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2 juillet 2016, par Jean-Marc Warszawski ——

Petrouchka orchestre et piano par le Sinfonieorchester Basel, Maki Namekawa et Dennis Russel Davies

Igor Stravinsky, Petrouchka, Sinfonieorchester Basel, Maki Namekawa (piano), Dennis Russel Davies (piano et direction). Sinfonieorchester Basel 2017 (SOB 11).

Igor Stravinsky, Petrouchka, Sinfonieorchester Basel, Maki Namekawa (piano), Dennis Russel Davies (piano et direction). Sinfonieorchester Basel 2017 (SOB 11).

Version orchestrale enregistrée au casino de Bäle les 25-37 août 2015 : version piano quatre mains, au Musiktheater de Linz, les 22-24 avril 2016.

Depuis 2013, l'Orchestre symphonique de Bâle et ses 100 musiciens, (Sinfonieorchester Basel), qui publiait jusque-là chez CPO, a son propre label discographique, dans lequelle son chef depuis 2009, le pianiste Dennis Russel Davies (remplacé en 2016 par Ivor Bolton) se taille une bonne part.

Chef réputé, Dennis Russel Davies l'est également comme pianiste, il forme avec son épouse la pianiste Maki Namekawa, un duo recherché.

Ce cédé clôt la parution des trois ballets parisiens, qui fondent la gloire d'Igor Stravinsky, par le Symphonique de Bâle sous la direction de Dennis Russel Davies et en version piano à quatre mains avec Maki Namekawa. Ces trois enregistrements sont d'ailleurs proposés en coffret.

Cette série de ballets  a été inaugurée le 25 juin 1910 à l'Opéra de Paris, lors de la création de l'Oiseau de feu (sur des contes russes), sous la direction de Gabriel Pierné, avec les Ballets russes. Un triomphe.  Stravinsky dévoile un style qu'il abandonnera assez rapidement, alliant une motricité frénétique, mais aussi des épisodes lyriques, voire élégiaques, à un jaillissement de motifs,  puisés dans des thèmes populaires russes, et un art sans pareil de l'orchestration et de ses couleurs.

Il réitère ce succès  avec Petrouchka, créé le 13 juin 1911,  au théâtre du Châtelet, sous la direction de Pierre Monteux, toujours avec Ballets russes. La même année, il réalise une version pour piano à quatre mains. En 1921, une version pour piano en 3 mouvements, commandée par et dédicacée à Arthur Rubinstein, créée par Jean-Wiener le 26 décembre1922 au Théâtre des Champs Élysées. Il révise sa partition d'orchestre en 1946-1947.

Curieusement, la création du troisième ballet,  le 29 mai 1913, Le sacre du printemps  (Tableaux de la Russie païenne), au Théâtre des Champs-Élysées, sous la direction de Pierre Monteux, avec les Ballets russes, provoque un scandale. Peut-être les procédés déjà connus et appréciés dans les deux ballets précédents paraissent dans cette œuvre exacerbés, paroxysmiques. L'année suivante Paris fait un triomphe à cette œuvre qui devient une des références du modernisme musical.

Le Ballet Petrouchka se déroule dans une fête populaire de la Semaine grasse (qui précède le Grand Carême, mais à l'origine une fête païenne de la fin de l'hiver et de l'entrée en printemps, à Saint-Pétersbourg, avec comme héroïne et héros des marionnettes dotées de sentiments humains, dont Petrouchka, amoureux déçu. Ce contexte permet à Stravinski  de puiser dans des thèmes de folklore et populaires, avec une large palette de sentiments et de personnages. Cependant, une des citations les plus connues (surtout en France) est celle du refrain d'une « scie » de Dranem (Armand Ménard, 1869-1935)  chanteur commis troupier au répertoire sensiblement scabreux, La jambe en bois (1908). La jambe en Bois, par Dranem.


Extrait du premier tableau, Fête populaire de la Semaine grasse, Sinfonieorchester Basel, direction Dennis Russel Davies, plage 1.
Extrait du premier tableau, Fête populaire de la Semaine grasse, Dennis Russel Davies (piano), Maki Namekawa (piano), plage 13.

Le caractère mélodique joyeux, enfantin, voire de comptine, que les compositeurs russophiles apprécient depuis Moussorgski, a séduit Stravinski.

Le premier Tableau évoque un théâtre de marionnettes  dans une fête populaire à Saint-Pétersbourg vers 1930, et ses personnages : Petrouchka, la Ballerine, le Maure, le marionnettiste, le public.

Au second tableau, le marionnettiste insuffle des sentiments humains à ses pantins. Dans sa chambre Petrouchka se désole de sa laideur indigne de l'amour qu'il ressent pour la Ballerine, il manque son suicide.

Au troisième tableau, une scène d'amour entre la Ballerine et le Maure est interrompue par Petrouchka jaloux, il est chassé par le Maure.

Au quatrième tableau, le Maure poursuit Petrouchka dans la fête et le tue. Les marionnettes disparaissent, à la manière de l'opéra baroque, le marionnettiste rassure la foule, en rappelant que ce ne sont que des marionnettes. Le fantôme de Petrouchka apparaît (le moment de la partition préféré par Stravinsky).

Debussy fut très impressionné par cette  œuvre, il écrit à Stravinsky le 13 avril 1912 :

Grâce à vous, j'ai passé d'exquises vacances de Pâques en compagnie de Pétrouchka, du Maure terrible et de la délicieuse Ballerine. J'imagine que vous avez dû passer d'incomparables moments avec ces trois poupées… et je ne connais pas beaucoup de choses qui vaillent ce que vous appelez : « le Tour de Passe-Passe » [épisode au début du ballet] […] Il y a là-dedans une sorte de magie sonore, de transformation mystérieuse d'âmes mécaniques qui deviennent humaines par un sortilège, dont jusqu'ici, vous me paraissez l'inventeur unique. Enfin, il y a des sûretés orchestrales que je n'ai rencontrées que dans Parsifal – Vous comprendrez ce que je veux dire, j'en suis sûr ! » [Debussy Claude, Correspondance (1872-1918), édition établie par François Lesure et Denis Herlin, Gallimard, Paris 2005, p. 1 503).

L'Orchestre Symphonique de Bâle, Maki Namekawa et Dennis Russel Davies nous offrent ici deux très belles versions (de 1911) d'une œuvre majeure, auxquelles il faut joindre, par les mêmes, le même label, la même conception (version orchestrale et pianistique), l'Oiseau de feu et Le sacre du printemps. Petrouchka, « Les déguisés » (extrait), Sinfonieorchester Basel, sous la direction de Dennis Russel Davies, plage 12.


Tableau 1

1 (13). Fête populaire la Semaine grasse, 2 (14). Le Tour de pase passe, 3 (15). Danse russe, Tableau 2 : 4 (16). Chez Petrouchka, Tableau 3 : 5 (17). Chez le Maure, 6 (18). Danse de la ballerine, 7 (19). Valse, 8 (20). Le Maure et la Ballerine - Apparition de Petrouchka, Tableau 4 : 9 (21). Fête pômulaire de la Semaihne grasse, 10 (22). Danse des Nounous, 11 (23). Danse des cochers et des palefreniers, 12 (24). Les déguisés.

plume 6Jean-Marc Warszawski
21 juin 2017


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