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Monaco, 15 novembre 2018 —— Jean-Luc Vannier.

L’intimisme de Youn Sun Nah et les improvisations de Bobby McFerrin ovationnés au Monte-Carlo Jazz Festival

Youn Sun Nah. Photographie © Philip Ducap.

Pour sa 13e édition, le Monte-Carlo Jazz Festival, placé depuis sa création en 2006 sous le haut patronage de S.A.S. Le Prince Souverain Albert II, consacre la philosophie bien ancrée de Jean-René Palacio : « esprit d’ouverture à tous les courants musicaux laissant toujours place à la tradition, s’inspirant de toutes les musiques du monde et faisant la part belle à la création ». Le Directeur artistique de Monte-Carlo Société des Bains de Mer présentait d’ailleurs lui-même, mercredi 14 novembre salle Garnier, les deux stars de la soirée : la chanteuse sud-coréenne Youn Sun Nah et, en deuxième partie, Bobby McFerrin.

Youn Sun Nah. Photographie © Philip Ducap.

Après sa dernière tournée en Europe qui l’avait notamment menée à Caen où notre confrère Alain Lambert l’avait entendue, la chanteuse de jazz originaire de Séoul a publié en 2017 son dernier album She moves on chez Act. Entourée de Frank Woeste au piano et à l’orgue, dont il sait jouer les deux à la fois, de Brad Christopher Jones à la contrebasse, de Dan Rieser à la batterie et de Tomek Miernowski à la guitare, celle qui a grandi dans une famille où primait la voix — le père était chef de chœur et la mère actrice musicale — a rendu hommage aux grands songwriters américains. Youn Sun Nah possède un registre vocal étonnamment varié : de son premier titre aux tonalités et accents linguistiques susurrés et à même de donner le sentiment d’être inspirés par sa langue maternelle, elle passe, avec le second, des aigus les plus vertigineux aux graves les plus abyssaux afin d’honorer la mémoire de Jimi Hendrix : morceau ponctué par une échappée mémorable de la guitare électrique de Tomek Miernowski. Sur une composition du guitariste suédois Ulf Wakenius qui contribua à son succès, elle se lance ensuite avec « Ultimo Magico » dans un fulgurant scat particulièrement applaudi. L’intensité de sa concentration comme en témoigne par exemple son « A sailor’s life » tiré de son nouvel album, sa capacité subséquente à séduire l’auditoire, à le faire plonger avec délice dans son univers le plus intimiste, le plus à vif, ne laissent de nous impressionner. Tout comme son aptitude à  surprendre l’audience, tout en l’y associant, par ses plaintes  rauques, par ses cris stridents, mais aussi par sa puissante et chaude mélancolie vocale notamment lorsqu’elle interprète « Avec le temps » de Léo Ferré, un moment des plus émouvants. Autant de qualités qui ne l’empêchent nullement de gratifier ses instrumentistes vers lesquels elle se tourne à chaque exécution de leur solo. Une fois sa chanson terminée — et ce n’est pas là la moindre de nos surprises — elle reprend une voix de toute petite fille, presque implorante : nous la croyons plus d’une fois émue jusqu’aux larmes dans les remerciements chaleureux qu’elle adresse au public enthousiaste. Et qui lui réservera une ovation debout à la fin de sa prestation.

Joe Blake, Dave Worm, Bobby McFerrin, Rhiannon et Judy Vinar. Photographie © Philip Ducap.

L’intimisme demeure en seconde partie avec l’entrée sur scène et sous les acclamations, de Bobby McFerrin. Le lauréat de dix Grammies, auteur en 1988 du célébrissime « Don’t Worry Be Happy », se lance, entouré de quatre admirables acolytes (Joe Blake, Dave Worm, Rhiannon et Judy Vinar), dans une suite ininterrompue d’improvisations a cappella et ce, afin de reproduire toute une orchestration par les seules voix. Il suffit d’ailleurs, étrange impression sous les lambris dorés de l’opéra de Monte-Carlo, de quitter la scène des yeux pour imaginer, sans aucun effort, la présence de plusieurs musiciens sur scène.

Joe Blake, Dave Worm, Bobby McFerrin, Rhiannon et Judy Vinar. Photographie © Philip Ducap.

Nonobstant l’âge respectable de tous ces performers, la souplesse de leur balancement corporel, leur entrain phonique, leur jovialité complice donnent à ce jazz band inattendu, un petit côté « Buena Vista Social Club ». Force est pourtant de constater l’incroyable richesse rythmique, la polyvalence créative, la force suggestive et singulièrement entraînante de ces polyphonies. Il était d’autant plus difficile aux spectateurs de résister à la contagion de ces envoutantes mélopées que Bobby McFerrin a prié la salle de l’accompagner par toutes sortes d’onomatopées. Qu’importe la signification de ce « We sing » d’ensemble, l’important n’est-il pas le bonheur d’y prendre une part active ? Et cette joyeuse assemblée de terminer, forcément, sur une reprise arrangée mais tout aussi enjouée et heureuse de « Dont Worry Be Happy » !

 

Monaco, le 15 novembre 2018
Jean-Luc Vannier

 

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Jeudi 15 Novembre, 2018 22:56