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2 février 2019 —— Alain Lambert.

Cinq galettes jazz pour la chandeleur

Pour passer février, trois trios d'abord, Bex Catherine Romano avec « La belle vie », Das Kapital avec « Vive la France » et le Laurent Dehors trio avec « Moutons ». Aussi Manu Katché à plusieurs voix pour « The scope», et « Aksham » mené par Elina Duni, Marc Perrenoud et David Enhco.

La belle vie La belle vie  (Sunset records 2019) est le premier opus d'un trio qui existe depuis la fin du siècle dernier, le caennais Emmanuel Bex à l'orgue Hammond, l'anglo-belge Philip Catherine à la guitare et l'italo-parisien Aldo Romano à la batterie.  Un hommage certain au magnifique trio Eddy Louis, René Thomas et Kenny Clarke des années soixante. Et une superbe réussite pour ce trio d'aujourd'hui. Trois compositions pour chacun d'eux, trois styles qui s'emmêlent et nous baladent dans leurs lectures, leurs souvenirs ou leurs paysages. On est emporté dès le premier thème, Elsa M., puis la mélodie de La belle vie pour Maurice nous apaise, Tropisme nous balance sur deux notes avant de nous promener Dans la forêt. La musique s'écoule comme la vie, imprévisible et lumineuse, même en décembre ou loin dans le passé. Vingt ans de complicité, ça s'entend !

Un cédé indispensable, à écouter en live le 22 mars à Paris au New Morning.

 

 

Vive la France (Vive la France  (Label Bleu 2019) est le troisième opus du trio Das Kapital en seize ans, après les chansons de Noël et les chants des barricades. Daniel Erdmann est aux saxophones, Hasse Poulsen aux guitares et Edward Perraud à la batterie et à l'électronique. L'ouverture se fait avec Pavane pour une infante défunte de Ravel et se poursuit avec un Rondeau baroque effréné, puis une Gymnopédie de Satie, une Marche turque de Lully, une Arlésienne de Bizet... Tous ces classiques ponctués de nos tubes récents, La mer, Ne me quitte pas, Le temps ne fait rien à l'affaire, Ma plus belle histoire d'amour, Comme d'habitude ou Born to be alive. L'ensemble est relu et arrangé à la sauce Das Kapital pour le plaisir des oreilles et des collisions stylistiques. On ne s'ennuie pas une seconde et on attend chaque morceau avec le frisson de l’inattendu, tout en chantonnant ou sifflotant. 

À écouter en live en février à Maison Alfort, Dijon, Karlsruhe, Frankfurt, Braunschweig et Leer.

MoutonsAvec Moutons (Tous Dehors 2019), le rouennais Laurent Dehors aux deux saxophones et trois clarinettes, plus guimbarde et cornemuse, nous propose treize pièces contemporaines, parfois coécrites avec ses deux comparses : Gabriel Gosse à la guitare sept cordes et Franck Vaillant à la batterie. Plus Solitude de Duke Ellington joué dans les infra-sons. Des brèves ou des longues, selon un morse un brin dada, pour rester dans l'animalier. Car tout commence par Les oiseaux. Les Étoiles nous font aussi tourner les oreilles et les yeux vers le ciel, mais Écoute et Regarde, Attention à tes béquilles... à la tempête et à la vitesse. Habop ! et Cold Brass déménagent pas mal aussi. Mais où sont les moutons ? Sans doute dans l'exploration de l'écume des sons, avec des échos multiples d'un bout à l'autre de cet album étonnant.

À écouter en live au Triton des Lilas le 14 mars.

 

AkshamDans Aksham (Nome 2019), le pianiste suisse Marc Perrenoud, la chanteuse un peu suisse, née à Tirana, Elina Duni et, le trompettiste français David Enhco — deux Victoires du jazz l'an passé en tant qu'artiste et pour son groupe Amazing Keystone Big Band — sont accompagnés par Florent Nisse à la contrebasse et Fred Pasqua à la batterie. Le cédé s'ouvre en beauté sur un texte de James Joyce, XVII, où la voix et la trompette contre-chantent sur les arpèges du piano, on retrouve Joyce plus loin dans  A flower given to my daughter, composé enocore par le pianiste. Verlaine aussi est de la partie, dans Soleil couchant, mis en musique par le trompettiste. Le contrebassiste a composé pour un poème d'Ella Wheeler Whlcox. Quant à la chanteuse à la voix profonde et envoûtée, elle nous offre aussi ses propres textes en français et en anglais.

À écouter en live le 13 avril au Café de la danse à Paris.

 

The ScOpeThe ScOpe (Anteprima 2019) enfin où Manu Katché s'éloigne encore du jazz nordique qu'il a exploré durant des années chez ECM pour revenir à un soul rock électro très chaloupé, avec des invités bien choisis. La kora de Kandia Kouyate ouvre ce bal métissé dans Keep Connexion, avant Glow chanté par le batteur lui même, comme Please Do plus loin. Du vocoder s'impose en intro et en choeur de Vice, scandé par la belle voix de Faada Freddy. Overlooking laisse la part belle à la guitare de Patrick Manouguian, aux claviers ou machines de Elvin Galland, alias Jim Enderson, et à la basse de Jérôme Regard. Du rap aussi avec Jazzy Bazz dans Paris me manque. Retour à la soul grave dans Let Love Rule avec la voix troublante de Jonatha Brooke et un superbe solo de bugle d'Alex Tassel. Goodbye For Now est quasiment floydien, avec sa guitare aérienne, et c'est très bien. Plaisant et dansant.

plume 14 Alain Lambert
2 février 2019


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