Moeder. Photographie © Herman Sorgeloos.
Quel est ce musée de la mémoire familiale où la mère redevient petite fille en couveuse avant d'être couvée à son tour comme dans un cercueil trop étroit, où la grossesse n'est pas forcément arrondie, mais douloureuse et sans fin, ou accouchant d'images encadrées ? Qui sont ces visiteurs, en dehors de la future bru, qui s'ébahissent devant la madone ou devant ce cœur sanglant, que la pauvre femme de ménage ne peut jamais nettoyer ?
Les sons et les lumières y sont la matière brute qui hante le décor où une verrière cache beaucoup de choses, en particulier le matériel de bruitage aquatique et métallique fait en direct et en rythme selon les sursauts de la trame narrative. Des sons électros aussi, et un karaoké à la Janis Joplin, façon Cry Baby. Sans oublier la mezzo-soprano Eurudike De Beul, le fantôme maternel errant dont la voix veloutée s'élève par moment pour apaiser ce lieu de folie où la machine à café est un objet d'amour et où un tableau avale sa spectatrice.
Le surréalisme à la Luis Buñuel fonctionne encore, intemporel, dans cet univers de « danses de travers », pour reprendre un titre d'Erik Satie, qui explore notre inconscient incompréhensible, en anglais comme dans un épisode en version originale de la Quatrième dimension. Exprimé aussi dans un langage corporel halluciné par lequel les acteurs danseurs acrobates nous coupent le souffle, et nous font rire aussi, parfois jaune, quand cette mère berce son bébé braillard par une bien étrange acrobatie, répétée plusieurs fois.
Cet étonnant spectacle, à ne pas rater, sera encore joué à Luxembourg, Toulouse et Villeneuve-d'Ascq dans le courant du mois de mai.
Alain Lambert
3 mai 2017
Alain Lambert : alain@musicologie.org - Ses derniers articles : Yves Rousseau et le Christophe Marguet 5tet : Spirit Dance — Fred Frith « Les chants magnétiques » en plein champs — Ballet Preljocaj « Spectral Evidence / La Stravaganza » Le choc des corps et des cultures ! — Ballet Preljocaj, « retour à Berratham » : l'enjeu des mots et des mouvements — Sébastien Llinares gratte Erik Satie à la guitare — Stéphane Bemondo, Alexandre Hérichon, Wallace Roney : la trompette dans tous ses éclats ! — Plus sur Alain Lambert, tous ses articles.
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