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Caen, 7 octobre 2019 —— Alain Lambert.

Cinq cédés jazz pour bien profiter d'octobre

Trois cédés avec piano d'abord, Laurent Dumont, Épris par Coeur, YR trio, Big Rock et Chamber Metropolitan Trio, Tempus Fugit. À paraître le 18 le duo Stephane Belmondo-Sylvain Luc « 2,0 » et le quartet, presque sans piano, du oudiste Hussam Aliwat, Born Now.

Épris par cœur (LD records 2019) est l'oeuvre d'un quartet mené par le pianiste et compositeur Laurent Dumont. Après un opus plutôt funky, Inside, il trouve ici l'esprit d'une musique de chambre libre et improvisée, avec une instrumentation plutôt insolite, le violoncelle de Guillaume Latil, le sax soprano ou la clarinette basse de Maxime Berton, les percussions, et la voix de Natascha Rogers secondée par Axel Truet quand elle chante sur Rêve oublié qui clôt l'album. Le premier thème, Délivrance, donne l'ambiance, d'abord par une intro de piano presque classique, puis l'apparition jazz et énergique de l'ensemble au son diapré. Le Hasard de l'aiguillage commence par un long dialogue piano violoncelle bientôt pulsé par les percussions. Et la suite prolonge cette belle ballade entre mélodies bien balancées et improvisations sereines. Mais ne vous y fiez pas.

À écouter en live le 10 octobre au Sunside à Paris.

 

Big Rock (Klarthe 2019), est l'oeuvre du trio YR, c'est à dire Yvan Robillard  au piano, Fender Rhodes, mini moog, Laurent David à la basse électrique et Eric  Échampard à la batterie. Tout commence acoustique dans Spirit mais assez vite le gros son de basse et la batterie énervée donnent le ton, le trio se prépare à quitter la Terre. « La musique creuse le ciel » disait Baudelaire. Dès le troisième thème, le Rhodes et le synthé prennent le relais. L'attraction du gros caillou sélénite sans doute, les phrases du claviériste s'évadent, propulsées vers l'infini. Sur Space, le tempo ralentit, les étoiles scintillent dans les notes miroitées, avant le retour du piano le temps d'un titre. Puis on entend la voix de Buzz Aldrin avant celle de Coltrane sur une impro autour de Naima. Après avoir frôlé la SpherE lunaire, le retour se fera crescendo pour clore cette belle envolée musicale.

À écouter en live le 10 octobre au Studio de l'Ermitage à Paris.

 

Tempus Fugit (CMT 2019) du Chamber Metropolitan Trio commence par une longue suite consacrée à la fuite du temps et à la disparition des hommes, des savoirs faire, des aciéries et hauts fourneaux de Lorraine, ce qui fonde les racines et la nostalgie. Un trio percutant et virtuose emmené par le pianiste, compositeur et auteur du texte préface au disque (D'une sidérurgie de la musique) Matthieu Roffé, avec Thomas Delor à la batterie et Damien Varaillon à la contrebasse. Plusieurs autres thèmes renvoient par le titre au Japon qui tient à cœur au trio. Waldeinsamkeit sonne romantique dans l'ouverture piano contrebasse à l'archet, avant quelques touches de cymbales et de peaux. En prélude à l'étrange Désordre dans la chaussure. Quant au final, en contraste avec l'ensemble, c'est un ragtime de James P Johnson, Carolina Shout au piano seul. Détonant.

Après une tournée début novembre au Japon, ils seront à Thionville le 13 décembre.

« 2,0 » (Naïve/Believe 2019) du duo Stéphane Belmondo (trompette et bugle) Sylvain Luc (guitares acoustiques et électriques), c'est à la fois les 20 ans d’existence du duo et sa continuité à l'ère numérique. Les deux instrumentistes s'harmonisent totalement, jouant sur la diversité des sons des trompettes et des guitares, des rythmes et des compositions, trois du, premier, le double du second, trois en commun et deux reprises, l'une de Philippe Sarde (Mort d'un pourri) avec le trompettiste à l'accordéon, et l'autre de Stevie Wonder (Ribbon in the Sky). Des morceaux jamais longs (sauf 2.0), mais denses dans leurs arrangements et leurs solos réciproques. Les deux complices y donnent toute leur musicalité toute en couleurs et en nuances. On the same Road finit superbement l'album en forme be-bop, avec un titre qui convient parfaitement au duo.

À écouter en live au festival de Tourcoing le 14 octobre et à Paris au New Morning le 14 novembre.

 

Born Now (Gaya 2019) du oudiste Hussam Aliwat, commence avec un pianiste invité, Ayad Khalifé, pour le premier  morceau éponyme, en quintette donc avec deux violoncellistes, Sary Khalifé, Raphaël Jouan, et un batteur Nicolas Goussot. Mais les accords irisés du piano, très vite recouverts par les autres instruments, s'évanouissent dans une irruption du quartet plutôt métallique, autant par les cordes que par la batterie. Un violoncelle profond introduit Blackbirds, en prélude à l'oud, puis le quartet reprend sa rythmique d'acier sur laquelle se greffent les volutes de luth et de violoncelle. Out of the blue continue sur la lancée. Le piano revient dans The march of the lunatic, avec une ambiance presque classique au début, qui se transforme bien sûr en cours de chemin. Failing of the moon est un dialogue de cordes frottées et pincées. Quant aux arpèges de piano qui ferment le disque, ils sont joués par Hussam Aliwat lui-même. Un très bel album.

À écouter en live le 29 novembre au Café de la danse à Paris.

 

Alain Lambert
7 octobre 2019

 

 

 

 

 

 

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