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musicologie
Théâtre de Caen le 8 février 2017, par Alain Lambert ——

Sankai Juku « Meguri » : entre rituel cyclique et évolution du temps

Le buto est né dans les années soixante de l'histoire et de l'actualité politique du Japon d'alors en s'éloignant de la tradition du nô ou du kabuki, en s'inspirant des avant-gardes comme le dadaïsme, l'expressionnisme et le surréalisme qui avaient déjà pris racine dans le pays avant-guerre, et sans renier les influences du shintoïsme ou du bouddhisme. Ici la danse n'illustre pas, elle ne raconte pas mais tente de révéler intensément et parfois violemment l'intériorité humaine.

Les huit danseurs de la compagnie Sankai Juku, dont le chorégraphe, fondateur en 1975, Ushio Amagatsu, interviennent au cours de sept tableaux, en alternant solo, quatuor ou trio, avec un final à sept, quatre dans l'espace central et trois répartis sur les bordures. Vêtus de jupes ou de toges blanches, tous têtes rasées et enduits de blanc, ils sont en tension permanente entre immobilité et mouvement, de la simple ondulation des doigts au déplacement chaotique et heurté.

Parfois, une touche de couleur vestimentaire rappelle la lumière qui irise le décor, du rouge, du bleu, du vert... La fresque murale répétitive et en relief de végétaux fossiles renvoie aux temps lointains dont ne perdure que la trace pétrifiée. Une minéralisation à laquelle nos statues dansantes essaient d'échapper par leur énergie intérieure. Quand ils ne sont pas mus par une force extérieure qui les fait hurler et se tordre en silence au bruit des alarmes et des sirènes. Fukushima n'est pas loin....

La musique, souvent synthétique, plus proche des recherches des années soixante-dix façon Tangerine Dream ou  Pink Floyd, que de la musique électro actuelle, quelquefois mêlée d'instruments acoustiques (violon traditionnel, violoncelle...) amplifie le silence des mouvements et des attitudes, et les rend encore plus sidérants.

Le soliste, l'ancêtre peut être, surgi du noir, passe d'abord au premier plan de gauche à droite en ondulant et pivotant lentement, hésitant entre mouvement et statisme, dans l'esprit originaire du buto... Au sixième tableau, il refera une traversée en apparence symétrique  mais en arrière-plan et de droite à gauche. Avec les tableaux à quatre ou trois, la nécessité du mouvement devient plus intense, ce qu'affirme le chorégraphe : « J'ai osé mettre plus de mouvement, comme si une force extérieure animait les interprètes. »

Ainsi ces anémones de mer du second tableau, déjà présentes lors du premier, en arrière-plan au centre, pendant que l'ancien traverse debout, et qui ensuite vont se déployer sur place puis s'éloigner aux quatre coins selon les évolutions de la musique en arpèges synthétiques. Dans un autre tableau aux ailes d'oiseau, l'évolution est plus dans la verticalité et la rotation. Mais toujours le jeu avec la gravité, aux deux sens du terme.

Un voyage intérieur venu d'ailleurs, mais qui nous touche profondément. Même le salut final très ritualisé sur fond de boucles musicales met mal à l'aise le public qui applaudit sans attendre le silence, sans doute trop éprouvant.

À venir au théâtre de Caen en danse : Les Pléiades d'Alban Richard, avec les Percussions de Strasbourg les 3 et 4 mars, et deux spectacles du Ballet Preljocaj les 4 puis 6 et 7 avril.

Alain Lambert
8 février 2017
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