jeudi 19 juillet  juin 2018 —— La rédaction.
2e biennale internationale d'études sur la chanson 
2- 6 avril 2019, Aix Marseille Université / Université  Lyon 2
Le réseau de recherches les Ondes du monde (lesondesdumonde.fr),né à l'université d'Aix-Marseille  et regroupant par une Convention  de recherche dix universités européennes, dont  se  sont rapprochés de nombreux autres chercheurs, a lancé en 2017 le principe  d’une « Biennale  internationale d’études sur la Chanson ». La première édition s'est déroulée sur 5 journées  en septembre 2017 à Aix-en-Provence (AMU, Conservatoire, Sacem) et à Marseille  (MUCEM) puis dans les  Hauts-de-France, au Musée du Louvre-Lens. Elle était organisée par AMU (à  l'initiative des trois laboratoires CAER, CIELAM, LESA) et par trois universités partenaires : Lille, Valenciennes, Amiens. Elle a permis de dresser une « Cartographie de la chanson contemporaine ». Après le succès de ce premier colloque international, dont les actes seront publiés en 2019 aux PUP, nous proposons de consolider cette initiative permettant de fédérer les travaux sur la Chanson, conformément au cahier des charges prévu par un soutien d’AMidex dans le cadre de la « Pépinière d’excellence », par une deuxième Biennale, en conservant le principe de l’organisation en partenariat avec une autre université. L’événement sera cette fois co-organisé par AMU (porteur de projet : Perle Abbrugiati du CAER, en collaboration avec Joël July du CIELAM et Jean-Marie Jacono du LESA) et par l’Université Lumière Lyon 2 (porteur  de projet : Céline Chabot-Canet de Passages XX-XXI). On examinera toutes les ambiguïtés et équivoques du genre Chanson, pour montrer non pas la faiblesse mais la complexité  de ce genre que la musique place à mi-chemin  entre le poétique et le populaire.
Du malentendu dans la chanson
Le titre de ce colloque pourrait paraître paradoxal pour un genre oratoire et prétendument simple comme la chanson, et relever du calembour. Pourtant  nous pensons que plus qu'un autre genre, la chanson,  qui ne laisse jamais assez de temps à l'auditeur1, en proposant  un air qui couvre, distend ou distancie le texte, en imposant une mise en voix non conventionnelle, artistique, et  surtout   en se coulant dans notre vie quotidienne parfois insidieusement ou aléatoirement, court le risque de n'être pas bien entendue. Mais est-ce réellement un risque ? N'est-ce  pas aussi une chance qu'elle assume et/ou recherche ? Le défaut d'ajustement, les conditions d'écoute, la durée très maîtrisée  font quasiment partie de son cahier des charges et elle doit jouer avec cela.  Il sera certainement difficile  de systématiquement démêler si le malentendu est prévu à la création (avant ou pendant la réalisation du chant) ou s'il se forge à la réception (pendant et après le chant) ; aussi envisagerons-nous un spectre large qui pourrait inclure tout ce qui relèverait, sans position axiologique, de l'accident, du hasard, de la faille, de la surprise ou de l'incompréhension ; de l'erreur involontaire ou tolérée qui devient créative à l'ambiguïté naturelle ou volontaire qui devient poétique...
Dans la vie courante, le malentendu est source de retard,  d'agacement et de conflit : il illustre  le tragique de notre quotidien. En chanson,  genre simple en première analyse qui cherche la communication universelle, et qui pourtant se prête à bien des complexités, ce malentendu doit être réévalué car il s'agit certainement moins de mal entendre que d'entendre autrement.
Équivoque et meprise : des hasards  fertiles
Le contexte d'interprétation ou de diffusion peut dégager de nouveaux sens dans une chanson. Il peut aussi agir (plus ou moins volontairement) sur l’œuvre,  à la faveur d'erreurs  de perception, d'interprétation, de destination, de traduction, etc. L'entente délicate et les contraintes deviennent des sortes de hasards productifs.  On pourra étudier les cas suivants :
- Les conditions d'écoute et de réception rendent la perception difficile ou erronée et pourtant  celle-ci, distraite et entravée, favorise, par une insinuation presque inconsciente, la magie de l'instant chansonnier.
 
- Le classement catégoriel, un certain usage de la sectorisation des productions trompent l'attente et l'oreille. Il se met en place une friction  entre le texte, tel qu'il est prévu, et la chanson  dans son intégralité2 et son impact : les chansons à texte devenues chansons à succès3, les chansons faites par provocation devenues des tubes4, les chansons simples anoblies par le temps (ou par d'autres facteurs historiques, esthétiques), les chansons tristes qui paraissent gaies5, les chansons  gaies, anecdotiques ou sentimentales devenues des chansons politiques ou des hymnes6. 
 
- L’erreur fertile7 à tous les niveaux  de la création  et notamment dans le clinamen de l’auteur-compositeur : petits  hasards, grands effets...
 
- La traduction de chanson et le changement de public favorisent variantes, approximations, détournements et réappropriations. 
 
- La commercialisation, la mise en spectacle8 ou l'exploitation intertextuelle et/ou intermusicale ajoutent des accidents à l’œuvre écrite et prévue.
 
- Le rapport pourra parfois être jugé conflictuel entre texte et musique, aussi bien dans la structure  de  la  chanson  que   par  son   interprétation  (voix, orchestration, sonorisation, mise en espace, mise en images).
 
Ambiguite et paradoxe : des sources  creatives
Parfois, le malentendu est prévu et programmé à la création.  Toutefois, on limitera la portée du terme « ambiguïté », qui est une condition même de la perspective littéraire et artistique d'une œuvre, aux cas où cette ambiguïté provient de la structure  même de la chanson,  de sa brièveté, de son intermédialité9, de son popularisme10, de sa charge ludique, de son interprétation ou de sa mise en musique. Pourront être envisagées les catégories suivantes :
- Erreur tolérée, voire recherchée, des chanteurs « qui chantent  trop fort, trop bas, trop faux » et rendent néanmoins leur faiblesse créative. On examinera la faille assumée ou feinte dans l'interprétation vocale : timbre voilé, voix forcée ou en hypotension, tremblement, raucité, défaut de justesse11..., comment rendent-ils leur faiblesse  créative ?  Cette  voix   défaillante,  libérée  des   contraintes  esthétiques  du « bien chanté  », conforte par sa singularité l'éthos  de l'artiste.
 
- Tours de force prosodiques et littéraires qui sont des tours de force interprétatifs : jeux de sons12, chansons à trous13, coupures internes au mot14, rimes inattendues ou inentendues15... 
 
- Jeux de sens (homonymies qui créent des équivoques16, double-sens, chute surprenante et compréhension rétrospective), jeux énonciatifs (instabilités discursives17, discours rapportés18, destinataire incertain19. 
 
- Jeux de paradoxes dans la performance vocale et instrumentale : imprégnation paralinguistique de la voix (ironie20, pastiche, parodie21, sous-entendu), implicite, connotations et allusions, présupposés… La performance interprétative brouille les pistes ou les multiplie. 
 
- L’ambiguïté du statut générique : la chanson  à la frontière entre plusieurs catégories artistiques (poésie sonore, art discursif  et  oratoire, chanté/parlé22, populaire/savant…), paradoxe ou cohérence entre paroles, mise en musique et interprétation.
 
- Canteurs en trompe-l’œil : canteur faussement  naïf23, canteur délibérément suffisant ou antipathique24, ambiguïté du «je » de la chanson,  confusion canteur/chanteur25 dans les chansons métatextuelles, diffraction canteur/chanteur dans les chansons menties26... 
 
- Resémantisation lors d'une reprise  : détournement ou récupération qui font entendre la chanson,  au bénéfice de ces ambivalences, autrement.
 
Toutes les spécialités scientifiques seront bienvenues pour nourrir cette réflexion et cette seconde édition de la Biennale internationale de la chanson  se veut, tout autant que la première,  le reflet de la multiplicité des études qui se mènent actuellement sur la chanson  dans des disciplines différentes.
 Les propositions de communication (une quinzaine de lignes) doivent nous parvenir avant le 10 septembre 2018 aux deux adresses  suivantes :
celine.chabot-canet@univ-lyon2.fr
  joel.july@univ-amu.fr
Cette manifestation, qui se déroulera, la même semaine,  successivement sur deux sites (Aix-en-Provence et Lyon) donnera lieu à une publication. On pourra compter sur le partenariat de la salle de spectacle  Le Petit Duc et de la SACEM, à Aix-en-Provence.
Notes
-  Par son format bref, la chanson ne laisse pas le temps d'en comprendre  toute la subtilité, de la savourer  et de s'émouvoir tout son soûl, obligeant ainsi l'auditeur à la réécouter pour réitérer et exaspérer le concentré  d'émotion qu'elle induit.
 
- Son tout « organique  » pour reprendre  l'expression de Stéphane Hirschi (Chanson, l'art de fixer l'air du temps, PUV, 2008) 
 
- Par exemple, Alain Souchon, Foulesentimentale,Léo Ferré, C'estextra, Barbara, L'Aiglenoir.
 
- De nombreux  exemples chez Henri  Salvador. 
 
- Les Rita Mitsouko (Marcia Balla, Le Petit Train), de nombreux  exemples dans le répertoire brésilien de la samba... 
 
- LiliMarlene,È arrivato l’ambasciadore, Le Temps des cerises, Göttingen... 
 
- Barbara, Ilétaitunpianonoir..., éd. Fayard, 1998 : «  Il  y a parfois des incidences qui bousculent l'ordinaire, puis qui s'imposent ensuite comme des évidences. C'est ainsi, par exemple,  qu'une fausse note peut se révéler 'créatrice' et trouver sa  place. » (p. 39) 
 
- Kent, Dansla tête d'un chanteur, éd. Le Castor astral, coll. Castormusic, 2015 : «  Durant l'enregistrement d'un disque vous pesez le pour et le contre,  si vous vous trompez vous recommencez, vous domptez le hasard, vous condamnez  l'accident, vous  tentez de saisir un moment de grâce, le mariage magique  de l'élan vital et de la perfection technique. En tournée,  le moment de grâce, c'est chaque soir si possible. En saisir l'esprit est plus qu'aléatoire car il ne découle pas que de la performance musicale. Un concert chaotique  peut être extraordinaire. » (p. 146)
 
- Ainsi le clip vidéo qui est devenu  un passage obligé de la diffusion de la chanson  à la télévision et sur le Net peut entretenir avec la chanson  un savant jeu d'explicitation ou de contradiction.
 
- Mot forgé pour  désigner la capacité de la chanson  à profiter de son oralité (et à la doser)  pour la transformer en vecteur de poéticité (Joël July, Esthétique  de la chanson  française contemporaine, L'Harmattan, 2007).
 
- Jane Birkin, Renaud, Vincent Delerm, Plastic Bertrand, Jean-Louis Aubert, etc. Le duo réussi entre Gaëtan Roussel et Hoshi (Je vous trouve un charme fou) est assez  symptomatique d'une reconnaissance  des voix éraillées.
 
- En France, Boby Lapointe, Les frères  Jacques, Chanson  plus bifluorée... ; en Italie Fred  Buscaglione, Elio e le storie tese.
 
- Philippe Katerine, Louxor,j'adore (Robots après tout, 2005).
 
- Georges Brassens dans La Ronde des  jurons, Le Vin, Le Vieux Léon,  Françoise Hardy (Serge  Gainsbourg), Comment te dire adieu. 
 
- Pierre Vassiliu, Ma cousine.
 
- Julien Clerc (Étienne Roda-Gil), La Belle est arrivée.
 
- Édith Piaf, LesMots d'amour.
 
- Renan Luce, Autéléphoneavecmaman.
 
- Barbara, Ma plus belle histoire  d'amour. 
 
- Clarika, Bienmérité.
 
- Cf. les parodies d'Oblivion en Italie,  qui pastichent à la fois la littérature et les chansons les plus connues du répertoire italien.
 
- Du talk over jusqu'à la chanson pas chantée de Loïc  Lantoine.
 
- Jacques Brel, J’vous aiapporté des bonbons ; Brigitte Fontaine, C'estnormal.
 
- Boris Vian, J’suis  snob.
 
- Daniel Balavoine, Le Chanteur. 
 
- Le sexe de l'interprète se met en désaccord avec l'identité (textuelle)
 
 
 

 
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Lundi 23 Septembre, 2024