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Vézelay, Cité de la voix, 4 février 2017, par Eusebius ——

The night in silence, avec Fanie Antonelou et Mihaly Zeke

Fanie Antonelou. Photographie © D. R.

C'est à la Cité de la voix de Vézelay, où elle est actuellement attachée, que Fanie Antonelou et Mihaly Zeke donnent ce récital centré sur la nuit, thème cher aux romantiques.  Le programme nous conduira de Hugo Wolf à George Crumb.

Trois des Sieben frühe(n) Lieder(n) (1905-1908), d'Alban Berg, d'une très opulente partie pianistique, sont l'occasion d'apprécier cette voix, lyrique, aux couleurs irisées.  Rares, les deux mélodies de Samuel Barber (Longing et Nocturne), bien qu'écrites à 16 ans d'intervalle, portent bien la marque très personnelle, et séduisante du compositeur. La lumière après la nuit, en quelque sorte. Les trois extraits du cycle Apparition (1979), de George Crumb, sont une oeuvre majeure qui commence à faire son chemin. Les techniques contemporaines, de l'écriture pianistique comme de la voix, y sont magnifiées, toujours au service d'une réalisation musicale juste, où toute la palette expressive est sollicitée1.

La seconde partie paraît moins contrastée au plan stylistique. Entre Wolf, Mahler et Schönberg, il y a manifestement une forme de filiation. L'humour, le clin d'œil facétieux, une forme de légèreté succèdent à la force tragique de Crumb.  Les historiettes de Hugo Wolf, délicieusement écrites, ont tout pour séduire. I neraida (la fée) de Manolis Kalomiris, bien qu'authentiquement grecque, appartient à la même veine. Avec trois lieder de Mahler, dont deux du Wunderhorn, nous sommes en pays de connaissance, sans doute le point culminant de cette seconde partie. Erwartung, des Vier Lieder de l'opus 2 de Schönberg (1899) nous émeut toujours autant par sa fluidité, ses harmonies et ses couleurs. Changement de ton pour les deux des Brettl-Lieder (écrits pour un cabaret) : la passion sensuelle, mais aussi la légèreté nous rappellent  combien Schönberg est ancré dans le paysage musical de son temps, avant que l'atonalité expressionniste l'éloigne de l'écriture traditionnelle.  Les acclamations d'un nombreux public, dont on pouvait redouter la réaction à l'écoute de musiques audacieuses, appelle un beau bis (de Barber).

Le nom de Maria Callas nous fait oublier combien la Grèce nous a donné de grandes voix féminines. Pour mémoire Agnès Baltsa, Irma Kolassi et Elena Souliotis (je dois en oublier) ont eu une brillante carrière internationale. Fanie Antonelou est de taille à rejoindre ces élues prestigieuses. Née à Athènes où elle a reçu sa première formation, elle est allée ensuite à Stuttgart (auprès de Dubnja Vejzovic et d'Ulrike Sonntag, que nous avons eu le bonheur d'accueillir en Bourgogne à plusieurs reprises). En 2005, elle obtient le Grand Prix du concours Maria Callas. Elle enregistre alors L'occasione fa il ladro (Ernestina), de Rossini, avec Antonino Fogliani à la direction. À l'École de l'Opéra de Stuttgart de 2006 à 2009, elle est lauréate de plusieurs concours très sélectifs (Frankfurt, Graz).  Teodor Currentzis la choisit en 2012 pour enregistrer les Nozze di Figaro, où elle est la plus belle des Suzanna2. Les concerts se multiplient, de France à tout l'Est européen jusqu'en Russie, en passant par Venise, où elle chante sous la conduite de chefs renommés. Musicien complet, humble et exigeant, Mihaly Zeke confirme toutes ses qualités d'accompagnateur, une admirable maîtrise tant technique que musicale, une attention permanente à la partenaire, tout est là3.

Eusebius
4 février 2017
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1. Précision : même sans le support du texte de Whitman, l'émotion est bien présente. La Cité de la Voix a pris soin de distribuer les traductions des textes chantés avant le concert, la compréhension y gagne considérablement, quelles que soient les qualités d'élocution de la cantatrice.

2. Une vidéo publiée sur YouTube :

3. À Chalon-sur-Saône, le 14 février à 20h, Arsys, que dirige Mihaly M. Zeke, se produit avec Fanie Antonelou pour un programme Bach (les cantates 12 et 4) Schönberg et Hersant.

4. La Comtesse et l'Ouvreuse étaient de la partie. La première suggérait le titre d'un programme animalier : Vézelay au bestiaire (… le contrepet, inconnu dans les pays germaniques, aurait-il été du goût de Schönberg ? Il est permis d'en douter, malgré la verve des Brettl-Lieder). La seconde confiait avoir admiré le ton de la cantatrice.

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