24 novembre 2018 —— Jean-Marc Warszawski.
Come to my Garden my Sister, my Belover, ensemble Voces Suaves sous la direction de Jörg-Andreas Böttiger, œuvres vocales de Melchior Franck, Johann Hermann Schein, Valentin Haussman, Giovanni Palestrina. Deutsche Harmonia Mundi 20189 (19075849752).
Ensemble vocal à 8 voix solistes spécialisées dans les musiques des xvie et xviie siècles, Voces Suaves ont été créées à Bâle, en 2012, par le baryton Tobias Wickye. Après avoir été dirigé par l’organiste et pianiste Francesco Saverio Pedrini, entre autres répétiteur de la classe d’opéra de la Schola Cantorum Basiliensis, l’institution où l’essentiel des chanteuses et chanteurs de l’ensemble a été formé, Voces Suaves se sont émancipées d'une, direction musicale régulière. Selon, les besoins du répertoire, les huit peuvent s’adjoindre des renforts vocaux et instrumentaux, voire ponctuellement une direction musicale, notamment celle de l’organiste et claveciniste Jörg-Andreas Bötticher.
Voces Suaves ont acquis une renommée internationale, particulièrement en Suisse, Belgique, Allemagne et Italie. Pour leur cinquième cédé, elles chantent l’amour du tout début xviie siècle en mettant en miroir les œuvres de Melchior Franck (1579-1639) et celles de Johann Hermann Schein (1586-1630), deux compositeurs germaniques du Nord caressés d’italianisme, ayant abondamment contribué à la musique vocale liturgique réformée, mais aussi à la musique profane de circonstance, le premier étant descendu de Zittau à la cour de Sachsen-Coburg, entre Bavière et Thuringe, le second étant monté de Grünhain à Weimar puis à Leipzig, où il fut maître de chapelle à la fameuse Thomaskirche, charge que Johann Sebastian Bach occupera un siècle plus tard.
Pour ce qui concerne Melchior Franck, il s’agit d’amours 1600 venues du ive siècle avant notre ère, puisque Voces Suaves présentent ici des mises en musique de poèmes du Cantique des Cantiques, chansons d'amour entre hommes et femmes, qui ont donné quelque fil à retorde à la théologie au regard de l’érotisme évident de certains passages (qui donnent sens au reste). Mais comment condamner un passage biblique, qui plus est traduit par Luther sous le titre de Chant de Salomon ? Les théologiens ont donc décidé que c’était là le symbole de l’amour du Christ et de l’Église (quatre siècles avant notre ère), au pire l’amour entre époux légitimes.
Il n’y a pas grande différence entre musique profane et musique liturgique, ce sont les mêmes compositeurs qui troussent les unes et les autres.
Ce disque bien enregistré met en valeur un très beau, sinon, magnifique tissu sonore vocal contrebalancé par un orchestre un peu plus anguleux, ou qui ne joue pas spécialement sur la rondeur, on peut ressentir à première écoute au long du programme un sentiment de monotonie. Mais les paroles, qu’on ne comprend pas nécessairement à l’écoute, ont en raison des figuralismes (la mise en théâtre des mots) leur importance. Malheureusement le livret joint au cédé, avec les traductions des poésies, est seulement en allemand et en anglais, mais on le trouve avec le français dans le web. Là, effectivement, en suivant les textes, des détails apparaissent et rompent cette première sensation de monotonie, une invitation à débusquer les madrigalismes qui codent en partie ces musiques.
Ce cédé comprend également une chanson de Valentin Haussmann (1560-1614) et trois intermèdes aux instruments dont deux de Giovanni Palestrina.
Melchior Franck, Das Hohelied Salomos : « Siehe meine Freundin », Voces Suaves. Jean-Marc Warszawski
24 novembre 2018
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