Le Petit Label, à Caen, cent disques à ce jour, est un modèle reconnu de tous les médias du jazz. Quatorze ans à « écouter l'inaudible » ou l'inouï ou l'inentendu... Au départ, « 4 », un cédé d'hommage à un jeune musicien disparu, le guitariste Jean François Colson, puis après quelques autres, la possibilité de faire les pochettes en sérigraphie grâce à l'atelier associatif L'Encrage. De manière à promouvoir toutes les musiques improvisées sans sectarisme, avec des musiciens de la région, ou d'ailleurs... Mais la 13e année fut très difficile, à la limite du dépôt de bilan. 2018 s'annonce sous de meilleurs auspices donc.
Avec aujourd'hui cinq collections : Kraft pour le jazz, Bleue pour le son et l'improvisé, Blanche pour la poésie en musique, Rouge pour le free, et toute nouvelle, Noire pour le field recording et les bruits, avec deux cédés parus, Marche arrière et Radio Charette de Terminal Sauvage, une pièce radiophonique parlée et bruitée.
Dans Marche arrière (PL bruits 01), des bruits de la ville de Caen, de la campagne alentour, du port de Ouistreham donnent naissance à ce cédé original. Enregistrés par Thibault Jehanne et Nicolas Talbot et alternant avec des pièces composées par Basile Chassaing, Friches et Prières, jouées par Chistiane Bopp au trombone et Hélène Breschand à la harpe et voix, deux musiciennes qu'on retrouve avec Nicolas Talbot sur une troisième pièce, Marché. Une longue balade sonore en plein air.
Deux Ana Kap, un double album quasiment, enregistrés au même moment. Dans le premier, Topinambour du futur (PL kraft 55), le trio improbable, Manuel Decocq, violon et chant, Pierre Millet, cornet long, chant et autres objets, Jean Michel Trotoux, accordéon, clarinette et chant, se suffit à lui-même avec des compos de chacun des trois, sauf deux de Dzijan Emin. Ça valse, ça flûte, ça glousse, ça murmure, ça siffle, ça fanfare et ça musette, ça chante aussi et ça étincelle pas mal, entre l'est et l'ouest.
Sur La gazette de Libór (PL kraft 56), on retrouve d'ailleurs Dzijan Emin aux claviers sur trois morceaux, et un quatuor à cordes sur un autre, Chien de paille, tous de Pierre Millet sur l'ensemble de l'album. Une ambiance plus instrumentale donc, plus méditative, un peu plus jazz peut-être. Le clavier comme le quatuor s’adjoignent parfaitement à l'univers du trio et l'amplifient. Ce 2e cédé présente une autre facette du trio, plus sombre et plus grave, avec des titres toujours aussi énigmatiques pour la plupart.
La raison du moins fort du Moebius Ring Trio (PL kraft 57), encore un trio, mais d'autres timbres : Pascal Mabit au sax alto et compositions, Kevin Lucchetti à la batterie et Emmanuel Forster à la contrebasse. Un trio jazz à la fois classique et innovant, sans piano ni guitare, où le son soufflé est mis en valeur par la gravité palpitante des cordes, des peaux et des métaux. Un alliage superbement rendu par la prise de son équilibrée. Un bel ensemble exigeant à redécouvrir à chaque nouvelle écoute.
Disponible et à écouter sur le site du PL
Alain Lambert
22 mars 2018
Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41.
ISNN 2269-9910.
Mardi 19 Novembre, 2024