Ludovic Beier à Jazz sous les pommiers, 2018. Photographie © Gérard Boisnel.
Mon premier est un trio solo français, autour du petit accordéon de Ludovic Beier, virtuose incontestable qui connaît toutes les musiques et s'amuse comme un fou sur son clavier à boutons, sans jamais nous ennuyer, passant d'un thème de Police à Nino Rota ou à Horace Silver. Sans oublier les siens dont un très bel hommage à Toot Thielemans sur son accordina (mini accordéon à bouche) qui sonne comme l'harmonica chromatique du maître belge. Le rôle de Philippe Doudou Cuillerier à la guitare rythmique et Antonio Licusati à la contrebasse est vraiment d'accompagner, de manière souple et puissante, même si le premier montre qu'il sait aussi improviser sur ses quatre cordes, et si le second nous offre une chanson manouche et un standard joliment scatté en final.
Jan Lundgren, Sylvain Luc, Richard Galliano, Paolo Fresu à Jazz sous les pommiers, 2018. Photographie © Gérard Boisnel.
Mon second, Mare Nostrum, est un super trio européen de trois solistes de haut niveau, le Suédois Jan Lundgren au piano, le Français Richard Galliano à l'accordéon et l'Italien Paolo Fresu à la trompette et au bugle. Leur grande complicité, le choix alterné des thèmes des uns et des autres, le partage des arrangements, des improvisations et les interludes en duos leur permettent de jouer bien ensemble, même si leurs mers, du nord ou méditerranée, ont des noms différents. Entre les thèmes plus folks du Suédois, plus musettes du Français et plus jazz de l'Italien, une mélancolie commune se crée qui se surpasse bien vite dans les échanges joyeux et fulgurants. Et c'est à quatre qu'ils terminent, toujours dans ce même esprit, avec le guitariste Sylvain Luc, sur Que reste-il de nos amours de Trenet. Un superbe concert qui a failli ne pas se dérouler, le trompettiste étant arrivé cinq minutes avant le début du concert à cause des problèmes de transport.
Akutuk à Jazz sous les pommiers 2018. Photographie © Alain Lambert.
Mon troisième se joue dans un lieu inhabituel, le bassin peu profond de la piscine, un « trieau » franco-camerounais composé de Loïs Zongo, Marie-Thérèse Atem et Odile Barbier, aux percussions akutuk, aux voix et aux flûtes à eau (des boites de conserve sur lesquelles sont insérés des tuyaux de différentes longueurs qu'il suffit d'enfoncer dans l'eau pour créer du son). L'akutuk - [akoutouk] et non aquatouk comme l'a annoncé le présentateur sans vraiment se tromper – est une forme de percussion aquatique inventée par les femmes du Cameroun pour célébrer les esprits des rivières. Nos trois musiciennes en ont fait un numéro étonnant et réjouissant, créé ici à JSLP, mêlant jeux d'eau, jeux de rythmes, jeux vocaux traditionnels, le tout sans amplification, ce qui en fait un spectacle très physique et fascinant. Ne les manquez pas quand elles passeront par chez vous.
À suivre encore jusqu'à samedi de nombreux concerts pas toujours complets, comme Kamasi Washington, China Moses, Stanley Clarke, Daïda, Anne Paceo... à vérifier sur le site de JSLP.
Ce mardi le pianiste Jan Lundgren félicitait Coutances d'avoir un si grand festival dans une si petite ville (traduction approximative de l'anglais). À noter pourtant à propos de la grande salle de sport Marcel Hélie où nous sommes restés trois heures pour les deux premiers trios : d'abord sa qualité acoustique, et les jeux de lumière qui la transforment en une salle de concert très correcte, mais aussi l'absence de moyens pour mieux la ventiler, car la chaleur en mai y est souvent suffocante.
Alain Lambert
8 mai 2018
Alain Lambert : alain@musicologie.org : Pierre Diaz et Gilles Dalbis (9 Pièces pour duo), Séisme (Jishin) : two free or not too free ! — Pierre Marcus 4tet (Pyrodance), Daïda 5tet (La légende de Daïdarabotchi), Thomas Bramerie (Side Stories) : trois jazz d'aujourd'hui — Mes souliers sont rouges : un retour musical en grande pompe ! — Varèse, Feldmann et Beethoven par l'Orchestre de Caen dirigé par Nicolas Simon : un concert venté, boisé et campagnard — Quarteto Gardel, Florent Gac 6tet, Kurt Elling : une Nuit du jazz printanière — Plus sur Alain Lambert, tous ses articles.
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Jeudi 10 Mai, 2018 11:21