Ellison. Photographie © D. R.
Ensuite, le triple concerto pour violon, alto, piano, orchestre à cordes et percussions (2017) de Michael Ellison, né en 1969, se présente comme une sorte de diorama en trois plans, les percussions faisant écho au piano par-dessus l'orchestre. Au début, on a un brin l'impression de réentendre des clichés de la musique du xxe avec ses agrégats de notes de piano, ses frottages de cordes, ses effets sériels ou bruitistes, et puis le dynamisme du concerto prend et captive l'auditeur, avec ses phrasés où l'on semble retrouver des réminiscences de l'histoire de la musique classique qui nous reviennent et nous échappent, emportées par les turbulences du compositeur américain. Présent dans la salle du conservatoire et très applaudi.
Silvestre Revueltas. Photographie © D. R.
En second intermède orchestral, une pièce du compositeur mexicain Silvestre Revueltas (1899-1940) Alcancias (1932) inspirée du folklore des tirelires multicolores et des chansons populaires mexicaines mais aussi, on l'entend, de la musique savante de son temps (le Satie d'Entracte, Stravinski, Milhaud, Gershwin) en plus cuivré et rythmé.
Puis le piano, acrobatiquement remis en place au bord de la scène, accueille le compositeur Thierry Pécou (né en 1965) pour son concerto en hommage à Mozart, L'oiseau innumérable (2006) en trois mouvements quasi symétriques, le premier où l'orchestre semble suivre le piano, le second où le long solo de piano se conclut par la réapparition de l'orchestre enfin devant le piano dans le dernier, sur fond de contrebasson. Acrobatique aussi le jeu du pianiste, parfois très répétitif, mais pas seulement, et d'une façon différente du minimalisme américain. Ici les cellules mélodiques ou rythmiques se construisent et se modifient sur la totalité des touches, dans un élan crépitant et syncopé. Quant à l'oiseau mathématique du titre, mon voisin y entend plus les vagues ondulantes d'étourneaux ou les becs primitifs ou préhistoriques que les transcriptions façon Messiaen.
Thierry Pécou. Photographie © André Morelle.
Une bien belle ouverture pour un festival qui dure jusqu'à dimanche avec Thierry Pecou en invité principal mais aussi d'autres compositeurs d'aujourd'hui joués par des grands noms (voir sur le site de l'Orchestre de Caen). Avec un avant concert chaque jour par les élèves du conservatoire, comme ce mercredi en présence de Michael Ellison, avec des petits pianistes doués pour jouer ses Postcards pour piano, ou des plus grandes, remarquables également, pour chanter ses Two songs, ou l'Eurydice de Pécou ou encore en quatuor de vents baroque et percussions, la Canyon Dance 2 de ce dernier en prélude à son opéra-oratorio navajo, Naradsdzaan, qui sera joué, lui, le 2 mai au théâtre de Caen.
Élèves du Conservatoire de Caen, jouant une Canyon Dance de Thierry Pécou. Photographie © Alain Lambert.
Alain Lambert
19 mars 2019
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Mercredi 25 Septembre, 2024