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Par Strapontin au Paradis, 20 juillet 2017 ——

Retour sur le Festival de Saintes : Wilhem Latchoumia et Vox Luminis

Wilhem Latchoumia. Photographie © Sébastien Laval.

Piano mystérieux de Wilhem Latchoumia

Le pianiste lyonnais Wilhem Latchoumia est un musicien atypique qui poursuit son chemin hors des sentiers battus. Rompu dans le répertoire moderne des xxe et xxie siècles, chacun de ses concerts est une découverte, car il aime amener le public dans des contrées encore peu explorées. Même pour des compositeurs dont le nom est familier, il sort toujours quelques atouts de sa poche, soit en programmant des œuvres méconnues, soit en proposant une interprétation que lui seul pourrait envisager, et la magie opère.

C'est le cas de ce concert du 20 juillet, où il nous invite à une soirée imaginaire et fiévreuse en Espagne, et à des divertissements plaisants et charmants plutôt parisiens. Quelques partitions de Debussy, de Falla, de Satie et de Mompou, écrites durant les premières vingt années du xxe siècle, sont mises en reflet, de manière subtile et espiègle. Ainsi, la Soirée dans Grenade de Claude Debussy (1903) réapparaît dans le Homenaje (1920) et dans la Sérénade andalouse (1899) de Manuel de Falla, à travers le rythme de habanera, d'autant que dans le Homenaje, le compositeur andalou rend hommage à son confère français disparu deux ans plus tôt, en citant un court passage de la Soirée. Si dans Ondine, la créature fantastique tente d'ensorceler les hommes, dans L'amour sorcier, le fantôme empêche, par son pouvoir surnaturel, sa bien-aimée, vivante, de s'engager dans une nouvelle aventure.

D'un tempérament de feu, Wilhem Latchoumia apporte à cette première partie thématique un caractère passionné et mystérieux, notamment grâce à son sens aigu du rythme, donnant une grande cohérence au programme.

Viennent ensuite les Sports et divertissements d'Erik Satie et les Charmes de Federico Mompou. Les 21 miniatures de Satie (1914) suivent l'humour sarcastique propre au compositeur, et leur partition est figurée « par des points, des points noirs » comme il l'indique dans la préface. Ici, notre pianiste joue la légèreté parfois par une gravité, parfois par une prétention de virtuosité, parfaitement conforme à l'esprit de l'ermite d'Arcueil. Les six pièces qui constituent les Charmes (1920-1921) du compositeur catalan portent des titres évocateurs (pour endormir la souffrance ; pour pénétrer les âmes ; pour inspirer l'amour ; pour les guérisons ; pour évoquer l'image du passé ; pour appeler la joie) et rappellent en grande partie Debussy ou Chopin. Latchoumia montre  un autre visage, reposant et lyrique, dans de belles couleurs « impressionnistes », toujours tintées de mystère. Ces différentes facettes pianistiques et son talent communicatif conquièrent l'auditoire qui applaudit très chaleureusement.

Œuvres chorales de Händel par Vox Luminis

Vox LuminisVox Luminis. Photographie © Sébastien Laval.

Toujours le 20 juillet, dans la soirée, l'ensemble Vox Luminis dirigé par Lionel Meunier fait résonner deux œuvres solennelles de Haendel, Ode for St. Cecilia's day HWV76 et Dixit Dominus HWV 232. C'est le dernier des trois concerts que Vox Luminis donnait en tant qu'ensemble en résidence du festival de cette année, après « La dynastie Bach, 100 ans de motets » le 15 juillet et un programme Bach et Purcell le 18 juillet.

Les émotions sont palpables chez les musiciens, et surtout chez les chanteurs qui s'engagent dans l'interprétation avec autant — ou plus — d'ardeur expressive que le suggère la partition de l'Ode et le poème de John Druden (1631-1700). Si le récitatif du ténor qui ouvre la série vocale, avec les vers « From harmony, from Heav'nly harmony this universal frame began », est un peu timide, la musique prend de plus en plus de fluidité et d'assurance, avec de belles variations de tessitures et de timbres convergeant vers la fin, où se réunissent toutes les couleurs pour le final grandiose en hommage à la musique.

Dans Dixit Dominus également, l'aspect solennel est activement préservé dans l'interprétation, si ce n'est accentué encore davantage. Lionel Meunier souligne soigneusement le caractère théâtral de la musique écrite sous la plume d'un jeune homme de 22 ans, sans pour autant exhiber inutilement une certaine exubérance que recèle la partition.

La soprano solo Zsuzsi Tóth est impressionnante par la grâce et la pureté de sa voix, qui n'est aucunement dénuée de puissance. Elle établit une merveilleuse complicité avec la partie instrumentale, et ensemble, les musiciens forment une unité à la fois intime et ouverte, propice à la célébration divine.

 Strapontin au Paradis
10 septembre 2017
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