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4 décembre 2018 — Jean-Marc Warszawski.

Concerts et hommages musicaux à la cathédrale Saint-Louis des Invalides de Paris

Arie VanBeek, cathédrale des Invalides, 27 novembre 2018.

Le musée des armées, caserné à l’hôtel des Invalides de Paris, offre en plus de ses collections permanentes et expositions temporaires une saison musicale remarquable dans les très beaux lieux  que sont le Grand Salon et la Cathédrale Saint-Louis, à raison de cinq à sept concerts par mois, concerts parfois couplés à des commémorations maison.

Le 27 novembre la cathédrale accueillait l’orchestre de Picardie, depuis peu promu orchestre national, sous la direction de son directeur musical depuis 2011, Arie VanBeek, passé des percussions à la baguette de chef d’orchestre, notamment à l’orchestre d’Auvergne de 1994 à 2010.

Deux célèbres et grandes œuvres du répertoire étaient au programme : le concerto pour violon en re majeur (opus 61) de Ludwig van Beethoven, et la sixième symphonie, la « petite en  ut » de Franz Schubert.

On a beau en avoir les oreilles rebattues, le concerto en re, au thème tout aussi entêté qu’entêtant, est une magnifique œuvre, bourrée d’inventions dans l’art de concerter et dans celui de construire et mener les mélodies. Le soliste Yossif Ivanov, belge comme son nom l’indique, formé à la très bonne école de violon de son pays, est un soliste bien établi sur les scènes de la planète. Un peu cliché de magazine de mode dans son complet gris étriqué, barbe travaillée, la coiffure maîtrisée par un ou deux tubes de gel, il est un violoniste éblouissant et assuré. Il exécute la grande cadence du premier mouvement en doubles et triples notes dans un silence total, seule la réverbération modérée de la cathédrale ose chuchoter, le public est totalement absorbé.

Yossif Ivanov, cathédrale Saint-Louis des Invalides, 27 novembre 2018.

La seconde pièce permet de se concentrer sur l’excellent orchestre de Picardie, mais avec un petit flottement au départ pour ce qui nous concerne, puisque le programme attribue la sixième symphonie à Piotr Illich Tchaïkovski et qu’arrivé un peu en retard, nous n’avons pas entendu le rectificatif lors de la présentation. La « petite en ut » de Schubert est moins pathétique  que « La pathétique » de Tchaïkovski, elle a quelque chose de militaire, qui va bien au lieu, peut-être en raison des coups de tutti et sonneries de cuivres qui semblent de proche en proche bloquer le flux pastoral.

Salut au drapeau polonais. Cathédrale Saint-Louis des Invalides, 2 décembre 2018.

Le 2 décembre, de nouveau dans la cathédrale Saint-Louis, toutes les institutions polonaises de Paris organisaient une commémoration musicale de la seconde indépendance de la Pologne issue de la Première Guerre mondiale. La diaspora polonaise qui a élu Paris capitale de l’exil après l’insurrection de Varsovie de 1830, était en nombre, souvent sur son trente-et-un, robes du soir et col cassé-nœud papillon, une influence qui a quelque peu désorganisé et retardé l’accueil des spectateurs, d’autant qu’un dispositif policier, en raison des personnalités présentes, dont le président du sénat polonais, ont remplacé l’accueil toujours impeccable, aux grilles des Invalides.

L’orchestre Pasdeloup, dont la directrice musicale est Cécile Brey, était dirigé pour l’occasion par Monika Wolińska, qui se révèle particulièrement brillante de musique et d’humanité, au moins à la tête d’un personnel musical et vocal, solistes et chœurs,  d’une telle qualité.

Après un discours d’usage en français et en polonais sur les relations historiques entre la France et la Pologne, un salut au drapeau assuré par un tambour-major et trois autres militaires polonais, un couplet orchestral de la Warszawianka, l’hymne des rebelles de 1830, un poème du français Casimir Delavigne mis en musique par Karol Kurpiński (1784-1857), on en vient au programme musical.

Le pianiste Janusz Olejniczak. Cathédrale Saint-Louis des invalides, 2 décembre 2018.

Bien entendu la Grande fantaisie sur des airs polonais, opus 13, de Frédéric Chopin, avec au piano Janusz Olejniczak, une célébrité polonaise d’autant plus célèbre qu’elle a prêté ses mains et ses interprétations à des films comme La note bleue, d’Andrzej Żuławski ou Le pianiste, de Roman Polanski.

Puis de nouveau le patriote Karol Kurpiński dont une messe a récemment été retrouvée dans une vente aux enchères à New York, rendue ici dans une orchestration rutilante du compositeur belge Jacques Alphonse de Zeegant, donnant à l’œuvre une résonnance plus hollywoodienne que varsovienne ou cracovienne. Mais cela est fort bien fait, efficace, Monika Wolińska est parfaitement rodée à la direction de chœur, et de beaux moments recueillis, comme le Credo, parsèment le parcours. Philippe Brandeis est à l’orgue, on apprécie la belle brochette de solistes : Kinga Borowska (mezzo-soprano), Ana Camelia Stefanescu (soprano), Maciej Kwaśnikowski (ténor), Jean Delobel (basse)  que les amateurs d’art lyrique connaissent, et l’ensemble vocal de l’abbaye de la Cambre (Bruxelles). Pourquoi n’avoir pas gardé la version originale à quatre voix et orgue ?

De beaux moments orchestraux avec la Polonez de Jerzy Maksymiuk, aujourd’hui âgé de 82 ans, puis son orchestration d’un nocturne du pianiste Ignacy Jan Paderewski (1860-1941), patriote qui fut chef du gouvernement polonais en 1919.

Monika Wolińska, cathédrale Saint-Louis des Invalides, 2 décembre 2018.

Puis pièce maîtresse, Le chemin des Dames, sur un poème de Marguerite de Werszowezc Rey, de Jacques Alphonse de Zeegant, créé à la cathédrale de Laon le 30 août 2014. On y retrouve la mezzo Kinga Borowska, qui voici 10 ans faisait ses débuts Grand Théâtre de Łódź dans le rôle de Marcelina des Noces de Figaro, de Mozart, et l’ensemble vocal de l’abbaye de la Cambre renforcé par l’inoxydable et formidable chœur Vittoria d’île de France (ex d’Argenteuil). Entre complaintes et emphases paroxysmiques (la chanson de Craonne y est incluse, un bon point), on retrouve la rutilance hollywoodienne.

Un très bon programme tout public.

Avec le recul on se demande si musicalement il ne s’agit pas plus d’un hommage au compositeur Jacques Alphonse de Zeegant qu’à l’indépendance de la Pologne qui ne manque pas de compositeurs passés et actuels de premier plan. Peut-être aurait-il été judicieux d’évoquer, avant le soulèvement de 1830,  l’histoire chantée de Julian Ursyn Niemcewicz (1758-1841). En effet, si la Pologne n’avait connu l’indépendance que sous le règne des Jagellon après la victoire sur l’armée teutonique en 1410,  il y avait tout de même une vie culturelle autochtone. C’est ainsi qu’en 1800 une Société des amis des sciences a été constituée pour mettre en valeur ce patrimoine.  Elle lance le projet d’une grande histoire nationale confiée à divers auteurs, qui stagnera, sauf cette Histoire chantée, commencée en 1810  et publiée en 1816, qui fut un succès et se retrouva sur tous les pianos. De nombreux compositeurs y ont mis les textes en musique (piano et voix), dont Karol Kurpiński, Maria Szymanowska (pour 4 pièces), Franciszek Lessel, Cecylja Beydal, Laura Potocka, etc.

Jacques Alphonse de Zeegant et Marguerite de Werszowezc Rey. Cathédrale Saint-Louis des Invalides, 2 décembre 2018.

 

Jean-Marc Warszawski
4 décembre 2018

 

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bouquetin

Mercredi 5 Décembre, 2018 2:50