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10 avril 2017, par Jean-Marc Warszawski ——

Vaňhal et Beethoven par vents et piano

Ludwig van Beethoven, Johann Baptist Wanhal, Didier-Castell Jacomin (piano), Geert Baeckelandt (clarinette), Catalpa Wind Quartet. Continuo Classics 2016 (CC 777.720)

Ludwig van Beethoven, Johann Baptist Wanhal, Didier-Castell Jacomin (piano), Geert Baeckelandt (clarinette), Catalpa Wind Quartet. Continuo Classics 2016 (CC 777.720)

Enregistré au Theater aan het Vrijthof de Maastricht, les 1-2 février 2016.

Ce cédé nous propose des viennoiseries du tout début XIXe siècle. Deux œuvres pour piano et clarinette de Jan Křtitel Vaňhal (Johann Baptist Wanhal), compositeur, chanteur, multi-instrumentiste venu de Bohême, qui depuis une quarantaine d'années a fait son nid à Vienne où ses œuvres sont fort admirées, et le quintette pour vents et piano (opus 16) du jeune Beethoven qui doit s'imposer et trouver à se financer dans cette ville qu'il habite depuis 1792.

De l'imposant catalogue des œuvres de Vaňhal on en connaît quatre pour piano et clarinette.

La Sonata per il fortepiano con violino o flauto, o clarinetto obligato e violoncello ad libitum, numérotée par Alexander Weinmann XIa :69, une Sonatina per il clavicembalo con violino o flaute o clarinetto obligato (XIb :31), et les deux qui figurent sur ce cédé : la Sonata per il clavicembalo o piano forte con clarinetto o violine obligato (en si♭), XIa:26, publiée par N. Simrock à Bonn en 1801, réédité par Breitkopf und Härtel (Musica Rara 2080) sous le no 3, et la Sonata per il Clavicembalo o Piano Forte con Clarinetto o Violine obligato, également éditée par Simrock, en 1803, numérotée XIa :27, rééditée par Breitkopf, portant pour ce cédé le no 1, en do majeur, transposée en si♭, instrument moderne oblige.

Ce sont là deux œuvres concertantes et pas mal babillardes, délicieuses, d'un compositeur au fait de son métier, qui préfère ici la délicatesse, l'amabilité,  et le divertissement aux éclats de virtuosité mécanique, avec de très beaux moments lyriques, et d'autres au bonheur guilleret.

On souligne souvent la proximité du quintette opus 16 de Beethoven, créé à Vienne le 16 avril 1797, avec le quintette K 452 de Wolfgang Amadeus Mozart créé 13 ans plus tôt dans la même ville. Même distribution instrumentale, même tonalité de mi♭majeur, même forme. On entendrait même dans l'andante l'air « Batti, batti, o bel Masetto », que Zerlina chante dans Don Giovanni. Quand on est un jeune compositeur qui a besoin de vivre, pourquoi ne pas miser sur ce qui marche. Pour cette raison, il a aussi composé une version pour quatuor à cordes de cette pièce. Il sera tout de même le compositeur qui portera le fameux style classique viennois (en fait c'est de cela qu'il s'agit), après Haydn, Mozart, aussi Vaňhal et bien d'autres, à son apogée et a son dépassement.

Beethoven ayant composé cette œuvre pour un de ses propres concerts, la partie de piano y est particulièrement riche, soignée et mise en valeur. Contrairement au style concertant de Mozart, Beethoven a ici tendance à opposer le piano au quatuor, se rapprochant ainsi du concerto. Même si cette œuvre reste aimable, on y décèle l'emphase dans la lente introduction, du piquant dans la partie centrale du dernier mouvement, et sur la fin des traits d'humour plus proches de Haydn — collègue et concurrent — que de Mozart.

Nous aimons le parti-pris chambriste, dans une prise de son intimiste, un peu à l'ancienne, et classique, dans un jeu sans esbroufe ou effets surajoutés. Du joli son, un état d'esprit alerte. Nous apprécions particulièrement le jeu au piano de Didier Castell-Jacomin, qui sur son grand Steinway de concert ne se départit pas d'un toucher de claveciniste ou de pianofortiste, dans une parfaite égalité tant rythmique que dans l'intensité, ce qui donne une élégance et une délicatesse sans pareil dans les traits.

En effet les touches des pianos modernes ont un poids, un enfoncement, un rebond sur le sommier qui donnent aux pianistes un retour physique à leurs attaques, retour qu'on n'a pas à l'orgue, au clavecin ou au piano-forte, où la qualité régulière du toucher doit être plus intériorisée. En retour on est plus limité dans l'ampleur des dynamiques. Mais là encore, du piano au forte, l'échelle des dynamiques est subtilement resserrée, avec des vents maîtrisant parfaitement la demi-teinte, participant à une espèce de sensualité qui marque ce cédé du premier au dernier octet.