Joseph Haydn, Per il cembalo solo, pièces pour clavecin de Joseph Haydn, Pierre Gallon (clavecin). Encelade 2017 (ECL 1701).
Enregistré du 31 janvier au 2 février 2017 à l'abbaye de Royaumont.
Pierre Gallon dit en avoir pincé le clavecin très jeune. Il est passé depuis par le Conservatoire national supérieur de Paris, dans les classes d’Olivier Beaumont et de Blandine Rannou, sans avoir trahi son amour d’enfance. Il développe une carrière de récitaliste sur les estrades françaises et au-delà celles de Pologne ou d’Italie, se joint à des ensembles de musique ancienne ; Les musiciens de Saint-Julien, Le poème harmonique, Pygmalion, etc. En 2014, il a enregistré avec Freddy Eichelberger (claviers) et Thomas Dunford (luth) des airs de Pierre Attaingnant (1494-1552) pour les disques Encelade.
Il a eu cette fois l’idée d’enregistrer des œuvres de Joseph Haydn. Il n’est pas le premier à y avoir pensé et à l’avoir fait, mais c’est une bonne idée qui est excellemment réalisée.
Jouer Haydn au piano est une évidence, parce que c’est le style classique viennois, qu’il forme avec Mozart et Beethoven la trinité artistique la plus extraordinaire des extraordinaires, qu’il représente donc la modernité, les Lumières, la rupture, le piano de la bourgeoisie conquérante d’avenir contre le clavecin de l’aristocratie d’Ancien Monde.
Pourtant, à l’époque de Haydn qui fut aussi longue qu’il mourut âgé, les dés étaient jetés, mais les jeux n’étaient pas encore faits, le clavecin au point et le piano balbutiant de bricolages. On fabrique sérieusement des pianos depuis les années 1740, Johann Christian Bach en donne à Londres un des premiers récitals publics en 1768, Haydn est alors âgé de trente-six ans. Piano ou clavecin n’est pas qu’un choix d’esthétique, il est aussi commercial, la vente des partitions dépend du parc instrumental des particuliers. D’un autre côté, les belles pages de musique dépendent quant à elles de la familiarité des compositeurs avec les instruments tant de la technique que de la sonorité.
On est dans un moment de cohabitation des deux instruments, avec la montée en puissance de l’un et la perte d’intérêt pour l’autre. Mais pour Haydn, le clavier c’est le clavecin. Il compose certainement les dernières grandes pages de musique destinée à l’instrument.
En réalité, c’est le romantisme, pas le classicisme, qui a mis le monde et les petites filles au piano, avec ses canons esthétiques (et techniques), qui ne manquent pas, il est vrai, de beautés et d’une littérature en surabondance de chefs-d’œuvre. Mais les œuvres pour clavecin de Joseph Haydn jouées au clavecin ont une saveur particulière de modernité, de luminosité, d’allant, de joyeuseté, de légèreté, assez inhabituelle.
CQFD.
1-4. Partita Hob XVI:6, « Divertimento per il cembalo ».
5. Geistlisches Lied (Hob XXVIa:17)
6-8. Sonata per Clavicembalo, Hob XVI:27
9. Minna (Hob XXVIa:23)
10-12. Divertimento Hob XVI:12
13-15. Sonata per cembalo, Hob XVI:24 (opus 13), « a Principe Niccolo Esterhâzy »
16. Capricio per cembalo, Hob XVII:1 « Acht Sauschneider müssen seyn ».
17. Auf meines Vaters Grab, Hob XXVIa:24.
Jean-Marc Warszawski
24 janvier 2018
Jean-Marc Warszawski, ses derniers articles : Une journée Schubert à Maastricht — Schubert, Janequin, Sermisy, à voix d'hommes — Les variations Goldberg par Jean Muller — Helmut Lachenman et les années de plomb, par Laurent Feneyrou — Le clavecin verni et peint comme une tabatière de Claude Balbastre par Christophe Rousset — Les Trios élégiaques de Rachmaninov par Alan Ball, Bernard Mathern, Élisabeth Beaussier — Le jeune Debussy par le pianiste Matteo Fossi — L'inventaire sans histoire des orgues de l'Orléanais — Tous les articles de Jean-Marc Warszawski
Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil ☎ 06 06 61 73 41
ISNN 2269-9910
© musicologie.org 2017
Lundi 29 Janvier, 2018 15:01